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Les fonds, nouveaux types de prêteurs

Les fonds, nouveaux types de prêteurs

L’article 27 de la loi n°2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 (la « LFR 2015« ) comporte une innovation longtemps espérée secrètement par beaucoup, parfois évoquée publiquement par les plus iconoclastes, mais pour laquelle le vaste mouvement de désintermédiation de l’économie a dernièrement créé les conditions d’un consensus : la possibilité pour certains fonds de prêter directement aux entreprises.

Pour mémoire, la loi française1 pose un principe d’interdiction à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer en France des opérations de crédit (dont l’octroi de prêts) à titre habituel. Par dérogation, cette interdiction ne s’applique pas à certains fonds d’investissement alternatifs (FIA), sous réserve des dispositions particulières qui leur sont applicables. Ainsi, ces FIA peuvent prêter pour autant que les dispositions qui les régissent le prévoient ou l’autorisent. D’une manière générale, la compétence légale de ces fonds étant régie par un principe de spécialité, la possibilité pour un tel fonds de prêter en dehors d’une disposition expresse de la loi était incertaine ou, à tout le moins, discutable. A titre d’exemple, avant l’entrée en vigueur de la LFR 2015, un organisme de titrisation pouvait acquérir des créances à terme (comme une créance de remboursement d’un prêt) ou souscrire directement à une émission obligataire, mais ne pouvait prêter directement à une entreprise.

La LFR 2015 vient modifier le régime juridique respectivement applicable aux fonds professionnels spécialisés2, aux fonds professionnels de capital investissement3 et aux organismes de titrisation4 en leur donnant la possibilité de prêter aux entreprises dans deux types de cas :

  • lorsque le fonds peut se prévaloir de la qualification de « fonds européens d’investissement à long terme » (au sens du règlement (UE) n°2015/760 du 29 avril 2015) et dans les conditions fixées par le règlement « ELTIF » ; la faculté expressément offerte à ces véhicules est bien entendu conditionnée (i) à la capacité de leurs sociétés de gestion de conduire une telle stratégie de gestion et (ii) au respect des règles d’investissement propres à chacun de ces types de fonds5. A noter qu’il est regrettable que le législateur n’ai pas cru bon d’adapter le droit français pour tenir compte des entités susceptibles de répondre aux critères du règlement « ELTIF » sans appartenir aux fonds visés par l’article 27 de la LFR 2015 ;
  • dans des conditions qui restent à fixer par décret en Conseil d’Etat. Cette ouverture législative permettra au Gouvernement de tenir compte des travaux de place menés récemment sur ce sujet et, en particulier, de la consultation publique lancée par l’AMF fin 2015 dont les résultats démontrent une certaine maturité de la place de Paris pour étendre la possibilité de prêter en dehors du strict cadre du règlement « ELTIF ». Bien entendu, il serait naturel que le décret à venir impose quelques contraintes, dans l’intérêt des investisseurs de ces fonds mais également des futurs emprunteurs. La lettre de l’article 27 de la LFR 2015 laisse penser que l’ouverture apportée par le futur décret devrait se limiter aux prêts aux entreprises.

Le changement introduit est important car il offre à des entités non strictement bancaires la possibilité de financer les entreprises par octroi de prêts. Evidemment, de nombreux fonds participent déjà aujourd’hui au financement de l’économie mais ils ne pouvaient le faire que par rachat de créances ou par souscription de titres obligataires. Avec la réforme et, espérons-le, le décret à venir, les fonds pourront plus largement et plus directement participer au financement de l’économie.

Notes

1 Article L. 511-5 du Code monétaire et financier (« CMF »)
2 Articles L. 214-154 et suivants du CMF
3 Articles L. 214-160 et suivants du CMF
Articles L. 214-169 et suivants du CMF
Voir « Les fonds européens d’investissement de long terme arrivent ! » Option Finance, avril 2015

 

Auteurs

Grégory Benteux, avocat associé, spécialisé dans les opérations de financements structurés et de titrisation, tant domestiques qu’internationales, portant sur tout type d’actifs

Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers

 

Les fonds, nouveaux types de prêteurs – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 18 janvier 2016