Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

Juridiction compétente en cas de mise en ligne de photographies sans autorisation préalable de leur auteur

Juridiction compétente en cas de mise en ligne de photographies sans autorisation préalable de leur auteur

Une photographe d’architecture, de nationalité autrichienne, avait autorisé l’usage de ses photographies dans le cadre d’une conférence. Par la suite, la société organisatrice de l’événement, de droit allemand, avait mis en ligne ces photographies sur son site Internet, en libre accès et en téléchargement gratuit. La photographe l’avait alors attaquée en responsabilité devant le juge autrichien. Celui-ci a saisi à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du point de savoir s’il était compétent pour trancher ce litige.

Par principe, sur le fondement du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000, la juridiction compétente est celle du domicile du défendeur. Il n’en va autrement que dans des cas limitativement énumérés, comme en matière délictuelle, où la juridiction compétente est « le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » (article 5, point 3). La CJUE a déjà interprété ce texte comme visant d’une part, le lieu de matérialisation du dommage et, d’autre part, le lieu de l’événement causal à l’origine du dommage (CJUE, 5 juin 2014, C-360/12). Ce critère doit être appliqué de manière à permettre d’établir la compétence de la juridiction « objectivement la mieux placée pour apprécier si les éléments constitutifs de la responsabilité de la personne attraite sont réunies« .

En l’espèce, dans un litige où la cause du dommage était la mise en ligne d’un contenu en Allemagne, c’est-à-dire l’opération technique de publication en ligne des photographies, l’événement causal ne pouvait justifier la saisine de la justice autrichienne.

La CJUE se penche alors sur la notion de lieu de matérialisation du dommage allégué. La société allemande soutenait que son site Internet, constitué d’un nom de domaine de premier niveau allemand, n’était pas dirigé vers l’Autriche1. La Cour rejette cet argument et juge, que, dans les cas de mise en ligne sur Internet, le dommage est matérialisé partout où les photographies litigieuses sont accessibles, c’est-à-dire partout (CJUE, 22 janvier 2015, C-441/13).

En principe donc, une action de ce type pourrait être introduite devant les juridictions de chaque Etat membre. La Cour précise toutefois utilement, afin d’éviter le risque de décisions juridictionnelles concurrentes, que la juridiction saisie à ce titre ne peut connaître que du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre.

A titre conclusif, il convient de relever trois points :

  1. Une saisine de la juridiction du lieu du fait générateur du dommage – en l’espèce l’Allemagne – aurait permis d’indemniser l’entièreté du préjudice, et non les seuls dommages subis en Autriche (v. CJCE, 7 mars 1995, C-68/93, cons. 19).
  2. L’entrée en vigueur, le 10 janvier 2015, du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ne remet pas en cause la solution retenue, les règles de compétence territoriale n’ayant pas été modifiées à cette occasion.
  3. Il n’est pas certain que la solution adoptée par la CJUE serait retenue s’agissant du droit moral de l’auteur, la jurisprudence ayant traditionnellement recours, en pareil cas, au critère du « centre des intérêts du demandeur » (CJUE, 25 octobre 2011, C-509/09).

Note

1 Cet argument tiré de la direction du site Internet vers l’Etat membre de la juridiction saisie a déjà été retenu en matière de litiges de consommation

 

Auteur

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.