L’ISF c’est fini. Voici l’IFI !
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui entrerait en vigueur au 1er janvier 2018, emprunte de nombreux éléments à l’impôt sur la fortune. Ce nouvel impôt ne saurait cependant être assimilé à un ISF dont l’assiette aurait simplement été limitée aux actifs immobiliers.
Promesse phare du programme électoral de l’actuel Président de la République, le remplacement de l’ISF par l’IFI a pris un tour très concret à l’issue du vote par l’Assemblée Nationale, le 24 octobre dernier, de l’article 12 du projet de loi de finances pour 2018 (PLF).
1. L’IFI reste imprégné des caractéristiques de son prédécesseur
L’IFI puise dans l’ISF la définition de ses redevables, la date d’assujettissement à l’impôt (1er janvier), l’essentiel de son fonctionnement en cas de démembrement de propriété, son seuil de déclenchement (1.300.000 €), son barème, et même son plafonnement en fonction des revenus, lui aussi assorti d’une clause anti-abus en cas d’interposition, pour des raisons principalement fiscales, d’une société contrôlée.
Les règles de territorialité applicables à l’IFI seraient elles aussi dans la continuité de celles applicables à l’ISF : maintien de l’obligation fiscale illimitée pour les résidents fiscaux français et imposition des non-résidents à raison de leurs seuls biens immobiliers situés en France. Pour ces derniers, toutefois, l’IFI ferait fi de la notion de titres de société à prépondérance immobilière en France (qui déclenchait une imposition à l’ISF) et s’appliquerait, comme c’est la règle prévue aussi pour les résidents, aux parts et actions détenues dans une société française ou étrangère à proportion de la valeur de ces titres représentative d’actifs immobiliers localisés en France.
Certains dispositifs favorables seraient maintenus, telles les dispositions relatives aux impatriés et la réduction d’impôt au titre des dons à certains organismes d’intérêt général.
Mais la réduction ISF-PME serait abrogée. Les investissements éligibles réalisés entre la déclaration de l’ISF 2017 et le 31 décembre 2017 resteraient néanmoins imputables sur l’IFI dû au titre de 2018.
2. L’IFI présente toutefois une identité qui lui est propre et relève d’une toute autre philosophie que l’ISF
Si l’IFI se limite à « l’imposition des actifs immobiliers », cette notion s’entendrait dans une acception très large.
2.1. Une assiette visant à atteindre l’immobilier où qu’il se trouve dans la chaîne de détention
L’assiette de l’IFI serait constituée par la valeur nette au 1er janvier de l’année :
- des droits et biens immobiliers détenus en direct par les redevables,
- et des parts ou actions de sociétés, localisées en France ou hors de France, « à hauteur de leur valeur représentative de biens ou droit immobiliers détenus directement ou indirectement par ces sociétés ».
La « valeur représentative de biens ou droit immobiliers » des parts ou actions de sociétés sera déterminée en appliquant à la valeur vénale des parts ou actions un coefficient correspondant au rapport entre la «valeur vénale réelle» brute de l’immobilier (immeubles et fraction des parts et actions) et la « valeur vénale réelle » brute de l’actif total (valeurs brutes appréciées au 1er janvier de l’année).
Détenir un patrimoine immobilier au travers d’une ou de plusieurs sociétés interposées sera donc plus intéressant au regard de l’IFI chaque fois qu’il existera des passifs non liés à l’immeuble minorant la valeur vénale des parts ou actions. En effet, en cas de détention directe d’immeubles, seuls les dettes affectées à l’immeuble peuvent être déduites.
2.2. Les biens et droits immobiliers détenus indirectement par un redevable au travers d’une société épargnés dans certaines hypothèses
Première tolérance, l’IFI épargnerait (sous certaines exceptions) les parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou encore libérale dont le redevable détiendrait directement ou indirectement, seul ou avec le cas échéant son conjoint et ses enfants mineurs, moins de 10% du capital ou des droits de vote. Le seuil de 10% devrait conduire à exclure les placements boursiers, exception faite notamment des SIIC (à moins que les circonstances révèlent que celle-ci exercent une activité commerciale). Ce seuil serait également applicable aux titres de certains organismes de placements collectifs et fonds d’investissements, sous réserve du respect d’un critère additionnel de détention par le fonds ou l’organisme d’actifs immobiliers imposables inférieurs à 20% de l’actif total.
Seraient notamment assimilées à des activités commerciales :
- les activités mentionnées aux articles 34 et 35 du CGI (i.e. en particulier celles de marchands de biens, d’agents immobiliers, les profits de construction, celles de lotisseurs, de loueurs d’établissements industriels et commerciaux équipés, voire la location meublée, sous réserve de conditions renvoyant au régime des biens professionnels en matière d’ISF) ;
- ainsi que celles de holdings animatrices de leur groupe.
