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Imputation des déficits d’un groupe intégré sur une base élargie : précisions administratives

Imputation des déficits d’un groupe intégré sur une base élargie : précisions administratives

L’administration fiscale a mis à jour sa doctrine le 11 août dernier pour commenter le dispositif de la loi de finances pour 2021 qui permet, à la suite de certaines opérations de restructuration, d’imputer sur une base élargie la fraction de déficit afférente à une société absorbée ou scindée au sein de l’ancien groupe avant la cessation de ce dernier.

  1. Rappel du mécanisme d’imputation sur une base élargie

Rappelons que lors de la cessation d’un groupe fiscalement intégré, le déficit d’ensemble restant à reporter est acquis à la société mère. En cas de création d’un nouveau groupe par cette dernière ou d’entrée dans un nouveau groupe, elle ne peut en principe imputer le déficit de son ancien groupe que sur ses seuls résultats propres, et non sur le résultat d’ensemble.

Toutefois, dans l’hypothèse d’un basculement d’un groupe intégré à un autre, du fait de l’acquisition d’au moins 95 % du capital de la société mère, la fraction du déficit qui n’a pu être reportée par cette dernière au titre d’un exercice sur ses propres bénéfices, compte tenu notamment de l’application du seuil de plafonnement de l’imputation des déficits, peut s’imputer, sous réserve du respect des conditions prévues à l’article 223 I, 5 du CGI, sur une base élargie composée des résultats réalisés par la société mère du groupe ayant cessé ainsi que de ceux des sociétés membres de l’ancien groupe entrées dans le nouveau groupe et sélectionnées pour l’application du dispositif.

Le régime d’imputation sur une base élargie peut également s’appliquer, sous réserve de l’obtention d’un agrément, lorsqu’une société mère est absorbée, scindée ou encore lorsqu’elle réalise un apport-attribution de titres en régime de faveur.

Dans le cadre de ces dernières opérations (contrairement aux opérations d’acquisitions d’au moins 95 % du capital d’une société mère), l’obtention de l’agrément pour le transfert de tout ou partie des déficits imputables sur une base élargie suppose toutefois que les activités à l’origine des déficits soient toujours exercées par les sociétés de l’ancien groupe, et poursuivies pendant au moins trois ans dans le nouveau groupe, dans les conditions visées aux articles 209, II et 223 I, 6 et 7 du CGI.

Dans le cadre de ce dispositif, lorsqu’une filiale membre de l’ancien groupe n’est pas retenue dans le nouveau groupe, la fraction du déficit d’ensemble qui lui correspond n’est pas imputable sur une base élargie. Avant la loi de finances pour 2021, cette règle s’appliquait également dans l’hypothèse où cette filiale n’entrait pas dans le nouveau groupe parce qu’elle avait été préalablement absorbée ou scindée au profit de l’ancienne société mère ou d’une société de l’ancien groupe entrant dans ce nouveau groupe.

Le Conseil d’État avait confirmé cette solution dans un arrêt du 28 novembre 2018[1].

Cette décision particulièrement préjudiciable au contribuable, puisque aboutissant à une déperdition de déficits, n’était toutefois pas conforme au principe du maintien de la substance économique d’une société absorbée ou scindée en régime de faveur.

Elle créait en outre une distorsion de traitement entre les opérations de restructuration réalisées avant qu’il soit mis fin à l’ancien groupe et celles réalisées, en régime de faveur, au sein du nouveau groupe, pour lesquelles la loi permettait déjà de poursuivre l’imputation sur une base élargie de la fraction de déficits issue de la société absorbée.

  1. Extension du mécanisme de base élargie aux déficits provenant de sociétés absorbées ou scindées dans l’ancien groupe

La loi de finances pour 2021 a apporté des aménagements bienvenus au régime d’imputation sur une base élargie, qui permettent désormais de tenir compte de la fraction du déficit d’ensemble de l’ancien groupe provenant de sociétés absorbées ou scindées au sein dudit groupe. Pour bénéficier de cette extension du dispositif, plusieurs conditions doivent être respectées. L’absorption ou la scission au sein de l’ancien groupe doit avoir été placée sous le régime de faveur prévu à l’article 210 A du CGI. La société absorbante ou bénéficiaire des apports doit être une filiale membre de l’ancien groupe et doit faire partie du nouveau groupe, ou être la société mère de l’ancien groupe.

Ces aménagements s’appliquent pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2020.

Les modalités de cette extension sont détaillées dans la doctrine administrative relative aux opérations d’absorption de sociétés mères intégrantes publiée le 11 août dernier. Les commentaires administratifs relatifs aux opérations de scissions, d’acquisitions d’au moins 95% du capital de sociétés mères intégrantes ou encore d’apports-attributions renvoient pour l’essentiel à ces commentaires.

L’administration précise que les sociétés qui ont procédé à l’absorption ou bénéficié de la scission dans l’ancien groupe doivent bien entendu être sélectionnées pour l’application du dispositif d’imputation sur une base élargie (BOI-IS-GPE-50-10-30 n° 60).

En outre, les conditions pour obtenir l’agrément pour le transfert des déficits d’une société mère absorbée ou scindée ou dans le cadre d’une opération d’apport-attribution de titres concernent désormais également la fraction de déficits de la société absorbée ou scindée par une autre société membre de l’ancien groupe. Ces opérations doivent être justifiées d’un point de vue économique et respecter les conditions relatives au maintien de l’activité prévues à l’article 209 II, b et c du CGI[2].

Ainsi, l’activité à l’origine des déficits ne doit pas avoir fait l’objet de changements significatifs pendant la période au titre de laquelle ils ont été constatés.

Dans le cas d’une filiale absorbée ou scindée au sein de l’ancien groupe, l’administration précise que l’examen des modalités d’exploitation de l’activité contributrice au déficit d’ensemble porte :

  • sur l’activité telle qu’exercée par cette filiale au sein du groupe dissous pendant la période au titre de laquelle elle a contribué au déficit d’ensemble de ce groupe ;
  • sur la poursuite de cette activité par la société qui a procédé à l’absorption de cette filiale ou par les sociétés bénéficiaires de sa scission (en cas de scission la poursuite de l’activité est appréciée par secteur d’activité) (BOI-SJ-AGR-20-30-10-20 n° 150).

L’activité doit également être poursuivie par la société absorbante ou les sociétés bénéficiaires des apports, pendant au moins trois ans et sans changement significatif à compter de la date de réalisation juridique de l’opération d’absorption ou de scission de l’ancienne société mère (BOI précité n° 140).

Les commentaires administratifs précisent par ailleurs les conditions de détermination du déficit imputable sur une base élargie.

La part du déficit d’ensemble de l’ancien groupe ou du groupe apporteur susceptible d’être imputée sur une base élargie est déterminée, exercice par exercice, après imputation des réintégrations de sortie de l’ancien groupe[3], par application du rapport entre :

  • la somme des déficits des sociétés du groupe ayant cessé (ou du groupe apporté), société mère comprise, et faisant partie du nouveau groupe, sélectionnées pour ledit dispositif, ainsi que des sociétés absorbées ou scindées à leur profit ; et
  • la somme des déficits individuels transférés au groupe dissous (ou apporté) par toutes les sociétés déficitaires de ce groupe (BOI précité n° 110).

L’administration précise que dans le cas d’une société scindée dans l’ancien groupe entre deux sociétés dont l’une seulement est ultérieurement prise en compte pour le dispositif de base élargie, il convient d’affecter les déficits qui en proviennent entre ces deux sociétés. Lorsqu’une partie de ces déficits ne peut pas être rattachée à un secteur, elle est répartie en appliquant le rapport existant entre la valeur de l’actif net des secteurs dont cette société a réalisé l’apport, et la valeur totale de l’actif net de cette société scindée telles que ces valeurs apparaissent dans le traité de scission.

En présence d’une opération de scission de la société mère, la détermination de ce rapport tient également compte de la quote-part de déficits de la société mère scindée qui est affectée à chaque secteur d’activité et, le cas échéant, au dénominateur, d’une quote-part des déficits subis par les sociétés restées membres de l’ancien groupe jusqu’à sa cessation, et qui ne font partie d’aucun des nouveaux groupes créés ou élargis par les sociétés bénéficiaires des apports réalisés par la société mère scindée (BOI-IS-GPE-50-30-30 n° 120).

Les modalités de détermination des quotités de déficits imputables sur une base élargie devront figurer dans l’état à annexer à la première déclaration du résultat d’ensemble intervenant après l’opération (BOI-IS-FORM-00067).

L’administration fiscale rappelle enfin qu’en cas de sortie ultérieure du groupe d’une société absorbante sélectionnée pour le mécanisme de l’imputation sur une base élargie, la part du déficit encore reportable réputée provenir de cette société mais également la part encore reportable du déficit afférent à une société qu’elle avait absorbée (ou qui avait été scindée à son profit) sous le régime de faveur dans l’ancien groupe tombent en non-valeur (BOI-IS-GPE-50-10-30 n°230). Ces conséquences ne s’appliquent toutefois pas lorsque la sortie du groupe de la société résulte de sa fusion en régime de faveur avec une autre société du groupe, ni, comme le précise l’administration fiscale, lorsque la société mère qui est titulaire du déficit est absorbée par une société du groupe, sous réserve que le déficit soit transmis à la société absorbante dans les conditions prévues à l’article 209, II du CGI.

Article paru dans Option Finance le 27/09/2021

[1] CE 8e-3e ch. 28-11-2018 no 417173, min. c/ Sté Ypso France SAS.

[2] En revanche, les déficits provenant de la gestion d’un holding financier ou de la gestion d’un patrimoine immobilier sont exclus du dispositif.

[3] Exception faite des opérations d’apport-attribution.

Auteurs

Nicolas Riou, avocat associé en droit fiscal

Sandy Boverie, avocat en droit fiscal