Index relatif aux écarts de rémunération femmes – hommes : le point sur les sanctions
22 juillet 2019
Les entreprises encourent de nouvelles pénalités en cas de non-respect de leurs obligations en matière de réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, pénalités pouvant représenter jusqu’à 1% de la masse salariale.
Les entreprises de plus de 50 salariés sont, depuis la Loi « Avenir » du 5 septembre 2018, tenues de calculer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes via un index comportant, selon leur effectif, 4 ou 5 indicateurs (écarts de rémunération, écarts de taux d’augmentation individuelle et/ou de promotion, pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation à leur retour de congé maternité, nombre de salariés du sexe sous représenté parmi les 10 plus hautes rémunérations) affectés d’une pondération et conduisant à l’attribution d’un score global pouvant aller jusqu’à 100 points1.
Le résultat global de l’index doit être diffusé sur le site Internet de l’entreprise au plus tard le 1er mars de chaque année ; le résultat de chaque indicateur doit également être mis à la disposition du CSE via la BDES et transmis à la DIRECCTE par voie de télédéclaration.
Dans l’hypothèse où le score global de l’entreprise n’atteint pas 75 points sur 100, l’employeur doit négocier ou à défaut adopter unilatéralement des mesures adéquates et pertinentes de correction des écarts constatés.
Au terme d’une période de trois ans, l’entreprise est censée avoir résorbé les écarts de rémunération.
Deux pénalités reposant sur des fondements distincts
L’entreprise qui manque à ces deux premières obligations – c’est-à-dire qui ne publie pas les résultats de son index ou qui ne prend pas les mesures appropriées pour résorber les écarts de rémunération constatés – encourt une pénalité prévue par l’article L. 2242-8 du Code du travail, pénalité d’ores et déjà encourue par les entreprises dépourvues d’un accord ou d’un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes2.
En revanche, l’entreprise qui manque à son obligation de « résultat » -c’est-à-dire qui échoue à résorber les écarts de rémunération en affichant un score inférieur à 75 points pendant trois années consécutives- encourt, elle, une autre pénalité prévue par l’article L. 1142-10 du Code du travail.
Deux pénalités infligées à l’issue de procédures de sanction distinctes
La procédure de sanction des obligations de publication et de négociation a été modifiée par le décret n°2019-382 du 29 avril 2019, intégré aux articles R. 2242-3 et suivants du Code du travail.
Concrètement, une sanction ne peut être prononcée qu’à l’issue d’une procédure en plusieurs étapes, laissant à l’employeur la possibilité de se mettre en conformité :
- si l’agent de contrôle de l’Inspection du Travail constate que l’une de ces obligations n’est pas respectée, il met en demeure l’employeur d’y remédier dans un délai « fixé en fonction de la nature du manquement et de la situation relevée dans l’entreprise », qui « ne peut être inférieur à un mois »3;
- dans ce délai, l’employeur doit fournir à l’Inspection du Travail, selon le manquement reproché : l’accord ou le plan d’action relatif à l’égalité professionnelle, la preuve de la publication des indicateurs, ou l’accord ou à défaut la décision unilatérale prise en faveur de la résorption des écarts de rémunération ;
- en l’absence de mise en conformité, l’employeur s’expose à une pénalité dont le DIRECCTE fixe le taux dans un délai de deux mois à compter de l’expiration de la mise en demeure, en fonction des motifs de défaillance dont l’employeur a justifié, de sa bonne foi et des mesures prises en matière d’égalité professionnelle.
La mise en œuvre de cette procédure de sanction est possible dès à présent pour les entreprises de plus de 1000 salariés, qui devaient publier les résultats de leurs index en mars dernier.
Le décret n°2019-15 du 8 janvier 2019, intégré aux articles D. 1142-8 et suivants du Code du travail, prévoit une autre procédure de sanction pour les entreprises échouant à respecter leur obligation « de résultat », c’est-à-dire à résorber leurs écarts de rémunération dans le délai imparti de trois ans.
La procédure de sanction se déroule également en plusieurs étapes :
- si l’agent de contrôle de l’Inspection du Travail constate que l’index global est inférieur à 75 points durant 3 années consécutives, il transmet un rapport au DIRRECTE ;
- le DIRECCTE demande à l’employeur de présenter ses observations et les motifs de sa défaillance dans un délai de deux mois suivant la réception de ce rapport ;
- l’employeur dispose d’un délai de réponse d’un mois, prorogeable à sa demande ;
- le DIRECCTE lui notifie sa décision dans le délai de deux mois suivant l’expiration du délai imparti pour présenter ses observations : il peut soit accorder à l’entreprise un délai supplémentaire d’un an pour se mettre en conformité, soit lui appliquer la pénalité dont il fixe le taux4.