Seconde tolérance, l’IFI épargnerait les immeubles :
- détenus par une société, lorsque ces immeubles sont affectés à son activité opérationnelle propre (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale) ;
- détenus directement ou indirectement par une société opérationnelle, elle-même détenue directement ou indirectement par le redevable, lorsque ces immeubles sont affectés à l’activité opérationnelle (i) de cette société, (ii) de la société directement propriétaire des immeubles, (iii) ou encore d’une société dans laquelle la société dont le redevable possède les titres exerce directement ou par personne interposée, un contrôle de droit ou de fait.
Cette tolérance ne permettrait pas d’exclure les immeubles détenus par une société holding non animatrice et affectés par cette dernière à l’activité opérationnelle de ses filiales.
Une clause de sauvegarde permettrait au redevable de bonne foi ne détenant pas plus de 10% du capital et des droits de vote de la société, d’échapper, hormis dans certains cas particuliers, à tout rehaussement, s’il démontre qu’il n’était pas en capacité de disposer des informations nécessaires à l’estimation de la fraction de la valeur des titres qu’il détient et correspondant à des immeubles ou droits immobiliers détenus par la société. Un décret devrait toutefois venir préciser les obligations qui seront mises à la charge des sociétés.
2.3. Une exonération des biens (immeubles, droits immobiliers, parts ou actions) affectés à l’activité principale du redevable
Seraient exclus les biens ou droits immobiliers ainsi que les titres représentatifs des mêmes biens affectés à l’activité principale du redevable, que celle-ci soit exercée à titre individuel ou dans une société de personnes soumise à l’impôt sur le revenu.
De même, lorsque l’activité est exercée dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés, les biens ou droits immobiliers détenus par le redevable ainsi que, en cas de détention indirecte, la valeur de ses titres correspondant à la fraction représentative de ces mêmes biens seraient également exonérés, sous réserve de conditions similaires à celles posées en matière d’ISF pour la qualification de biens professionnels.
2.4. Des règles d’évaluation nouvelles pour les parts ou actions de sociétés
Si l’IFI n’apporte pas de nouveauté concernant les règles d’évaluation des biens immobiliers détenus directement par le redevable (la valeur vénale de la résidence principale continuerait de bénéficier d’un abattement de 30%), il en va autrement de l’évaluation des parts ou actions de sociétés.
Les valeurs mobilières cotées continueraient d’être évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des 30 derniers cours qui précèdent le 1er janvier.
En revanche, la valeur nette des parts ou actions de sociétés prise en compte pourrait ne pas tenir compte de certaines dettes affectées à l’immobilier (les dettes non affectées à l’immobilier sont déductibles sans restrictions) :
- des dettes (quel que soit le prêteur, banque ou non) contractées en cas d’acquisition par une société d’un bien immobilier appartenant au redevable (dans un objectif principalement fiscal) ;
- des dettes (sauf à justifier de conditions de prêt normales) contractées par la société auprès du redevable/son foyer fiscal, son groupe familial, ou encore une société contrôlée directement ou indirectement par l’une de ces personnes pour l’acquisition d’un bien ou droit immobilier, à proportion de la participation de ces derniers dans la société.
2.5. Des restrictions nouvelles concernant les passifs déductibles au niveau du redevable
Seraient seules déductibles les dettes existant au 1er janvier et afférentes aux dépenses d’acquisition, de réparation, d’entretien, d’amélioration, de construction, de reconstruction ou d’agrandissement des biens immobiliers imposables. Seraient déductibles les taxes foncières et la taxe sur les locaux vacants, à l’exclusion de la taxe d’habitation et de l’impôt sur le revenu.
Les emprunts immobiliers remboursables in fine ne seraient déductibles qu’à proportion de la fraction de l’emprunt qui resterait dû si les échéances avaient été étalées de manière annuelle sur la durée totale du contrat.
Les dettes contractées directement, ou indirectement auprès d’un membre du foyer fiscal, du groupe familial ou encore d’une société contrôlée directement ou indirectement par l’une de ces personnes, seraient également exclues des passifs déductibles, sauf s’il est justifié de conditions de prêt normales.
Enfin, pour les patrimoines immobiliers dont la valeur vénale est supérieure à 5 millions d’euros, le montant total des dettes ne serait admis en déduction qu’à hauteur de 60% de cette valeur, l’excédent n’étant déductible qu’à hauteur de 50%.
Mentionnons pour conclure que les bases de l’IFI seraient désormais déclarées, pour l’ensemble des redevables, au sein de la déclaration d’impôt sur le revenu. Au vu de la complexité de cette réforme, plaidons pour qu’un délai supplémentaire soit octroyé aux contribuables et à leurs conseils au titre de 2018 !
Auteurs
Christophe Leclère, avocat, droit fiscal
Adrien Sanvelian, avocat, droit fiscal