Impôt : « L’abattement sur les moins-values est contestable »
Depuis 2013, les plus-values réalisées lors de la cession de titres sont imposables après application d’un abattement pour durée de détention atteignant en général 65% au bout de huit ans. Dans ce cas, une plus-value de 100 est imposée au barème progressif de l’impôt sur le revenu sur un montant égal à 35. S’y ajoutent les prélèvements sociaux de 15,5% sur le montant de la plus-value non abattue.
Cet abattement pour durée de détention s’applique aussi en cas de moins-values, selon l’administration fiscale. Cela peut paraître surprenant au premier abord. Si l’on n’a rien gagné, qu’est-ce que cela change ?
La réponse est simple. Lorsqu’un contribuable réalise une moins-value à l’occasion d’une vente de titres, il peut l’imputer sur les plus-values mobilières de la même année ou sur celles des dix années suivantes. Une perte n’est donc pas… perdue, car elle diminue les gains imposables par ailleurs.
Position discutable
Mais si la perte, qu’on suppose de 100, est elle-même amputée par le système des abattements, on aperçoit que l’économie d’impôt qu’elle permet de réaliser (immédiatement ou plus tard) est sérieusement diminuée.
La position de l’administration fiscale est cependant discutable au regard de l’objectif poursuivi par le système de l’abattement.
Le législateur entendait, en l’instituant, inciter les investisseurs à conserver durablement leurs actions en leur offrant une carotte fiscale : plus ils conservent leurs titres, plus la plus-value imposable diminue.
Or, la position adoptée par le fisc aboutit au résultat inverse : elle incite les actionnaires à réaliser rapidement leurs pertes pour sauvegarder la possibilité de les imputer intégralement sur d’autres gains actuels ou futurs.
Jurisprudence récente
En outre, la jurisprudence récente semble plutôt conforter la thèse de la non-application des abattements aux moins-values.
Dans une décision du 4 février relative à l’interprétation d’une règle de droit aujourd’hui abrogée, le Conseil d’Etat a considéré que même lorsque la loi fiscale exonère une plus-value sous certaines conditions, cela n’entraîne pas l’impossibilité d’imputer une moins-value réalisée dans les mêmes conditions.
Cet arrêt fragilise l’analyse que l’administration fiscale fait du droit actuel. Les contribuables peuvent donc tirer argument de cette jurisprudence pour déduire dans leur intégralité des moins-values réalisées après plusieurs années de détention et ce même si des plus-values sur titres auraient été imposées après application d’un abattement pour durée de détention.
Auteur
Daniel Gutmann, avocat associé responsable de la doctrine fiscale, professeur à l’Ecole de Droit de la Sorbonne.
*Impôt : « L’abattement sur les moins-values est contestable »* – Article paru dans LeMonde.fr le 11 mars 2015