Focus sur le marché hôtelier parisien : la Ville Lumière sort de de l’ombre
Le marché hôtelier parisien a su rebondir à la suite de l’année noire de 2015 au cours de laquelle se sont produites les attaques terroristes. Paris a aujourd’hui retrouvé son dynamisme, et la création ou la rénovation des hôtels de luxe parisiens n’y est pas sans incidence.
La sortie de crise du marché hôtelier parisien
Les attentats intervenus à Paris en novembre 2015 ont fortement impacté le marché hôtelier parisien, entraînant une baisse significative du taux d’occupation de plus de 10 points. Cette baisse de la fréquentation des hôtels a en outre été renforcée par l’émergence parallèle de plateformes collaboratives telles que HomeAway, Airbnb ou Abritel. L’hôtellerie de luxe a été particulièrement touchée par ces évènements puisque le RevPAR en 2016 a diminué de 21%1.
Toutefois, Paris reste une destination touristique particulièrement prisée au niveau international et une étude de Jones Lang Lassalle d’août 2017 indique qu’en l’absence de nouvelles attaques, le marché hôtelier parisien devrait revenir à la normale entre le 4ème trimestre 2017 et le milieu de l’année 2018.
Au-delà de l’attrait inhérent pour la Ville Lumière, cette reprise du marché hôtelier à Paris s’explique par l’importance des travaux de rénovation des palaces parisiens emblématiques comme Le Ritz Carlton (réouverture fin 2016), Le Crillon (réouverture en juillet 2017), le Fouquet’s (réouverture en juillet 2017) ou encore Le Lutetia (réouverture fin 2017). Par ailleurs, le marché hôtelier va certainement bénéficier de la création de nouveaux hôtels particulièrement attendus comme l’ouverture de l’hôtel Cheval Blanc implanté dans l’ancien immeuble de la Samaritaine (ouverture 2018), la réhabilitation de la Poste du Louvre en un hôtel de 80 chambres (ouverture fin 2018), l’installation du premier hôtel Fauchon Place de la Madeleine (ouverture en 2018) et l’ouverture d’un hôtel 5 étoiles La Clef Champs-Elysées (ouverture en 2018).
La transformation des immeubles en hôtels face à la spécificité de la règlementation française
L’étude du marché hôtelier parisien démontre que les récentes ouvertures d’hôtels se réalisent dans le cadre de la restructuration d’immeuble existants, compte tenu de la faible disponibilité du foncier à Paris.
Ces projets de restructuration se réalisent sur plusieurs années et obligent les investisseurs à prendre en considération des contraintes spécifiques, notamment si l’immeuble est déjà occupé par des locataires de boutiques situées en pied d’immeuble ou de locaux à usage de bureaux. En effet, compte tenu de la spécificité de la règlementation française en matière de propriété commerciale, le locataire d’un bail commercial (art. L. 145-1 et suivants du Code de commerce) bénéfice d’un droit automatique au renouvellement de son bail commercial. A défaut de renouvellement, le locataire a droit au paiement d’une indemnité d’éviction venant réparer le préjudice subi par l’absence de renouvellement du bail, cette indemnité d’éviction représentant la valeur du fonds de commerce évincé ou la valeur dite « du droit au bail ». Si la valeur du droit au bail est réduite en matière de locaux à usage de bureaux, les indemnités d’éviction de boutiques impactent fortement le montant de l’investissement des propriétaires des murs. Par ailleurs, la problématique de ces évictions doit être appréhendée par les investisseurs en amont en termes de calendrier puisqu’il faut compter entre trois et quatre ans pour obtenir une décision de la Cour d’appel de Paris fixant définitivement le montant de l’indemnité d’éviction. Ces délais particulièrement longs incitent généralement les parties à transiger.
Par ailleurs, outre les aspects liés au droit de l’urbanisme nécessitant l’obtention d’un permis de construire, si l’immeuble objet de la restructuration comprend des locaux à usage d’habitation, il conviendra de mettre en œuvre la règlementation spécifique du changement d’affectation notamment prévue à Paris (art. L. 631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation). En effet, le changement d’usage des logements en usage commercial d’hôtel ne peut avoir lieu qu’après l’obtention d’une autorisation préalable délivrée par le maire, autorisation conditionnée à une « compensation » sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. Cette compensation vise à échanger des mètres carrés de « commercialité » contre des mètres carrés d’habitation.
Le mode d’exploitation des hôtels parisiens
En France, les principaux contrats d’exploitation dans le domaine hôtelier sont le contrat de management, le bail commercial ou la location-gérance.
Le mode d’exploitation privilégié reste le contrat de management hôtelier visant à confier la gestion de l’hôtel à un tiers qui assume la responsabilité de la gestion opérationnelle et dont la durée moyenne est de 20 ans à Paris, les parties étant libres de convenir d’options de renouvellement. Si les « base fees » oscillent entre 3 et 5% du chiffre d’affaires et ont eu tendance à diminuer au cours de ces dernières années, les « incentive fees » plus en plus souvent adossés à des contrats de franchise permettant à l’exploitant hôtelier de bénéficier de l’enseigne et de ses canaux de distribution, le contrat de franchise s’ouvrant depuis peu aux marques haut-de-gamme.
La conclusion du bail commercial sur les actifs parisiens concerne essentiellement les « actifs trophées », comme le futur hôtel de la Poste du Louvre ou l’hôtel Fauchon, bénéficiant d’une offre hôtelière rare et d’une demande particulièrement forte. Les baux conclus sont généralement des BEFA (baux commerciaux en l’état futur d’achèvement) compte tenu de la restructuration préalable de l’immeuble dans lequel l’hôtel va être exploité qui impose la description de l’état d’achèvement du futur hôtel. Compte tenu des investissements réalisés par le bailleur en termes de travaux de construction(le preneur ne conservant à sa charge que les FF&E et les OS&E), le bail commercial est souvent conclu pour une durée ferme de 12 ans, voire supérieure. Le montant du loyer de ces actifs, comprenant généralement un loyer minimum garanti et un loyer variable, représente environ 65% de l’EBITDAR et les loyers variables peuvent atteindre 15 à 20% du chiffre d’affaires.
Par ailleurs, le contrat de location-gérance connait un certain renouveau en France mais concerne, à Paris, les hôtels de milieu de gamme voire économique. La location-gérance présente toutefois des contraintes pour le propriétaire du fonds de commerce qui doit avoir exploité le fonds pendant une durée minimale de deux années avant de le mettre en location-gérance (art. L. 144-3 Code de commerce) et pour l’exploitant qui ne bénéfice à la fin du contrat d’aucun droit à indemnité d’éviction.
Le choix entre ces différents modes d’exploitation dépend généralement de l’emplacement de l’hôtel, et du propriétaire des murs, les investisseurs privilégiant le contrat de management ou le bail commercial. Compte tenu de la reprise du marché hôtelier parisien, la négociation de ces contrats a encore de beaux jours devant elle !
Note
1 Source In Extenso, fév. 2017
Auteurs
Jean-Robert Bousquet, avocat associé, Coporate/Fusions & Acquistions
Géraldine Machinet, avocat, droit immobilier