Fiscalité de la SLP dans un contexte international : des incertitudes subsistent
La société de libre partenariat (SLP) a été créée dans le but affiché d’attirer les investisseurs étrangers, avec un argument simple, un non-résident investissant dans une SLP dédiée au private equity serait exonéré à raison de son investissement. Si l’on s’en tient aux informations disponibles sur les sites de type Infogreffe, une trentaine de SLP ont été constituées à ce jour. Même si les informations qu’il est possible d’en déduire ne sont que parcellaires, il semble que la SLP soit principalement utilisée conformément à sa destination originelle, i.e. comme un véhicule de private equity.
Pour autant, la SLP connaît également des utilisations plus innovantes, telles que des SLP qui servent à structurer des fonds de dette1 ou une SLP investissant dans l’immobilier2. La SLP a-t-elle convaincu les investisseurs étrangers ? Il est difficile de le dire avec certitude, même si on constate que des sociétés de gestion importantes proposent plusieurs fonds structurés sous forme de SLP et que celles-ci ont mécaniquement vocation à réunir une clientèle large, et donc potentiellement étrangère. Les problématiques fiscales internationales potentielles sont donc bien réelles, mais le régime fiscal a-t-il pour autant été clarifié à ce jour ?
L’appréhension du régime fiscal de la SLP
• L’appréhension du régime fiscal de la SLP en France
Le législateur a calqué le régime d’imposition de la SLP sur celui des fonds professionnels de capital-investissement (FPCI) qui prennent la forme de fonds communs de placement (FCP)3. La seule certitude, aujourd’hui, réside dans le fait que la SLP n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés (IS). Pour le reste, la SLP n’est ni fiscalement opaque, ni fiscalement translucide ou transparente : les flux reçus par la SLP ou les plus-values réalisées par celle-ci ne sont pas imposés à son niveau et ils ne seront pas imposés entre les mains des associés tant que la SLP ne réalisera pas une distribution de dividendes ou un rachat de parts.
Toute la difficulté résulte donc de la transposition qu’opère la loi d’un régime fiscal qui a été prévu pour un fonds, entité sans personnalité morale, à une société, entité avec personnalité morale. La question est alors de déterminer si ces opérations juridiques doivent influer sur la nature fiscale des produits sous-jacents.
Depuis la création des SLP, la règle du « couponnage » a été réintroduite dans le BOFiP. Ainsi, s’agissant des sociétés d’investissement à capital variable (SICAV), dotées de la personnalité morale mais non soumises à l’IS, il est précisé qu’elles peuvent « couponner », soit répartir, selon leur nature et origine, les produits qu’elles distribuent, pour replacer l’investisseur personne physique dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait perçu directement les revenus4.
Le principe d’une possible déconnexion entre la qualification juridique et fiscale des flux est donc clairement acté dans la doctrine administrative pour les SICAV et on voit mal comment il pourrait en être différemment pour les SLP. Afin d’être en mesure de justifier de la nature et de l’origine des flux, il est donc primordial de pouvoir assurer la traçabilité des flux, traçabilité que les sociétés de gestion de fonds sont habituées à manier.
• L’appréhension du régime fiscal de la SLP à l’étranger
Dans la mesure où la SLP est exonérée d’IS, elle ne peut généralement pas être regardée comme un « résident fiscal » au sens conventionnel. Cette qualification est importante lorsque la SLP a des associés non-résidents, ou encore, lorsqu’elle a investi hors de France et que le pays de la source doit déterminer si un flux doit être assujetti à retenue à la source (RAS). Dans ce dernier cas, selon l’analyse que mènera le pays de la source au regard de son droit interne sur la nature de la SLP elle-même, il pourra appliquer uniquement son droit interne ou, le cas échéant, appliquer la convention qui le lie avec le pays de résidence des porteurs d’actions de la SLP.
La SLP ne semble pas encore avoir fait l’objet d’une analyse officielle de son statut fiscal par un Etat tiers. A titre d’exemple, l’administration fiscale britannique n’a pas remis à jour sa liste des entités transparentes, alors même qu’on y retrouve la société en commandite simple et le fond commun de placement à risque.
