Impatriation en France : tour d’horizon du dispositif en matière fiscale
La sortie programmée du Royaume-Uni de l’Union européenne amène nombre de dirigeants et d’entreprises à s’interroger sur les conditions fiscales du rapatriement en France de certaines de leurs activités et des personnels qui y sont associés. Le point sur les conditions et les avantages fiscaux du régime, et sur les mesures de renforcement envisagées de ce régime.
Le régime fiscal de l’impatriation, codifié à l’article 155 B du Code général des impôts, offre aux personnes ayant été domiciliées fiscalement hors de France pendant 5 ans et qui transfèrent leur résidence fiscale en France, un certain nombre d’exonérations temporaires en matière d’impôt sur le revenu et d’ISF.
Instauré par la loi de finances rectificative pour 2003, le régime a été progressivement renforcé par la loi de finances rectificative pour 2005, par la loi du 4 août 2008 de Modernisation de l’économie, puis encore par la loi Macron du 8 août 2015.
Dernièrement, le Premier Ministre a indiqué vouloir que le régime des impatriés français «devienne le plus favorable d’Europe» et a annoncé de nouvelles améliorations à venir concernant ce régime.
Tour d’horizon des conditions d’application et des avantages du régime, et des nouvelles mesures annoncées :
1. Conditions d’application du régime
1.1. L’impatriation concerne les salariés ou les dirigeants fiscalement assimilés à des salariés (au nombre desquels le président du conseil d’administration, le directeur général d’une SA, ou encore le gérant minoritaire d’une SARL), appelés à occuper un emploi dans une entreprise établie en France, soit qu’il s’agisse d’une société liée à celle pour laquelle il exerce son activité (hypothèse d’un détachement dans le cadre d’une mobilité intra-groupe), soit que l’impatrié soit directement recruté par une autre entreprise établie en France.
1.2. Par ailleurs, le salarié ou dirigeant ne doit pas avoir été fiscalement domicilié en France au cours des cinq années précédant sa prise de fonction, et doit être domicilié fiscalement en France à compter de l’année de commencement de son activité dans notre pays.
La condition de domiciliation en France renvoie, pour l’impatrié, à la nécessité d’avoir en France son foyer ou son lieu de séjour principal, et d’exercer dans notre pays une activité professionnelle à titre principal.
Par tolérance, un délai raisonnable de quelques mois est admis entre la prise de fonctions de l’impatrié et l’installation en France de son foyer, afin de tenir compte de certaines contraintes professionnelles ou familiales.
2. Avantages du régime
Dans ces conditions, le salarié ou dirigeant bénéficie, jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant son installation en France, de plusieurs exonérations temporaires :
2.1. En premier lieu, il bénéficie d’une exonération d’impôt sur le revenu des suppléments de rémunération, en espèces ou en nature, directement liés à l’exercice de son activité professionnelle en France, qualifiés de «prime d’impatriation».
A cet égard, le montant de la prime d’impatriation devra apparaître distinctement dans le contrat de travail ou le mandat social, ou à défaut, dans un avenant à celui-ci, établi préalablement à la prise de fonctions en France.
L’exonération est en outre subordonnée à la condition que la rémunération du salarié ou dirigeant impatrié soumise à l’impôt sur le revenu en France soit au moins égale à celle perçue au titre de fonctions analogues dans la même entreprise ou, à défaut, dans des entreprises similaires établies en France. A défaut, la différence entre la rémunération nette de la prime d’impatriation et la rémunération de référence sera ajoutée à la rémunération imposable.
Précisons encore qu’un salarié ou dirigeant recruté directement à l’étranger par une entreprise établie en France peut opter pour l’évaluation forfaitaire de sa prime d’impatriation (nonobstant l’indication d’un montant de prime dans le contrat de travail). La prime exonérée correspond alors à 30% de la rémunération nette totale, définie comme la rémunération nette de cotisations sociales et de la part déductible de la CSG, mais avant application de la déduction forfaitaire pour frais professionnels. L’appréciation forfaitaire de la prime n’est pas ouverte en revanche au salarié ou dirigeant embauché en France par une société liée à celle pour laquelle il exerce son activité.
