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France.com : vers une «personnalisation» des droits de l’Etat français?

France.com : vers une «personnalisation» des droits de l’Etat français?

La cour d’appel de Paris a rendu le 22 septembre 2017 un arrêt atypique, aux termes duquel l’Etat français, et peut-être plus généralement d’autres types de collectivités, seraient autorisés à se prévaloir de droits étendus sur le nom qui les caractérise, en l’absence de tout dépôt à titre de marque (CA Paris, 22 septembre 2017, n°15/24810, Atout France).

Sans grande originalité, cette affaire avait commencé par une classique action en contrefaçon de marque opposant deux sociétés étrangères : France.com Inc., société américaine titulaire de droits antérieurs, et Traveland Resorts, société néerlandaise qui avait procédé à l’enregistrement de marques verbales et semi-figuratives incluant le terme « France.com », en France et dans l’Union européenne.

Ces signes étaient déposés pour désigner des produits inclus dans les classes 16 et 25 (notamment les produits de l’imprimerie et les vêtements) et des services inclus dans les classes 35, 36, 38, 39, 41, 42 et 43 (notamment les services de transport, de restauration et d’hébergement temporaire).

L’affaire semblait classée, puisque les deux sociétés étaient parvenues à résoudre amiablement leur différend par la conclusion d’un accord de cession des marques au profit de France.com Inc. C’était toutefois sans compter l’intervention volontaire de l’Etat français…

En effet, à la suite de la cession, l’Etat français et la société Atout France, groupement d’intérêt économique ayant pour mission de promouvoir le tourisme en France, engagèrent une action à l’encontre du nouveau titulaire, France.com Inc., aux fins d’obtenir, soit l’attribution des marques pour dépôt frauduleux, soit leur annulation.

Confirmant partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, la Cour d’appel fait droit au second argument, et ce en l’absence de tout droit de marque détenu par l’Etat français. La Cour d’appel retient que « l’appellation « France » constitue pour l’Etat français un élément d’identité assimilable au nom patronymique d’une personne physique ; […] ce terme désigne le territoire national dans son identité économique, géographique, historique, politique et culturelle, laquelle a notamment vocation à promouvoir l’ensemble des produits et services visés aux dépôts des marques considérées ».

La Cour d’appel estime qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public dans la mesure où ces produits et services seront identifiés comme « émanant de l’Etat français ou à tout le moins d’un service officiel bénéficiant de la caution de l’Etat français », le risque de confusion étant en outre « renforcé par la représentation stylisée des frontières géographiques de la France ».

Rappelant le caractère non exhaustif de la liste des droits antérieurs prévue à l’article L. 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, la Cour retient que « la dénomination « France » revendiquée par l’Etat français est susceptible de constituer une antériorité aux dépôts des marques françaises en cause dès lors qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ». Dessinant ainsi un audacieux parallèle entre nom patronymique et nom d’Etat, la Cour d’appel annule les marques françaises visées et encourage l’Etat français à engager des actions aux mêmes fins devant l’EUIPO en ce qui concerne les marques de l’Union européenne (UE).

En conséquence, et sous réserve de l’appréciation qui sera donnée par la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, les Etats semblent encouragés à interdire l’appropriation par des individus ou entités privées de leur nom, même en l’absence de tout dépôt à titre de marque. Il sera intéressant d’observer si d’autres juridictions de l’UE seront prochainement tentées de reconnaître à leurs Etats respectifs des droits similaires et si, en France, la logique qui sous-tend cette décision pourrait être transposable à une échelle plus locale.

 

Auteur

Sabine Rigaud, avocat, droit commercial et droit de la propriété intellectuelle

 

 

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