Index de l’égalité : la loi « Rixain » pose de nouvelles obligations
28 janvier 2022
La proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle a émergé à l’occasion des débats organisés pour les 10 ans de la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, dite loi « Copé-Zimmermann ».
Le constat est sans appel : il existe en France un écart de rémunération entre les femmes et les hommes de 16,5 % en 2021. De plus, si la loi Copé-Zimmermann a permis d’améliorer la parité au sein des conseils, avec 45,2 % des sièges d’administrateurs occupés par des femmes en 2020 au sein des sociétés du SBF120 contre seulement un peu plus de 26 % en 2013, aucune progression notable n’a été constatée au sein des comités exécutifs et des comités de direction : en 2020, au sein du SBF120, ceux-ci n’étaient composés qu’à 21 % de femmes selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour tenter de briser le plafond de verre et d’atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes, la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021, dite loi « Rixain » (publiée au Journal officiel du 26 décembre 2021) poursuit plusieurs objectifs, notamment la juste représentation des femmes au sein de l’économie et du monde professionnel, leur autonomie financière et bancaire ainsi que l’accompagnement des femmes les plus éloignées de l’emploi en raison notamment de la maternité.
Le présent article présente les principales mesures qui concernent les entreprises.
De nouvelles obligations relatives à la publication de l’Index de l’égalité professionnelle
L’Index de l’égalité professionnelle a été créé en 2018 par le Gouvernement dans l’objectif de mettre fin aux inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
Il doit être calculé dans toutes les entreprises d’au moins 50 salariés.
L’Index, sur 100 points, se calcule à partir de 4 ou 5 indicateurs selon que l’entreprise fait moins ou plus de 250 salariés :
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- L’écart de rémunération femmes-hommes,
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- L’écart de répartition des augmentations individuelles,
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- L’écart de répartition des promotions (uniquement dans les entreprises de plus de 250 salariés),
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- Le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité,
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- La parité parmi les 10 plus hautes rémunérations.
Les résultats sont exprimés en pourcentage, puis convertis en nombre de points :
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- L’absence d’écart de rémunération rapporte 40 points. Au-delà d’un écart de rémunération supérieur à 20 %, cet indicateur ne rapporte aucun point ;
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- Un écart de taux d’augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes inférieur ou égal à 2 points de pourcentage rapporte 20 points pour les entreprises de plus de 250 salariés et 35 points pour celles de 50 à 249 salariés ;
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- Si l’intégralité des salariées revenues de congé maternité bénéficient d’une augmentation, le nombre de points obtenu est de 15 ;
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- Pour les entreprises de plus de 250 salariés, un écart de taux de promotion inférieur ou égal à 2 points de pourcentage rapporte 15 points ;
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- La présence de quatre ou cinq salariées parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations rapporte 10 points ; 5 points si elles sont deux ou trois.
La loi du 24 décembre 2021 renforce l’Index de l’égalité professionnelle à travers de nouvelles obligations rattachées à la publication de cet Index.
En premier lieu, le contenu des éléments publiés relatifs à l’Index est élargi.
Jusqu’alors, seule la note globale obtenue au titre de l’Index faisait l’objet de l’obligation de publication. Cependant, cette note globale ne reflèterait pas toujours la réalité au sein des entreprises.
Pour améliorer la transparence de l’Index, la nouvelle loi impose la publication de l’ensemble des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes :
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- L’écart de rémunération femmes-hommes,
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- L’écart de répartition des augmentations individuelles,
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- L’écart de répartition des promotions (uniquement dans les entreprises de plus de 250 salariés),
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- Le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité,
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- La parité parmi les 10 plus hautes rémunérations.
En deuxième lieu, la loi ajoute une nouvelle forme de publication des indicateurs.
En effet, depuis la création de l’Index, la publication du résultat des indicateurs doit être réalisée de manière visible et lisible sur le site internet de l’entreprise, lorsqu’il existe, au plus tard le 1er mars de chaque année. A défaut de site internet, le résultat doit être porté à la connaissance des salariés par tout moyen.
A cette obligation, s’ajoute désormais celle de rendre public l’ensemble des indicateurs sur le site internet du ministère du Travail dans des conditions qui seront déterminées par décret.
En troisième lieu, la loi étend l’obligation de publication de l’Index aux éventuelles mesures de correction et aux objectifs de progression.
En effet, lorsque la note finale obtenue après le calcul des indicateurs est inférieure à 75 points, les entreprises sont tenues de définir des mesures de correction adéquates et pertinentes dans le cadre de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle. En l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, celles-ci sont déterminées par décision de l’employeur après consultation du CSE.
Ces mesures de correction devront désormais être publiées par une communication externe et interne au sein de l’entreprise.
En outre, la loi insère un nouvel article L.1142-9-1 dans le Code du travail prévoyant que lorsque les résultats obtenus par l’entreprise sont inférieurs à 75 points, l’employeur fixe et publie les objectifs de progression de chacun de ces indicateurs déterminés dans l’accord collectif ou le plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Les modalités d’application de ces différentes publications seront définies par décret. Cette publication des mesures de correction et des objectifs de progression sera obligatoire à compter de la publication des indicateurs effectuée en 2022, soit au plus tard le 1er mars 2022.
Renforcement de la proportion de femmes parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes
La loi ajoute trois nouveaux articles (C. trav., art. L. 1142-11 à L. 1142-13) dans le chapitre relatif aux mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.