2.2. En second lieu, cumulativement avec la première exonération, le salarié ou dirigeant bénéficie d’une exonération de la part de sa rémunération se rapportant à l’activité qu’il peut être amené à exercer hors de France, au titre de missions effectuées dans l’intérêt direct et exclusif de l’entreprise.
2.3. La portée de ces deux mesures d’exonération d’impôt sur le revenu est toutefois plafonnée.
Le salarié ou dirigeant concerné devra opter, au titre de chacune des années d’application du dispositif :
- pour un mécanisme de plafonnement global. Dans cette hypothèse, l’ensemble de sa rémunération exonérée (composée de la prime d’impatriation et de la part de rémunération correspondant à l’activité exercée à l’étranger, le cas échéant) ne pourra excéder 50% de sa rémunération totale ;
- ou pour le plafonnement de l’exonération de la rémunération correspondant à l’activité exercée à l’étranger, qui ne pourra, dans cette hypothèse, excéder 20% de la rémunération imposable (i.e. la rémunération nette de la prime d’impatriation, dans la limite de la rémunération attribuée au titre de fonctions analogues) de l’intéressé. Une telle option pourra s’avérer plus particulièrement avantageuse à l’égard des impatriés bénéficiant d’une prime d’impatriation élevée.
2.4. Relevons que ces exonérations temporaires sont maintenues en cas de changement de poste de l’impatrié au sein de son entreprise ou au sein d’une autre entreprise française du groupe. L’impatrié qui choisirait de changer d’employeur au profit d’une société française concurrente perdrait en revanche le bénéfice du régime.
Le changement de fonction n’a cependant pas pour effet de proroger la durée du régime d’exonération, qui reste donc applicable jusqu’ au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la première prise de fonctions dans l’entreprise établie en France.
Si le montant du salaire attribué à la suite de ce changement de poste est au moins égal à ce qu’il était dans l’emploi précédent, le montant de la nouvelle prime d’impatriation est présumé, à titre de règle pratique, être au moins égal à celui constaté au titre de l’emploi antérieur.
2.5. Aux exonérations applicables aux revenus d’activités s’ajoutent deux séries de mesures «d’accompagnement» jusqu’au 31 décembre de la cinquième année qui suit l’installation en France de l’impatrié.
Tout d’abord, l’impatrié bénéficie, pendant la durée d’application du régime d’une exonération d’impôt sur le revenu portant sur la moitié des revenus patrimoniaux suivants :
- revenus de capitaux mobiliers, produits de droits d’auteur et produits de cession ou de concession de droits de la propriété industrielle, dont le paiement a été effectué par une personne établie hors de France dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative ;
- plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux lorsque le dépositaire des titres, ou à défaut la société dont les titres sont cédés, est établi hors de France.
En outre, l’assujettissement de l’impatrié à l’ISF est limité, pendant la durée d’application du régime, aux seuls biens situés en France.
Les placements et le patrimoine de façon générale gagneront donc à être laissés à l’étranger durant cette période.
3. De nouvelles évolutions en perspective
Le Premier Ministre a annoncé le 6 juillet 2016 le renforcement de ce dispositif, au travers de :
- L’allongement de la durée du régime d’impatriation, aujourd’hui de 5 ans, qui pourrait passer à 8 ans ;
- La fixation de la prime d’impatriation exonérée à 30% de la rémunération globale, cependant que la condition de comparabilité de la rémunération taxable à la rémunération servie au titre de fonctions analogues dans l’entreprise ou dans des entreprises similaires serait supprimée (cette condition étant source d’incertitudes) ;
- La mise en place d’un « point d’entrée unique » d’information, permettant aux candidats à l’impatriation ou à l’installation en France de s’informer facilement, dans leur langue, sur les dispositifs fiscaux qui les concernent.
Quoique le choix de l’impatriation ne puisse être résumé à la question fiscale, tant du point de vue du salarié que de celui de l’entreprise proposant cette impatriation, on suivra avec intérêt les nouveaux assouplissements qui pourront être apportés au régime dans le cadre des lois de finances de fin d’année.
Auteur
Christophe Leclère, avocat en fiscalité directe