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Imposition des plus-values de cession de terrains à bâtir : suite du feuilleton législatif

La réforme du régime d’imposition des plus-values de cession de terrains à bâtir a subi, fin décembre, une nouvelle censure du Conseil constitutionnel. Un point sur la fiscalité à ce jour applicable de ces cessions.

En juin 2012, le gouvernement annonçait son intention de mettre en œuvre un programme de mobilisation du foncier privé à travers « l’instauration d’une fiscalité spécifique sur les terrains constructibles ».

Cette annonce se concrétisait, dans la loi de finances pour 2013, par l’assujettissement des plus-values de cessions de terrains à bâtir au barème progressif de l’impôt sur le revenu et la suppression des abattements pour durée de détention.

La dureté des modifications ainsi envisagées pouvait conduire les cédants à subir une imposition au taux marginal maximal de 82%. Le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de le relever (décision n° 2012/662 du 29 décembre 2012) pour censurer ce dispositif comme faisant peser sur les contribuables une charge d’impôt excessive.

Les plus-values de cession de terrains à bâtir ont ainsi continué à être assujetties à l’impôt sur le revenu au taux de 19% (majoré des prélèvements sociaux au taux global de 15,5% et, le cas échéant, de la contribution exceptionnelle de 3 et 4% sur les hauts revenus) après application d’abattements pour durée de détention conduisant à une exonération intégrale au terme d’une période de trente ans.

En mars 2013, le gouvernement revenait à la charge et annonçait de nouvelles mesures pour relancer la construction de logements. On promettait ainsi de s’attaquer à l’imposition dégressive dans le temps des plus-values de cession de terrains à bâtir qui contribuerait à créer de la rétention foncière.

Le projet de loi de finances pour 2014, présenté à l’automne 2013, prévoyait ainsi de réformer le régime d’imposition des plus-values immobilières en dissociant les terrains à bâtir des autres biens immobiliers.

Alors que les plus-values afférant à la généralité des immeubles sont devenues exonérées d’impôt sur le revenu au terme d’une période de détention de vingt-deux ans (l’exonération de prélèvements sociaux n’étant acquise qu’au terme d’une période de détention de trente ans), l’application des abattements pour durée de détention devait être supprimée à compter du 1er mars prochain pour l’imposition des plus-values sur cession de terrains à bâtir. Mais, les plus-values imposables demeuraient assujetties à l’impôt au taux proportionnel de 19% (toujours majoré des prélèvements sociaux et, le cas échéant, de la contribution sur les hauts revenus).

Une nouvelle fois, le Conseil constitutionnel censure le dispositif considéré (décision n° 2013/685 du 29/12/2013) au motif qu’en supprimant l’application des abattements sans tenir compte, sous une forme ou sous une autre, des effets liés à l’érosion monétaire, les contribuables encourraient potentiellement une imposition à raison de plus-values ne reflétant pas leur enrichissement réel.

Au-delà de cette censure somme toute prévisible, la décision du Conseil Constitutionnel a engendré quelques hésitations sur le régime d’imposition applicable aux cessions de terrains à bâtir, le dispositif explicite de la décision rendue se limitant à supprimer les dispositions prévoyant l’exclusion des terrains à bâtir du champ d’application de la nouvelle réforme.

Une première lecture – que les nouvelles dispositions légales n’interdisent pas explicitement – consisterait à appliquer les nouveaux abattements aux plus-values de cession de terrains à bâtir – comme paraissaient y conduire les dispositions votées par le Parlement – mais sans la limite temporelle du 28 février.

Cette lecture est cependant contredite par les commentaires publiés à l’appui de la décision du Conseil constitutionnel. Il en ressort, en effet, que la censure prononcée conduirait, s’agissant des plus-values de cession de terrains à bâtir, à maintenir le régime d’abattement antérieur tant pour l’impôt sur le revenu que pour les prélèvements sociaux (exonération au terme d’une période de détention de trente ans). L’administration fiscale s’est empressée de confirmer cette analyse en publiant un rescrit en ce sens, dès le 9 janvier dernier (rescrit n° 2014/01, BOI-RFPI-PVI-20-20).

Nous relevons que cette analyse ne figure pas en tant que telle au Code général des impôts et trouve son fondement, non pas dans les dispositions légales, non pas dans l’examen de l’intention du législateur, non pas davantage dans le dispositif de la décision du Conseil Constitutionnel, mais dans les commentaires accompagnant cette décision.

Le Conseil ayant explicitement admis, sous les réserves mentionnées, la mise en place d’un régime d’imposition des plus-values de cession de terrains à bâtir moins favorable que le régime actuel, nous nous attendons à une nouvelle proposition, vraisemblablement en fin d’année, qui devra toutefois prendre en considération l’écoulement du temps, notamment au regard de l’érosion monétaire.

 

A propos des auteurs

Pierre Carcelero, avocat. Il intervient plus particulièrement en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés notamment dans le cadre de structuration fiscale des opérations de fusions & acquisitions et de restructurations, gestion fiscale des groupes et assistance dans les procédures contentieuses, de fiscalité immobilière et financière et pour le compte de sociétés d’économie mixte et de collectivités locales et de fiscalité des partenariats public-privé.

Olivier Teixeira, avocat spécialisé en droit fiscal

 

Article paru dans LeRevenu.com le 19 février 2014