Indemnité de renonciation aux stock-options versée à un mandataire social : quelle imposition dans un contexte international ?
21 octobre 2013
Un arrêt du Conseil d’Etat du 4 octobre 2013 vient de se prononcer sur la qualification, en droit interne et au regard des conventions internationales, d’une indemnité de renonciation aux stock-options perçue par un gérant non salarié d’une société en commandite par actions (SCA).
Le traitement d’une plus-value d’acquisition de stock-options, qu’elle soit réalisée par un salarié ou par un dirigeant non-salarié, semble clair, l‘article 80 bis du CGI prévoyant qu’elle est en tout état de cause réputée être du traitement ou salaire (TS), même si ce point est discutable juridiquement.
Le Conseil d’Etat a, par ailleurs, réglé le sort d’une indemnité de renonciation aux stock-options mais pour le cas où elle était versée à un salarié (23/07/2010, Legendre) : trouvant sa source dans le contrat de travail, elle est imposable dans la catégorie des TS. Ce type d’indemnité perçu par un dirigeant non salarié allait-il recevoir le même traitement ?
Dans l’affaire qui vient d’être jugée, l’administration fiscale soutenait, en effet, que l’indemnité de renonciation aux stock-options devait suivre le sort d’une plus-value d’exercice de celles-ci et tomber dans la catégorie des TS en droit interne et au regard des conventions fiscales.
Le Conseil d’Etat a considéré qu’une indemnité de renonciation à des stock-options perçue par un gérant d’une SCA était un complément de rémunération au titre des fonctions de dirigeant, imposable dans la catégorie des TS (art. 62 CGI), même si elle ne correspond pas à un travail salarié. Néanmoins, cette rémunération n’est pas un salaire pour autant et ne saurait être visée, selon le Conseil d’Etat, par l’article 15 (salaires et rémunérations assimilées) de la convention fiscale franco-britannique. Le Conseil d’Etat n’examine pas l’article sur les tantièmes et jetons de présence, non pertinent en l’espèce, et dit que l’indemnité, qui n’est visée par aucun autre article de la convention, relève de la clause-balai de celle-ci (article 22).
Le bénéficiaire de l’indemnité étant au moment du versement résident du Royaume-Uni, c’est à cet Etat que revenait le droit d’imposer ce revenu.
Cette solution est-elle transposable aux mandataires sociaux dont les rémunérations ne relèvent pas, comme au cas de l’espèce, de l’article 62 du CGI ? Le Conseil d’Etat semble s’être attaché non pas à la qualification en droit interne mais au texte conventionnel (art. 15) qui vise les rémunérations perçues « au titre d’un emploi salarié ». Les indemnités et, plus largement, les rémunérations des dirigeants des sociétés anonymes ou des gérants minoritaires des SARL, relevant des TS en droit interne, sont-elles des salaires pour les besoins des conventions fiscales ? A la lecture de l’arrêt et en l’absence d’une relation salariée, rien ne semble moins sûr.
A propos des auteurs
Pierre-Jean Douvier, avocat associé. Il est le seul expert judiciaire en France inscrit en « droit fiscal européen et en droit communautaire ». Spécialiste des relations internationales, il s’intéresse plus particulièrement au droit conventionnel et au droit communautaire, aux règles OCDE, à la fiscalité européenne et internationale, aux régimes juridiques, réglementaires et fiscaux en Principauté de Monaco et en relation avec la Principauté de Monaco, aux contentieux juridiques et fiscaux internationaux et à la fiscalité des transactions transfrontalières (financement, refinancement, hybrides, réorganisation structurelle).
Xenia Lordkipanidzé, avocat, spécialisée en droit monégasque, en régimes juridiques et fiscaux du patrimoine, en droit conventionnel, en analyse des principes OCDE et en audit juridique et fiscal.
L’actualité fiscale en bref parue dans la revue Option Finance du 21 octobre 2013
A lire également
Départs à l’étranger des contribuables : création d’une base de données... 25 novembre 2016 | CMS FL
Prélèvements sociaux français sur les revenus du patrimoine contraires au dro... 20 mars 2015 | CMS FL
L’échange automatique d’informations : pour qui sonne le glas des m... 17 mai 2018 | CMS FL
L’échange automatique d’informations en matière fiscale et nouvel ordre fi... 2 février 2017 | CMS FL
ICAP : évaluation des risques en matière de prix de transfert... 22 novembre 2019 | CMS FL
Prélèvements sociaux indus : comment réclamer ?... 15 décembre 2015 | CMS FL
Primes de missions à l’étranger : l’exonération voit son intérêt s&... 26 juin 2015 | CMS FL
Fiscalité numérique et établissement stable : les pistes de réforme de l’O... 31 juillet 2014 | CMS FL
Articles récents
- Dénonciation de faits de harcèlement moral : enquête ou pas enquête ?
- Contre-visite médicale : ses modalités de mise en œuvre précisées par décret
- Le détourage d’activités dans les opérations de M&A : enjeux juridiques, fiscaux et sociaux
- Rupture d’un commun accord du contrat de travail d’un salarié protégé via un PDV inclus dans un PSE : pas de contrôle du motif économique par l’inspection du travail
- Restructuration et harmonisation des régimes de protection sociale complémentaire
- Devoir de vigilance : de premières décisions de cour d’appel précisent les conditions de recevabilité de l’action
- Rupture conventionnelle : le vice de consentement de l’employeur peut entrainer sa nullité, qui produit les effets d’une démission
- Droit social des plateformes : ça bouge encore en France et dans l’Union européenne (MAJ)
- L’appréciation de l’étendue du secteur géographique pour déterminer l’existence ou non d’une modification du contrat de travail : la Cour de cassation retiendrait-elle de nouveaux critères ?
- Participation : pas de remise en cause possible du bénéfice net fiscal établi par une attestation du commissaire aux comptes
Soumettre un commentaire