La mise en œuvre de cette procédure de sanction sera possible au terme de la troisième année d’application du dispositif, soit le 1er mars 2022 à pour les entreprises de plus de 250 salariés et le 1er mars 2023 pour les entreprises de plus de 50 salariés.
Deux pénalités avec deux récurrences et deux assiettes distinctes
La pénalité prévue à l’article L. 2242-8 du Code du travail – encourue en l’absence de publication des résultats de l’index ou en l’absence de mesures appropriées pour résorber les écarts de rémunération – est due par l’entreprise pour chaque mois entier écoulé à compter du terme de la mise en demeure et jusqu’à la réception par l’Inspection du Travail des éléments de preuve de sa mise en conformité (article R. 2242-7 du Code du travail).
Elle peut donc être infligée autant de mois que l’inexécution de l’entreprise perdure et a priori sans limite de temps.
Elle est fixée au maximum à 1% des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale – c’est-à-dire de la masse salariale – versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours du mois entier qui suit le terme de la mise en demeure.
La pénalité prévue à l’article L. 1142-10 du Code du travail – en cas de manquement à l’obligation de résultat – est quant à elle prononcée et recouvrée en une seule fois.
Elle est toutefois bien plus lourde puisqu’elle est fixée au maximum à 1% de la masse salariale de l’année civile précédant l’expiration du délai de trois ans laissé à l’entreprise pour se mettre en conformité.
Des pénalités cumulatives ?
La coexistence de ces deux types de pénalités pose la question de leur cumul.
L’article L. 1142-10 du Code du travail prévoit expressément que « dès lors qu’une pénalité lui est appliquée sur le fondement du présent alinéa [lorsque le score de l’index est resté inférieur à 75 points pendant trois ans] l’employeur ne peut se voir appliquer la pénalité financière prévue à l’article L. 2242-8 du Code du travail [en cas d’absence de publication des résultats de l’index ou d’absence de mesures de correction des écarts] ».
L’Administration précise en revanche dans son instruction n°2019/03 du 25 janvier 2019 que « la réciproque n’est pas prévue » c’est-à-dire que la condamnation de l’entreprise au titre de l’article L. 2242-8 du Code du travail n’empêche pas l’application d’une pénalité au titre de l’article L. 1142-10 du Code du travail.
Concrètement, l’employeur très lourdement sanctionné pour avoir échoué à résorber les écarts de rémunération entre femmes et hommes dans le délai imparti de trois ans ne pourrait ainsi être sanctionné pour avoir, sur la même période, manqué à ses obligations de moyens. En revanche, l’employeur sanctionné au titre d’un manquement à une obligation de moyens pourrait l’être une seconde fois au titre d’un manquement à son obligation de résultat.
On peut y percevoir une certaine logique ; reste que la mise en œuvre de cette règle risque de s’avérer très complexe.
La question du cumul des sanctions prises sur le fondement de l’article L. 2242-8 du Code du travail sera au moins aussi délicate : en l’absence de règle de non-cumul expressément prévue par le texte, l’employeur qui manquerait à la fois à son obligation de publication et à son obligation de négociation d’un accord sur l’égalité professionnelle ou de mesures correctrices des écarts de rémunération pourrait a priori encourir deux pénalités, prononcées sur le fondement du même article.
Autant d’interrogations sur lesquelles des clarifications de la part de l’Administration sont attendues.
Notes
1 Pour plus de précisions, voir notamment « Ecarts de rémunération femmes-hommes : les mesurer, les publier, les résorber »
2 Etant précisé que cette obligation persiste après l’entrée en vigueur du dispositif issu de la loi Avenir.
3 Jusqu’à la réécriture du dispositif, il était imparti aux entreprises n’ayant pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle ni adopté de plan d’action un délai maximal de six mois pour se mettre en conformité ; ce délai maximum ayant disparu, le délai maximum de mise en conformité est laissé à la discrétion de l’Inspection du Travail.
4 Le taux est également fixé par le DIRECCTE en fonction des motifs de défaillance dont l’employeur a justifié, des mesures prises en matière d’égalité professionnelle et de la bonne foi de ce dernier.
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Auteur
Marie Sevrin, avocat en droit social
Article paru dans Les Echos Exécutives le 22 juillet 2019
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