Des nouvelles de l’interconnexion électrique IFA2
Les échanges électriques France / Royaume-Uni passent par la construction d’interconnexions électriques sous-marines entre les deux pays. A ce jour, il existe une unique interconnexion France / Angleterre (IFA), construite sous la Manche dans le détroit du Pas-de-Calais en 1986, qui permet d’échanger 2 gigawatts (GW). D’autres interconnexions sont en construction :
- ElecLink qui passera dans le tunnel sous la Manche et devrait entrer en service à horizon 2020 pour 1 GW. Ce projet, dont les travaux devraient commencer à l’été 2017, a obtenu du régulateur une exemption de 25 ans au cadre européen de régulation et au monopole de gestion par RTE du réseau de transport français (délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 28 août 2014 portant décision finale sur la demande de dérogation de la société ElecLink Ltd en application de l’article 17 du règlement (CE) n°714/2009 du 13 juillet 2009 concernant une interconnexion entre la France et la Grande-Bretagne) ;
- FabLink (1,4 GW) qui devrait passer par l’île d’Aurigny et Aquind (2GW) entre la Normandie et le sud de l’Angleterre pour être mises en service à l’horizon 2022. Ces deux projets ont été portés à la connaissance des régulateurs français et anglais, qui devraient en être saisis dans les prochains mois ;
- GridLink (1,4 GW), qui est à l’étude, et enfin ;
- IFA2, qui permettra d’échanger 1 GW et dont la mise en service est annoncée pour 2020.
Le projet IFA2 a été reconnu « projet d’intérêt commun » au niveau européen en octobre 2013 puis en novembre 2015. Par une délibération du 1er décembre 2016, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a approuvé le programme d’investissements de RTE pour l’année 2017 et notamment les dépenses relatives au projet IFA2 pour l’année 2017. Cependant, dans cette même délibération, la CRE a estimé prématuré d’approuver le projet IFA2 dans son ensemble avant la conduite d’une consultation publique, en indiquant qu’il ferait l’objet d’une décision spécifique en janvier 2017.
Le régulateur a ainsi lancé dans la foulée une consultation publique qui s’est déroulée du 1er décembre 2016 au 3 janvier 2017, afin de recueillir les avis des acteurs du marché d’une part, sur l’intérêt du projet et d’autre part, sur les paramètres de régulation incitative à mettre en œuvre afin de limiter les risques pesant sur les consommateurs, dans un contexte d’incertitude lié au Brexit.
En effet, la réalisation effective des gains du projet suppose le respect des coûts et des délais de construction ainsi qu’une utilisation efficace de l’interconnexion après sa mise en service. Or le Brexit fait peser de nombreuses incertitudes institutionnelles et opérationnelles, notamment en ce qui concerne les futures règles d’utilisation de l’interconnexion.Au vu des éléments collectés, la CRE s’est prononcée, par délibération du 19 janvier 2017, sur le projet de décision relatif à l’interconnexion IFA2, en approuvant ce projet et en faisant droit à la demande de régulation incitative présentée par RTE, sous réserve que le gestionnaire de réseau prenne sa décision finale d’investissement avant le 31 décembre 2018. La CRE s’est livrée dans cette délibération à une analyse des bénéfices économiques du projet, en faisant la balance entre le bénéfice brut, le net et les coûts prévisionnels du projet. S’il apparaît qu’à l’échelle européenne, le bénéfice net du projet est de 25 M€ par an, la décomposition entre les différents pays européens indique que le véritable bénéficiaire est le Royaume-Uni, tandis que le projet arrive tout juste à l’équilibre pour les pays européens, une fois le Royaume-Uni exclu.
C’est finalement un cadre de régulation spécifique qui a été retenu, et non celui défini dans le TURPE 5 HTB qui exposerait les utilisateurs du réseau français à un niveau de risque trop élevé, afin de faire supporter à RTE une part plus grande des risques et bénéfices du projet. Les modalités de la régulation incitative, qui visent d’une part à partager les coûts comme les bénéfices entre RTE et les utilisateurs du réseau de façon spécifique dans le projet IFA2, et d’autre part à inciter RTE à minimiser les coûts du projet, dans le cadre général du TURPE 5 HTB, sont exposées de façon détaillée au point 3 de la délibération du 19 janvier 2017. Ainsi, pendant les dix années qui suivront celle de la mise en service de l’interconnexion, RTE devrait percevoir une prime l’incitant à la réalisation des interconnexions utiles pour la collectivité, le montant de cette prime dépendant de l’utilité estimée du projet et de la part des risques et bénéfices supportée par RTE. De plus, RTE devrait recevoir une deuxième prime l’incitant à minimiser les coûts d’investissement de son projet, ainsi qu’une troisième prime portant sur le taux d’utilisation de la capacité supplémentaire entre la France et la Grande Bretagne apportée par le projet IFA2, qui dépend de l’utilisation effective de la capacité.
Le Conseil supérieur de l’énergie a été consulté le 31 janvier 2017 sur le projet de décision : il a rendu un avis favorable. La CRE a définitivement approuvé le projet IFA2 par sa délibération du 2 février 2017.
Auteur
Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat en droit de l’énergie et droit public.