Information des salariés préalable à la cession de leur entreprise : une belle idée…
Le dispositif d’information obligatoire des salariés préalable à la vente de leur entreprise connait une réécriture en profondeur au terme de la loi dite Macron (article 204)1. Pour mémoire, la loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 dite loi Hamon avait introduit l’obligation d’informer les salariés pour toute «cession»2 de leur entreprise (fonds de commerce, parts de SARL ou d’actions de SA, SAS, SCA) à l’effet de faciliter la reprise de ladite société par ses salariés.
Certains apports de la loi Macron méritent d’être relevés.
- Restriction du champ d’application de la loi Hamon : La loi substitue le terme de «vente» à celui de «cession» d’entreprise. Dans le respect de l’objectif initial du texte, il s’agit d’appliquer le droit d’information préalable des salariés à la seule hypothèse de la vente et non à tous les cas de transfert de propriété que recouvre la cession (apport, donation, échange, etc.), lesquels ne méritent pas cette protection renforcée. En dépit des demandes des acteurs économiques, les ventes intra-groupes semblent toujours soumises à cette obligation.
- Modification de la sanction encourue en cas de non-respect de l’obligation d’information des salariés : La sanction de la nullité de la cession, applicable lorsque les chefs d’entreprises ne respectent pas leurs obligations d’information, est supprimée. Cette épée de Damoclès dénoncée depuis l’origine par les praticiens vient d’ailleurs d’être déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel3 en ce qu’elle porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre s’agissant de la cession de part ou d’actions. La loi Macron remplace d’ores et déjà cette sanction excessive (mais assez théorique) par un mécanisme d’amende civile (moins théorique), dont le montant ne pourra toutefois excéder 2% du montant de la vente. On observera qu’une telle amende civile pourra s’avérer dans bien des cas élevée et donc fort sévère ;
- Allègement des modalités d’information : Lorsque l’information est faite par lettre recommandée avec accusé de réception, le délai commencera à courir à compter de la date de la première présentation de la lettre (et non celle de sa remise effective), ce qui est assurément un gage d’efficacité ;
- Dérogation en cas d’information générale des salariés dans les douze mois précédant la vente : Les chefs d’entreprises seront désormais exonérés de l’obligation d’information4 des salariés si, au cours des douze mois qui précèdent la vente, celle-ci a déjà fait l’objet d’une information en application de l’article 18 de la loi Hamon (lui aussi partiellement réécrit). Pour mémoire, l’article 18 de la loi Hamon introduit une obligation d’information générale des salariés portant sur les modalités de reprise par eux-mêmes de leur entreprise et (nouveauté), le cas échéant, sur le contexte et les conditions d’un changement capitalistique substantiel. La portée du texte devra toutefois être précisée sur le point de savoir si l’exonération est acquise seulement quand le principe d’une vente déterminée a fait l’objet de cette information récente ou bien si une information à caractère général hors projet de vente permettrait également de bénéficier de cet assouplissement.
On observera que la loi Macron n’a toutefois pas raccourci le délai d’information des salariés des entreprises de moins de 50 salariés, ces derniers devant être informés du projet de vente au plus tard deux mois avant la vente.
Il faut se satisfaire que le pragmatisme ait fini par prévaloir. Mais on se plaît à rêver qu’il s’installe de façon pérenne dans les esprits français. Nous soutenons qu’un dispositif d’information des salariés en vue de la reprise de leur entreprise justifiait l’intervention du législateur mais dans le seul cas où l’absence de repreneur était avérée. C’était d’ailleurs bien l’ambition originelle des promoteurs du texte. La genèse d’une belle idée a rapidement accouché d’une hydre dont il faut aujourd’hui couper de nombreuses têtes.
Notes
1 Ces dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret, au plus tard dans les six mois après la promulgation de la loi, laquelle fait actuellement l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.
2 La société ne doit pas être en mesure de disposer d’un comité d’entreprise (moins de 50 salariés) ou, si elle est tenue d’avoir un comité d’entreprise (au moins 50 salariés), elle occupe à la clôture du dernier exercice moins de 250 personnes et son chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros ou son total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros. Concernant les cessions de droits sociaux, la cession doit porter sur plus de 50% des parts sociales dans les SARL et, dans les sociétés par actions, des actions ou des valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital social.
3 Cons. Const. Décision n°2015-476 QPC du 17 juillet 2015.
4 Cette information doit intervenir au moins une fois tous les trois ans dans toutes les sociétés commerciales de moins de 250 salariés.
Auteur
Bruno Zabala, avocat counsel au sein du département de la doctrine juridique.