Interruption spontanée de grossesse : la loi améliore la protection des salariées
19 juillet 2023
La loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023 visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse dite fausse couche insère dans le Code du travail et dans le Code de la sécurité sociale de nouvelles dispositions en faveur des femmes victimes d’une interruption spontanée de grossesse.
Ces mesures consistent en une amélioration des conditions d’indemnisation des salariées en arrêt de travail et une période de protection contre toute rupture du contrat de travail par l’employeur.
Suppression du délai de carence pour le versement de l’indemnité journalière de sécurité sociale (IJSS)
Jusqu’à présent, une salariée en arrêt maladie à la suite d’une interruption spontanée de grossesse se voyait appliquer, comme tous les autres salariés en arrêt de travail pour maladie ou accident autre qu’un accident du travail ou maladie professionnelle, un délai de carence de 3 jours pour le versement des IJSS (CSS, art. R.323-1).
La loi du 7 juillet 2023 prévoit désormais une dérogation à ce principe pour les salariées en cas d’arrêt de travail faisant suite à une interruption spontanée de grossesse.
A cet effet, un nouvel article L. 323-1-2 est inséré dans le Code de la sécurité sociale, selon lequel «par dérogation au premier alinéa de l’article L. 323-1, en cas de constat d’une incapacité de travail faisant suite à une interruption spontanée de grossesse ayant eu lieu avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée, l’indemnité journalière prévue à l’article L.321-1 est accordée sans délai.»
La salariée bénéficiera donc du versement des IJSS dès le premier jour de son arrêt de travail. Cette nouvelle disposition s’appliquera aux arrêts de travail prescrits à compter d’une date prévue par décret, et, au plus tard, à compter du 1er janvier 2024.
Notons que les règles relatives aux conditions de versement de l’indemnité complémentaire par l’employeur ne sont, en revanche, pas modifiées. En conséquence, les salariées remplissant les conditions pour obtenir cette indemnité complémentaire fixées à l’article L.1226-1 du Code du travail ne pourront prétendre à son versement par l’employeur qu’au-delà du 7ème jour d’absence, sauf disposition conventionnelle plus favorable.
Par cette mesure, le législateur a voulu limiter les effets de seuils concernant les interruptions spontanées de grossesse.
En effet, jusqu’à présent, les salariées qui perdent leur enfant à partir de la 22ème semaine d’aménorrhée bénéficient de plein droit d’un congé de maternité indemnisé sans délai de carence, alors que les salariées victimes d’une interruption spontanée de grossesse avant cette date ne pouvaient, quant à elles, prétendre qu’à un arrêt de travail dans les conditions du droit commun.
Protection contre la rupture du contrat de travail par l’employeur
La loi du 7 juillet 2023 insère dans le Code du travail un nouvel article L.1225-4-3, au terme duquel «aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée pendant les dix semaines suivant une interruption spontanée de grossesse médicalement constatée ayant eu lieu entre la quatorzième et la vingt et unième semaine d’aménorrhée incluse.»
Issue d’un amendement présenté par les sénateurs lors de l’examen du projet de loi, cette mesure vise, là encore, à réduire la différence de traitement existant entre les salariées selon que l’interruption spontanée de grossesse intervient avant ou à compter de la 22ème semaine d’aménorrhée.
En effet, dans le second cas, les salariées bénéficient du congé maternité et donc de la protection contre le licenciement qui y est attachée pendant la durée de ce congé, soit au moins 16 semaines, ainsi que durant les congés payés pris immédiatement après et durant les dix semaines qui suivent.
Notons que, durant ces dernières périodes, le licenciement demeure possible en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à la grossesse ou à l’accouchement.
Or, jusqu’à présent, les salariées victimes d’une interruption spontanée de grossesse avant cette date ne bénéficiaient d’aucune protection. Le nouveau texte a donc vocation à atténuer cette différence de traitement.
Cette protection ne fait pas obstacle à l’échéance d’un contrat à durée déterminée.
Les dispositions issues du nouvel article L. 1225-4-3 du Code du travail s’appliquent au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, soit depuis le 9 juillet 2023.
Encore faut-il, pour que la protection joue, que l’employeur soit informé de la situation de la salariée.
Rappelons, enfin, que le licenciement d’une salariée qui interviendrait en méconnaissance de cette protection ouvrirait droit, pour cette dernière, à une indemnité qui ne pourrait être inférieure à six mois de salaires conformément aux dispositions de l’article L.1235-3-1 du Code du travail.
Cette mesure concerne uniquement les femmes victimes d’une interruption spontanée de grossesse et non leur conjoint ou leur partenaire.
♦ Précisons en dernier lieu qu’un autre texte vient d’être définitivement adopté par l’Assemblée nationale et devrait être prochainement publié au Journal Officiel.
Il s’agit d’une proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité.
Pour l’essentiel, ce texte :
⇒ crée une protection contre le licenciement des salariés pendant le congé de présence parentale ou pendant les périodes travaillées si ce congé est fractionné ou pris à temps partiel (C. trav. nouv. art. L.1225-4-4) ;
⇒ allonge le congé pour décès d’un enfant à 14 jours ouvrables minimum s’il a moins de 25 ans et à 12 jours ouvrables minimum s’il a plus de plus de 25 ans. Ce congé peut être allongé par un accord d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche (C. trav. art. L.3142-1) ;
⇒ porte à 5 jours ouvrables minimum le congé pour annonce de la survenue d’un cancer, d’un handicap ou d’une pathologie chronique de l’enfant. Cette durée peut être prolongée par un accord d’entreprise ou de branche (C. trav. art L.3142-1) ;
⇒ garantit l’accès au télétravail des salariés aidant un enfant, un parent ou un proche (article L.1222-9 du Code du travail). Les modalités de ce télétravail sont précisées par l’accord collectif ou la charte qui l’a institué. Enfin, tout salarié aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche, qui en fait la demande, doit pouvoir bénéficier du télétravail. En l’absence d’accord ou de charte instituant le télétravail, le refus de l’employeur doit être motivé.
A lire également
L’impact de l’arrêt de travail pour maladie sur la protection conférée au... 16 février 2022 | Pascaline Neymond
Recours au CDD : ce que changent les ordonnances Macron... 1 décembre 2017 | CMS FL
Grossesse et licenciement : pas de protection «absolue» en cas d’arrêt de t... 10 novembre 2022 | Pascaline Neymond
Le délai de carence entre deux missions d’intérim : un enjeu judiciaire ... 22 janvier 2021 | CMS FL Social
Protection post congé maternité : quand l’esprit l’emporte sur la ... 2 juin 2014 | CMS FL
Articles récents
- La convention d’assurance chômage est agréée
- Sécurité sociale : quelles perspectives pour 2025 ?
- L’intérêt à agir exclut la possibilité pour un syndicat professionnel de demander la régularisation de situations individuelles de salariés
- Présomption de démission en cas d’abandon de poste : les précisions du Conseil d’Etat sur le contenu de la mise en demeure
- Quel budget pour la sécurité sociale en 2025 ?
- Syntec : quelles actualités ?
- Modification du taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle et de l’APLD
- Congés payés acquis et accident du travail antérieurs à la loi : premier éclairage de la Cour de cassation
- Télétravail à l’étranger et possible caractérisation d’une faute grave
- La « charte IA » : un outil de contrôle et de conformité désormais incontournable