Généralisation de la complémentaire santé : nouvelles précisions par la Direction de la sécurité sociale
18 février 2016
Alors que la généralisation de la complémentaire santé a pris effet le 1er janvier 2016, une circulaire DSS du 29 décembre 2015 apporte des précisions importantes à ce sujet.
Précisions quant au financement patronal de la couverture complémentaire santé
Pour rappel, à compter du 1er janvier 2016, les entreprises ont l’obligation de mettre en place une complémentaire santé, dont les garanties minimales sont fixées par l’article L. 911-7 du Code de la sécurité sociale (et son décret d’application). Ce texte, dans sa version issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, précisait que l’employeur devait assurer «au minimum la moitié du financement de cette couverture».
Cette formulation s’est avérée source d’ambiguïtés (Cf. LFSS pour 2016 et généralisation de la complémentaire santé). L’employeur doit-il prendre en charge la moitié du coût de la couverture minimale prévue par l’article L 911-7 précité ou de la couverture instituée dans l’entreprise qui peut être d’un niveau supérieur ?
L’article 34 de la LFSS pour 2016 met fin à ce débat en remplaçant les mots «cette couverture» par «la couverture collective à adhésion obligatoire des salariés en matière de remboursement complémentaire des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident».
L’employeur doit ainsi prendre en charge la couverture obligatoire instituée dans l’entreprise même si celle-ci est plus avantageuse que les garanties minimales prévues par la réglementation.
La Direction de la Sécurité sociale (DSS) indique cependant dans sa nouvelle circulaire du 29 décembre 2015 que le non-respect de cette obligation ne peut être un motif de redressement de la part des URSSAF.
Elle apporte également deux autres précisons sur l’étendue du financement patronal :
- si le régime frais de santé couvre à titre obligatoire les ayants droit, l’employeur doit financer la moitié du coût de la couverture également des ayants droit ;
- la participation du comité d’entreprise ne doit pas être prise en compte pour apprécier si l’employeur remplit son obligation de financer au moins pour moitié la couverture.
Interdiction des clauses d’ancienneté
Compte tenu du fait qu’au 1er janvier 2016, tous les salariés doivent être couverts en matière de frais de santé, l’ACOSS en avait tiré pour conséquence qu’«aucun salarié ne pourra être exclu d’une couverture santé au titre d’une clause d’ancienneté d’un contrat» (lettre-circulaire ACOSS du 12 août 2015).
Pour autant, l’article R. 242-1-2 du CSS relatif aux exonérations de charges sociales continue d’autoriser l’utilisation d’une clause d’ancienneté (de maximum 6 mois) dans les régimes de remboursement de frais de santé.
La DSS en déduit que «Si un acte juridique instituant une couverture collective obligatoire en santé, conclu avant le 1er janvier 2016, prévoit une clause d’ancienneté (dans la limite de six mois), cette clause ne pourrait être retenue comme un motif de redressement de la part des URSSAF» (QR1 – circulaire DSS du 29 décembre 2015).
Reste cependant un risque de contestation de la part d’un salarié n’ayant pas l’ancienneté requise et qui demanderait le bénéfice des garanties mises en place.
Précisions sur les nouvelles dispenses d’adhésion de plein droit
Pour bénéficier des exonérations prévues à l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, le caractère obligatoire de l’adhésion des salariés au régime de frais de santé doit être respecté.
Néanmoins, l’article R. 242-1-6 du Code de la sécurité sociale prévoit des possibilités de dispense d’adhésion, mais sous réserve que cette faculté soit prévue dans l’acte de mise en place du régime (accord collectif, accord référendaire ou décision unilatérale de l’employeur).
La LFSS pour 2016 a révisé cette règle pour prévoir que les salariés en CDD ou en contrat de mission, dont la couverture santé a une durée inférieure à un seuil fixé par décret (à savoir trois mois), peuvent «de plein droit» se prévaloir d’une dispense d’adhésion s’ils justifient bénéficier par ailleurs d’une couverture respectant les nouvelles exigences des contrats responsables. En d’autres termes, pour pouvoir se prévaloir de cette dispense, il n’est pas nécessaire que cette faculté de dispense figure dans l’acte de mise en place du régime.
En outre, ce même article prévoit que le décret susvisé dressera également la liste des autres catégories de salariés pouvant se dispenser de droit d’adhérer au régime. Ce décret pris le 30 décembre 2015 ajoute trois autres cas de dispenses de plein droit pour :
1° les salariés bénéficiaires de la CMU-C ou d’une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, jusqu’à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de cette couverture ou de cette aide ;
2° les salariés couverts par une assurance individuelle de frais de santé au moment de la mise en place des garanties ou de l’embauche si elle est postérieure, jusqu’à échéance du contrat individuel ;
3° les salariés qui bénéficient, pour les mêmes risques, y compris en tant qu’ayants droit, de prestations servies au titre d’un autre emploi en tant que bénéficiaire de l’un des dispositifs suivants :
- couverture de frais de santé collective et à adhésion obligatoire
- régime local d’Alsace-Moselle,
- régime complémentaire relevant de la CAMIEG,
- mutuelle des agents de l’Etat ou des collectivités territoriales,
- contrats d’assurance groupe (Madelin).
De nombreuses questions se posent quant à la mise en œuvre de ces dispenses, notamment quant au moment auquel les salariés pourront s’en prévaloir, et une circulaire de la DSS serait en préparation sur ce point.
La DSS a toutefois d’ores et déjà précisé que la gestion de ces dispenses serait allégée pour les entreprises. En effet, dans sa circulaire du 29 décembre 2015, elle indique que le salarié doit déclarer le cadre dans lequel cette dispense est formulée (par exemple, le salarié demande à être dispensé car il bénéficie de l’aide à la complémentaire santé), la dénomination de l’organisme assureur portant le contrat souscrit lui permettant de solliciter cette dispense (par exemple, le nom de la mutuelle de fonctionnaire qui le couvre en tant qu’ayant droit s’il est dans ce cas de figure) ou le cas échéant la date de la fin de ce droit s’il est borné (par exemple, l’échéance du contrat individuel qu’il avait souscrit antérieurement à la mise en place du régime collectif dans l’entreprise), il n’y a pas lieu de prévoir la production d’autres pièces ou justificatifs.
Cette déclaration peut prendre la forme d’une déclaration sur l’honneur.
Afin de faciliter cette déclaration, un formulaire type sera publié au cours du mois de janvier 2016.
On relèvera que les autres cas de dispense de l’article R. 242-1-6 2 du CSS ne sont pas remis en cause mais doivent être insérés dans l’acte juridique pour pouvoir être invoqués par le salarié, à savoir :
- les salariés présents dans l’entreprise avant la mise en place d’un régime par décision unilatérale alors que le financement de celui-ci est exclusivement patronal ;
- les salariés et apprentis bénéficiaires d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de mission d’une durée au moins égale à douze mois à condition de justifier par écrit en produisant tous documents d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs pour le même type de garanties ;
- les salariés et apprentis bénéficiaires d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de mission d’une durée inférieure à douze mois, même s’ils ne bénéficient pas d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs ;
- les salariés à temps partiel et apprentis dont l’adhésion au système de garanties les conduirait à s’acquitter d’une cotisation au moins égale à 10% de leur rémunération brute.
Exemples de calcul du «versement santé»
L’article 34 de la LFSS pour 2016 permet aux employeurs d’exclure de la couverture santé en vigueur dans l’entreprise les salariés sous contrats très courts (inférieurs ou égal à 3 mois) ou à temps très partiel (moins de 15h par semaine). En contrepartie, si ces salariés ont souscrits une couverture individuelle frais de santé par ailleurs respectant le cahier des charges des contrats «responsables», ils bénéficient d’un versement de leur employeur. Ce versement ne peut toutefois être cumulé avec le bénéfice de la CMU-C, de l’ACS, ou le bénéfice d’une couverture collective obligatoire de frais de santé, y compris en tant qu’ayant droit, ou encore avec une couverture complémentaire donnant lieu à participation financière d’une collectivité publique.
En principe, seul un accord de branche peut prévoir cette exclusion, ou à défaut d’un tel accord ou si celui-ci le permet, un accord d’entreprise. De manière transitoire, jusqu’au 31 décembre 2016, cette exclusion pourra aussi être opérée par décision unilatérale de l’employeur.
En ce qui concerne le montant du «versement santé», celui-ci est calculé mensuellement sur la base d’un montant de référence auquel est appliqué un coefficient venant compenser la perte de la portabilité. Ces modalités sont prévues à l’article D 911-8 du Code de la sécurité sociale.
Le montant de référence correspond à la contribution mensuelle de l’employeur au financement de la couverture santé pour la catégorie à laquelle appartient le salarié et pour la période concernée. La circulaire DSS 29 décembre 2015 rappelle que lorsque le montant de la contribution de l’employeur est en tout ou partie forfaitaire, il est appliqué un coefficient sur sa participation pour tenir compte le cas échéant du fait que le salarié a une durée de travail inférieure à temps plein. La formule de calcul est la suivante:
X=montant de la contribution patronale forfaitaire X (nombre d’heures de travail mensualisées du salarié)
151,67
La circulaire DSS du 29 décembre 2015 donne plusieurs illustrations à ce sujet et précise que :
« Pendant la phase d’appropriation des modalités relatives au calcul du versement santé, les organismes de recouvrement respecteront des consignes de souplesse et de bienveillance dans les contrôles. Il s’attacheront en particulier lors des contrôles de l’application du régime social afférant au versement santé à ne pas procéder à des régularisations en cas de calcul erroné des contributions versées au cours des six premiers mois de l’année 2016 et à faire preuve de pédagogie dans les observations apportées ».
Auteur
Florence Duprat-Cerri, avocat counsel en droit social.
Généralisation de la complémentaire santé : nouvelles précisions par la Direction de la sécurité sociale – Article paru dans Les Echos Business le 18 février 2016
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