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La blockchain, futur outil au service du monde du travail ? Découvrez notre analyse

La blockchain, futur outil au service du monde du travail ? Découvrez notre analyse

Alors que la technologie de la blockchain (ou encore chaîne de blocs) est particulièrement connue et reconnue en droit financier, notamment depuis la parution de l’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse qui l’a définie comme étant « un dispositif d’enregistrement électronique partagé » (DEEP) dans le Code monétaire et financier, celle-ci semble éprouver certaines difficultés pour s’imposer au sein du monde du travail français.

Un tel constat peut paraitre étonnant tant la blockchain offre des possibilités, que ce soit pour les salariés, les entreprises ou pour l’administration.

Afin de comprendre ces difficultés, il convient tout d’abord de définir la technologie blockchain tout en proposant, par la suite, des hypothèses permettant une utilisation adaptée au monde du travail.

 

Qu’est-ce que la technologie de la blockchain ?

Au même titre qu’Internet il y a cela déjà quelques années, la technologie de la blockchain a vocation à révolutionner la façon dont les informations sont échangées. Ce système permet de stocker, d’échanger des informations de manière sécurisée, transparente et ce, sans l’intervention d’un organe central de contrôle.

 

En effet, la blockchain est un registre composé d’un ensemble d’informations enregistrées sous formes de blocs, reliés par une signature numérique donnant lieu à la création d’une chaîne de blocs qui aura été préalablement validée par ses utilisateurs afin d’en garantir leur authenticité.

 

L’une des principales forces de la blockchain réside dans le fait que l’ensemble des données qui y sont enregistrées sont horodatées afin d’en garantir leur immuabilité ainsi que l’intégrité du registre. En outre, ces informations étant partagées par les membres de la communauté utilisant ce registre, il faudrait altérer l’information de plus de 50 % des membres pour que cette modification soit opposable. En conséquence, il n’est pas possible de modifier ou de supprimer des blocs (ou de manière plus concrète des données) sans altérer la chaîne dans son ensemble.

 

La fonction de stockage de la blockchain

On comprend alors aisément que la technologie de la blockchain permet de stocker de manière sécurisée des informations qui auront été authentifiées et qui ne peuvent plus être retirées de la chaîne afin d’éviter tout risque de fraude.

Ces informations sont par la suite consultables en toute transparence par les utilisateurs de la blockchain selon son accessibilité. En effet, on peut distinguer les protocoles privés où l’accès est réservé à un groupe déterminé de personnes, des blockchain ouvertes où les conditions d’accès sont définies par le protocole.

Ainsi, s’il est vrai qu’initialement une blockchain est ouverte à tous, il est également tout à fait possible de créer une blockchain semi-privée ou privée où seulement les personnes qui auront été invitées pourront y participer.

Le choix de l’accessibilité dépendra donc des acteurs visés par la blockchain et des données à partager.

    • Ainsi, comme exemple de système ouvert au public, il serait possible d’imaginer la blockchain comme étant un registre sur lequel se trouvent les C.V. des travailleurs, sur la base de leur consentement, dont les informations (diplômes, expériences professionnelles etc.) auront préalablement été validées et actualisées par les entités compétentes (l’Etat, anciens employeurs etc.) (1).

 

Il en résulterait que les entreprises, face à des C.V. dont la falsification n’aura pas été possible, ont des possibilités plus importantes pour trouver un candidat dont le profil correspond au mieux au poste proposé optimisant ainsi la recherche du profil idéal.

    • A l’inverse, la mise en place d’une blockchain privée se retrouvera principalement au sein d’entreprises qui ne souhaiteront pas, à juste titre, que les informations présentes sur la blockchain puissent être accessibles par des tiers. Bien qu’un tel système se rapproche énormément de l’intranet d’une entreprise ou de tout autre réseau fermé, il n’en demeure pas moins qu’il présente des avantages certains compte tenu du principe d’horodatage attaché aux blocs de la chaîne. Ainsi, on peut très bien imaginer un nouveau système d’information des salariés qui passerait par la blockchain permettant un horodatage des informations transmises et d’apporter la preuve de leur existence, de la date de transmission ainsi que de leur contenu.
    • On relèvera toutefois que ce système de stockage se heurte principalement à deux difficultés : i) le respect des conditions exigées par le règlement Européen 910/2014 (également appelé « eIDAS ») pour pouvoir constituer un système d’horodatage qualifié (2) et ii) le respect d’une conservation limitée dans le temps des données, instituée par le RGPD.