La fiscalité applicable aux porteurs non-résidents
• La répartition d’actifs
C’est le régime de la répartition d’actifs prévu à l’article 244 bis B alinéa 3 du Code général des impôts qui met particulièrement bien en lumière les avantages de la SLP pour les non-résidents puisque ces répartitions sont exonérées d’impôt en France si le porteur détient moins de 25%, de manière directe et indirecte, dans la cible. A priori, peu de questions se posent ici dans la mesure où le revenu serait exonéré en droit interne.
Cependant, lorsque l’investisseur détient -indirectement- plus de 25% de la cible, une éventuelle plus-value de cession serait soumise à un prélèvement de 45%5, sous réserve des stipulations des conventions fiscales. Dans une approche fiscale comparable à celle des FCP, la convention fiscale applicable devrait être celle relevant de l’Etat du sous-jacent cédé, d’une part, et de l’Etat du porteur de parts non-résident, d’autre part. Ensuite, il faudrait, pour appliquer les conventions, qualifier le revenu et force est de constater que la notion de « répartition d’actifs » n’est pas d’un abord facile lorsqu’elle est appliquée à une société dotée de la personnalité morale. Il semble que, juridiquement, la répartition d’actifs pourra prendre des formes diverses (rachat de parts, distribution de dividendes par exemple) mais que, fiscalement, elle serait qualifiée de plus-value puisqu’elle nous semble consister en une attribution de plus-values aux porteurs de parts. Une position officielle de l’Administration sur ce point central du régime fiscal des SLP serait la bienvenue.
• Autres revenus
L’hypothèse visée est celle de la redistribution par la SLP d’intérêts ou de dividendes qui auraient été initialement perçus entre les mains de la SLP elle-même. Là encore, juridiquement, cette redistribution pourra prendre la forme de dividendes, étant entendu que le flux sous-jacent gardera sa qualification fiscale. Dans une approche de type FCP, les porteurs non-résidents percevant des revenus non français ne devraient pas être soumis à l’impôt en France, la situation étant extraterritoriale. Si les revenus sont de source française, les stipulations des conventions fiscales liant la France et l’Etat de résidence des porteurs de parts de la SLP devraient être applicables aux revenus perçus par ces porteurs par l’intermédiaire de la SLP.
Ainsi, dans l’exemple d’un dividende perçu par la SLP, qui serait redistribué par la SLP sous forme de dividende, la RAS de 30%6 devrait pouvoir être réduite en fonction des stipulations conventionnelles. Si celles-ci font référence à la distribution d’un dividende par un « résident » d’un Etat contractant, la clause ne sera pas applicable, sauf si on considère que la condition d’assujettissement doit être appréciée au niveau de la société distributrice et non au niveau de la SLP. Là encore, une position de l’Administration sur cette question serait la bienvenue.
En conclusion, deux ans après la création du régime, il apparaît que les acteurs du private equity ont utilisé la SLP. Pour autant, le régime fiscal de la SLP a-t-il été clarifié ? Il n’y a pas eu d’instruction spécifique aux SLP et, plus fondamentalement, le BOFiP relatif aux fonds d’investissement n’a pas été mis à jour. Par conséquent, d’un point de vue pratique, à défaut de solliciter un rescrit auprès de l’administration fiscale, il est difficile de sécuriser un régime fiscal auprès d’investisseurs étrangers, ce qui rend le « produit SLP » difficilement « commercialisable » (ou « marketable ») à l’international.
Notes
1 Par exemple, MED II S.L.P., CEREA CO-INVEST III S.L.P. (informations disponibles sur Infogreffe).
2 Par exemple, S.L.P. HORIZON IMMOBILIER (informations disponibles sur Infogreffe).
3 Article 1655 sexies A du Code général des impôts.
4 BOI-RPPMRCM-10-10-70-20160711, n°110 et 120
5 Ce taux de 45% sera certainement revu à la baisse dans le cadre de l’adoption de la loi de finances pour 2018 et de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (« flat tax »).
6 Ce taux de 30% sera certainement revu à la baisse également dans le cadre de l’adoption de la flat tax.
Auteurs
Thierry Granier, avocat associé, fiscalité internationale
Benoît Foucher, avocat en matière de fiscalité internationale