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Individualisation de la sanction : appréciation restrictive de la notion d’entreprise « mono-produit »

Individualisation de la sanction : appréciation restrictive de la notion d’entreprise « mono-produit »

L’Autorité de la concurrence (ADLC) a lourdement sanctionné la société TDF pour avoir abusé de sa position dominante dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre en entravant le développement de ses concurrents lors du déploiement de la TNT de 2006 à 2010.

Ancien monopole d’Etat, détenant 80% des parts de ce marché, TDF s’est vu condamnée à une amende de 20,6 millions d’euros pour avoir adopté un discours trompeur et dénigrant auprès des collectivités locales pour les dissuader d’autoriser des implantations concurrentes mais aussi pour avoir mis en place un système de remises fidélisantes incitant fortement les éditeurs de chaînes à recourir à ses services. TDF avait également joué de sa notoriété inégalée auprès des collectivités locales pour entretenir une confusion entre sa situation d’entreprise privée et son ancien statut en se prévalant d’avantages accordés au temps du monopole passé.

Dans le cadre de l’individualisation de la sanction, l’ADLC a refusé de retenir la qualité d’entreprise « mono-produit » avancée par TDF. Selon le point 48 de son Communiqué sanctions du 17 mai 2011, l’Autorité peut adapter à la baisse le montant de base de la sanction encourue lorsque « l’entreprise concernée mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction (« entreprise mono-produit ») ». Pour TDF, il convenait de considérer qu’elle était active dans le secteur de l’exploitation d’infrastructures pour la diffusion de signaux radioélectriques (secteur concerné par les infractions) puisqu’elle y réalisait 91% de son chiffre d’affaires. La possibilité de mobiliser ses infrastructures pour d’autres applications (téléphonie et radio) n’impliquait pas qu’il s’agisse d’une entreprise diversifiée.

L’ADLC a estimé que cette interprétation extensive était erronée car elle revient à faire du caractère « mono-produit » une qualité permanente de l’entreprise, qui peut être constatée à tout moment, avant même d’avoir notifié les griefs. Elle conduirait par exemple à qualifier d’entreprise « mono-produit » un constructeur automobile du fait qu’il est essentiellement actif dans ce secteur. A suivre ce raisonnement, seules les entreprises diversifiées ou conglomérales échapperaient à cette qualification.

Or, la notion d’entreprise « mono-produit » a été introduite afin de traiter de manière individualisée les cas où la méthode normale, qui repose sur une proportion de la valeur des ventes réalisées, conduirait à des sanctions disproportionnées.

Pour qualifier une entreprise de « mono-produit », il ne faut donc pas s’intéresser à l’entreprise elle-même, mais à sa situation au regard d’une certaine infraction. Autrement dit, il faut tenir compte de la valeur des ventes en lien avec l’infraction. Il en résulte que l’ADLC peut reconnaître cette qualité d’entreprise « mono-produit » à une entreprise dans une affaire et la lui refuser dans une autre si la valeur de ses ventes en lien avec l’infraction est plus faible, même si la situation de cette entreprise en termes de secteurs d’activité est identique.

Au cas particulier, TDF réalisait seulement 29% de son chiffre d’affaires dans la diffusion de signaux pour la télévision (contre 42% dans les télécoms et 20% pour la radio). Partant, la valeur des ventes réalisées en lien avec l’infraction représentait une trop faible part de son chiffre d’affaires pour qu’il y ait lieu de réduire le montant de l’amende.

ADLC, décision n°16-D-11 du 6 juin 2016 relatives à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestres

Auteurs

Virginie Coursière-Pluntz, avocat counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris, en droit de la concurrence et en droit européen tant en conseil qu’en contentieux.

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris