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ISF-PME : Dans les méandres des règles européennes relatives aux aides d’État

ISF-PME : Dans les méandres des règles européennes relatives aux aides d’État

Si l’ampleur de l’avantage fiscal accordé au contribuable n’est pas modifiée – le taux et le plafond de l’avantage fiscal obtenu par le redevable de l’ISF sont inchangés – le dispositif qui favorisait le financement de PME sans limite d’âge, est principalement ciblé sur les jeunes entreprises et sur celles qui, ayant franchi les premières étapes de leur développement, ont un besoin de financement important pour conquérir de nouveaux marchés.

Plusieurs autres évolutions substantielles sont également adoptées.

On se souvient de la création par la loi TEPA du 21 août 2007 du dispositif de réduction d’ISF pour investissement dans les PME en expansion. Ce dispositif, qui permet au redevable de réduire son ISF d’un montant égal à 50% de la souscription effectuée au capital d’une PME dans la limite de 45 000 € (ou 18 000 € en cas d’investissement via un fonds), devait être remanié afin de respecter les règles européennes applicables en matière d’aide d’Etat, et plus particulièrement le Règlement général d’exemption par catégorie ou «RGEC»1 relatif au «financement des risques». C’est chose faite depuis l’adoption de la loi de finances rectificative pour 2015.

I. Les entreprises éligibles: les jeunes PME… mais pas seulement

La nouvelle rédaction ne reprend qu’en partie le champ des entreprises éligibles à la réduction d’ISF, à savoir les PME au sens européen2 qui ne sont pas cotées (sauf cotation sur Enternext, filiale d’Euronext dédiée au financement des PME et ETI), qui ne sont pas qualifiables d’entreprises en difficulté et qui ont une véritable activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Mais la PME doit dorénavant respecter l’une des conditions suivantes :

  • Exercer son activité depuis moins de sept ans à compter de sa première vente commerciale ou n’exercer son activité sur aucun marché ;
  • Ou avoir un besoin d’investissement en faveur du financement des risques qui, sur la base d’un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marché géographique ou de produits, est supérieur à 50% de son chiffre d’affaires annuel moyen réalisé au cours des cinq années précédentes.

La condition d’ancienneté de l’entreprise ne soulève pas a priori de difficulté, étant toutefois souligné que la loi renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer le seuil de chiffre d’affaires caractérisant la première vente commerciale. D’après les informations dont nous avons connaissance, ce seuil devrait s’élever à 250.000 €. En deçà de ce montant, l’entreprise serait en toute logique considérée comme n’exerçant son activité sur aucun marché.

Pour les entreprises de plus de sept ans à compter de leur première vente commerciale, ne seront éligibles que celles qui démontrent, plan d’entreprise à l’appui, qu’elles ont un besoin de financement supérieur à 50% de leur chiffre d’affaires annuel moyen réalisé au cours des cinq dernières années.

Le RGEC prévoit simplement que le plan d’entreprise doit contenir «des informations sur l’évolution des produits, des ventes et de la rentabilité» et établir «la viabilité financière ex ante» du financement. En termes quantitatifs, le besoin de financement – et non le montant effectif de la souscription au capital de la PME – devrait être au moins égal à la moitié du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise, ce qui devrait s’établir assez aisément pour toutes les PME qui, par une rupture technologique ou commerciale nécessitant des investissements importants, désirent conquérir de nouveaux marchés.

Les exigences tenant à la nature de l’activité de la société cible et la composition de son actif sont reconduites. Restent notamment exclues les activités de gestion d’un patrimoine mobilier, les activités financières et les activités immobilières, y compris dorénavant les activités de promotion immobilière. La société éligible répond en outre à la définition de PME européenne précitée, elle a son siège de direction effective dans un Etat de l’UE, est soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et compte au moins deux salariés à la clôture de l’exercice qui suit la souscription.

Enfin, conformément au RGEC, le montant total du «financement des risques» d’une PME est porté à 15 millions d’euros sur toute la durée de vie de l’entreprise au lieu des 2,5 millions d’euros par période glissante de douze mois dans le régime antérieur. A noter que ce nouveau plafond devrait s’apprécier au niveau de la PME cible et des sociétés de son périmètre, ce qui pourra s’avérer pénalisant pour une entreprise appartenant à un groupe de sociétés.

II. Les investisseurs éligibles : les actionnaires désormais exclus… sauf investissement de suivi

Une modification substantielle est apportée au dispositif. Jusqu’à présent, toute personne physique pouvait souscrire à l’augmentation de capital de la PME cible pour réduire son ISF.

Pour les souscriptions réalisées à compter du 1er janvier 2016, le législateur réserve la réduction d’impôt aux redevables qui ne sont ni associés ni actionnaires de l’entreprise, en prévoyant toutefois une exception pour les investissements dits « de suivi », y compris après la période de sept ans précitée, pour autant que :

  • L’associé ou l’actionnaire a bénéficié, au titre de son premier investissement au capital de la société, d’une réduction d’ISF-PME;
  • De possibles investissements complémentaires étaient prévus dans le plan d’entreprise de la société; et
  • L’entreprise n’est pas devenue liée à une autre entreprise, perdant ainsi sa qualité de PME européenne.

Ainsi, un le fondateur (ou un actionnaire historique) ne pourra bénéficier d’une réduction d’ISF au titre d’un nouvel apport dans l’entreprise que s’il a bénéficié de cet avantage fiscal lors de l’investissement initial et que des investissements complémentaires étaient alors prévus dans le business plan.

On se demande bien comment l’entrepreneur pourra anticiper les besoins de financement de son entreprise sur plusieurs années alors qu’il est concentré sur le démarrage de son activité. Il est encore plus curieux d’exiger qu’il ait bénéficié d’une réduction d’ISF lors de son premier apport alors qu’il n’en était probablement même pas redevable! L’examen des travaux préparatoires du texte nous apprend que l’exclusion des actionnaires et associés résulte de la lecture du RGEC faite par la Commission européenne, avec laquelle les contours de la refonte du dispositif ISF-PME a été directement négociée.

Pour ce qui concerne les anciennes conditions relatives aux souscriptions, elles restent applicables. Notamment, la souscription doit conférer les seuls droits résultant de la qualité d’associé, aucune garantie en capital ne peut être accordée à l’actionnaire en contrepartie de sa souscription, ni aucun remboursement d’apport dans les sept ans qui suivent l’augmentation de capital. En revanche, seuls les apports en numéraire ouvrent droit à la réduction d’impôt, les apports de biens en nature étant désormais exclus.

III. Quelques remarques pour conclure : FCPI, FIP et Plafonnement des frais…

La loi de finances rectificative pour 2015 aménage le dispositif ISF-PME pour le rendre pleinement conforme au RGEC, dispensant ainsi la France de l’obligation de notification préalable du texte à la Commission européenne. Le dispositif remanié s’applique donc immédiatement, sans qu’il soit nécessaire d’attendre l’aval de la Commission. Tel n’est pas le cas de la réduction d’ISF au titre des souscriptions de parts de FCPI et FIP pour lesquels les aménagements contenus dans la loi de finances rectificative pour 2015 ont fait l’objet d’une procédure de notification préalable devant les autorités bruxelloise.

Ces aménagements, dont l’objet principal est d’aligner les conditions d’éligibilité des PME sur celles introduites en cas de souscriptions directes (à l’exception notable de la condition d’ancienneté de l’entreprise fixée à dix ans pour les FCPI), ont été approuvés par une décision en date du 5 novembre 2015 de la Commission déclarant le nouveau régime des FCPI et des FIP conforme aux exigences européennes sur le financement des risques.

A noter enfin que pour ces fonds, de même que pour les holdings ISF-PME et les sociétés de gestion, le législateur a introduit un plafonnement des frais et commissions que ces entités pourront facturer aux sociétés cibles des investissements, dont le montant sera fixé par un décret à paraître.

L’adaptation du dispositif ISF-PME aux nouvelles exigences européennes était nécessaire, mais l’exercice du législateur était rendu particulièrement difficile en raison de certaines définitions du RGEC, souvent vagues et partant, source d’incertitudes. Les décrets d’application, ainsi que la mise à jour du BOFIP sur la réduction d’ISF-PME permettront sans doute de préciser les aménagements du dispositif.

 

Notes
1 Règlement UE n°651/2014 en date du 17 juin 2014 qui a pour objet de déclarer certaines catégories d’aides d’Etat compatibles avec le marché intérieur, notamment les aides en faveur de l’accès des PME au financement des risques (ci-après le «RGEC»).
2 C’est-à-dire qui comptent moins de 250 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou présentent un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros, étant précisé que l’appréciation de ces données s’effectue de manière consolidée.

 

Auteur

Eva Aubry, avocat spécialisé en fiscalité directe.

 

ISF-PME : Dans les méandres des règles européennes relatives aux aides d’Etat – Article paru dans le magazine Option Finance le 25 janvier 2016