Tout d’abord, la loi impose la publication annuelle des écarts de représentation entre les sexes aux postes à hautes responsabilités et au sein des instances dirigeantes de l’entreprise.
Ainsi, dans les entreprises employant au moins 1000 salariés pour le troisième exercice consécutif, il incombera à l’employeur de publier chaque année les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants – tels que définis à l’article L.3111-2 du Code du travail – et parmi les membres des instances dirigeantes de la société telles que définies à l’article L. 23-12-1 du Code de commerce, c’est-à -dire des instances mises en place par tout acte ou toute pratique sociétaire, aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions. Cette disposition entre en vigueur le 1er mars 2022.
Le champ d’application de ces nouvelles dispositions est large, dans la mesure où, contrairement à la loi Copé-Zimmermann qui ne visait que les sociétés anonymes (SA) et les sociétés en commandite par actions (SCA), la loi Rixain s’applique à toutes les entreprises, sans distinction selon leur forme sociale.
Il en résulte notamment que des sociétés telles que les sociétés par actions simplifiées (SAS) ou les sociétés à responsabilité limitée (SARL) sont en théorie visées par ces nouvelles contraintes, alors même que le mode de gouvernance prévu par la loi pour ces formes de sociétés ne comprend aucun organe collégial.
Le texte suscite donc différentes questions quant aux instances dirigeantes visées.
En pratique, il ressort des travaux parlementaires que sont notamment concernés les comités exécutifs (Comex) et les comités de direction (Codir).
L’existence, la composition et le fonctionnement de ces comités, qui ne résultent pas de la loi, doivent-ils être décrits ou formalisés dans les statuts ou dans un acte extra-statutaire (e.g. pacte d’associés) pour que la loi Rixain s’impose à eux ?
Cette première question semble devoir recevoir une réponse négative puisque, d’après l’article L. 23-12-1 du Code de commerce, une simple « pratique sociétaire » suffit à caractériser l’existence de telles instances.
Par ailleurs, un conseil d’administration est-il une instance dirigeante visée par ce texte ?
La définition des instances dirigeantes donnée par l’article L. 23-12-1 du Code de commerce semble exclure les conseils de surveillance dont le rôle consiste seulement à superviser l’action de la direction générale. En revanche, ce dispositif semble être susceptible de s’appliquer à tous autres organes ou groupements de mandataires sociaux ou de salariés qui, statutairement, en vertu d’un pacte ou par une simple création de la pratique, joueraient un rôle dans la préparation ou l’autorisation de tout ou partie des décisions de gestion.
En outre, la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) qui contient déjà des informations portant sur les indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération, doit désormais comporter des indicateurs de répartition entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes définies à l’article L. 23-12-1 du Code de commerce. Cette disposition – qui est d’ordre public – s’applique à toutes les entreprises d’au moins 50 salariés dotées d’un CSE depuis le 27 décembre 2021.
A compter du 1er mars 2023, les écarts éventuels de représentation seront rendus publics sur le site internet du ministère du Travail dans des conditions définies par décret.
La loi instaure ensuite des quotas croissants dans le temps de représentation de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes. En effet, à compter du 1er mars 2026, la proportion minimale de personnes de chaque sexe au sein de chacun de ces ensembles ne pourra être inférieure à 30% (C. trav., art. L.1142-11). Cette proportion sera portée à 40% à compter du 1er mars 2029.
Les entreprises employant au moins mille salariés pour le troisième exercice consécutif, qui ne comporteront pas une proportion de personnes de chaque sexe au moins égale à 30% en 2026, puis à 40% à compter de 2029 dans chaque ensemble, devront prévoir des mesures adéquates et pertinentes de correction dans l’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
En l’absence d’accord, ces mesures de correction devront être déterminées par une décision unilatérale de l’employeur, prise après consultation du CSE de l’entreprise, laquelle sera déposée auprès de l’autorité administrative dans les mêmes conditions que le plan d’action relatif à l’égalité professionnelle.
L’autorité administrative pourra présenter des observations sur les mesures prévues dans l’accord ou la décision unilatérale, lesquelles devront être présentées à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise ainsi qu’au CSE. Cette disposition entre en vigueur le 1er mars 2026.
Enfin, la loi prévoit des sanctions financières en cas de non-respect de ces quotas de représentation au sein des postes de dirigeants.
Ainsi, les entreprises employant au moins mille salariés pour le troisième exercice consécutif, qui n’atteignent pas la proportion requise de personnes de chaque sexe dans chaque ensemble, disposeront d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité.
A l’expiration d’un délai d’un an, l’entreprise défaillante devra publier les objectifs de progression et les mesures de correction retenus, selon des modalités définies par décret. Si les résultats obtenus sont toujours en deçà du taux fixé à l’expiration d’un délai de deux ans, l’employeur pourra se voir appliquer une pénalité financière.
Son montant sera fixé par l’autorité administrative dans des conditions définies par décret en fonction de la situation initiale de l’entreprise, des efforts constatés dans l’entreprise et de ses motifs de défaillance, dans la limite maximale de 1% de la masse salariale de l’année civile précédant l’expiration du délai. Cette disposition entrera en vigueur le 1er mars 2029.
Outre ces nouvelles obligations mises à la charge des entreprises, la loi Rixain prévoit de nombreuses autres mesures notamment en matière d’éducation, de formation professionnelle et de soutien à l’entreprenariat pour lever l’ensemble des freins à l’égalité entre les femmes et les hommes.
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