 

i) Selon le règlement Européen eIDAS, pour que la blockchain puisse être un système d’horodatage qualifié, permettant d’assurer l’intégrité des données, il est notamment nécessaire que les données qui y figurent fassent l’objet d’une signature électronique et soient liées à une date et un horaire selon le temps universel coordonné (3).

Or, la technologie blockchain n’offre pas la possibilité, à elle seule, de respecter ces conditions dans la mesure où il n’est pas possible d’effectuer un horodatage lié au temps universel coordonné. De toute évidence, si la technologie blockchain pouvait lier des données à une tel système horaire, sa précision et sa fiabilité ne seraient pas, pour le moment, suffisantes pour répondre aux exigences du règlement Européen eIDAS permettant d’assurer l’intégrité des données qui y sont inscrites.

 

ii) S’agissant des exigences issues du RGPD, il est notamment prévu, d’une part que le stockage de données se fait pour une durée limitée, pour ensuite être détruites, et d’autre part que la personne concernée dispose d’un droit à l’effacement de ses données (droit à l’oubli).

Or, il apparaît difficile de concilier ces exigences avec la technologie blockchain, dès lors que cette dernière a pour premier principe l’immuabilité des données inscrites au sein de ses blocs et donc l’impossibilité de les détruire. A cet égard, la CNIL a pu considérer que couper l’accessibilité de la donnée pourrait constituer une solution satisfaisante à défaut d’effacement de la donnée.

 

L’alliance de la blockchain et du smart contract

    • Outre la fonction de « stockage », cette technologie peut prendre une tout autre dimension si elle est couplée avec un contrat intelligent (également appelé « smart contract »).

Un smart contract est constitué d’un ensemble d’algorithmes qui ont vocation à s’exécuter automatiquement si les conditions définies préalablement se retrouvent remplies.

 

Ainsi, par le biais d’un tel procédé, il serait possible d’automatiser certaines procédures qui, initialement nécessitaient l’intervention d’un salarié.

On peut à ce titre penser au paiement automatique de certaines sommes dès lors que les conditions préalablement déterminées sont réunies. Cela pourra être le cas en matière de rémunération variable où l’accomplissement des objectifs, inscris au sein de la blockchain, donnera automatiquement lieu au paiement du bonus dû au salarié.

Il en va de même avec le paiement des indemnités de départ d’un salarié en contrat à durée déterminée (prime de précarité, indemnités compensatrices de congés payés) qui serait automatique au moment de l’arrivée du terme du contrat, lui aussi inscrit au sein de la blockchain.

    • On relèvera toutefois que s’il est possible de prévoir des smart contracts au sein de la blockchain, il n’en demeure pas moins que les dispositions légales actuelles ne permettent pas toujours de leur offrir la qualification juridique de contrat électronique. En effet, conformément aux dispositions relatives aux contrats conclus par voie électroniques (articles 1125 et suivants du Code civil), il est notamment nécessaire de pouvoir identifier ses signataires.

 

Or, aujourd’hui, à moins qu’un dispositif d’identification soit associé au registre, la blockchain ne permet pas une telle identification et limite donc l’utilisation des smart contracts à la simple réalisation de clauses issues d’un contrat conclus hors la blockchain.

 

Les difficultés liées à la mise en place de la technologie blockchain

Si la technologie de la blockchain pourrait permettre l’optimisation des échanges d’informations entre ses différents utilisateurs ainsi que l’automatisation de certaines tâches, il n’en demeure pas moins que peu d’entreprises ont choisi de recourir à cette technologie.

On peut aisément supposer que l’une des raisons quant à cette faible utilisation réside notamment dans le fait que la blockchain peut encore paraître abstraite, tant au regard de ses possibilités que de ses modalités d’utilisation pratique.

En outre, l’absence de protocole universel constitue également un frein à l’utilisation d’une telle technologie et la limite ainsi à un nombre restreint d’entreprises (start up, entreprises avec un service dédié et entreprises spécialisées).

Ainsi, afin de permettre une utilisation plus généralisée au sein du monde du travail, la technologie de la blockchain doit être démystifiée afin de pouvoir en exploiter toutes les opportunités qu’elle peut offrir.

 

(1) On relèvera que la blockchain est déjà utilisée à Malte afin de certifier tous les diplômes du pays. Outre cette fonction de certification, les diplômes sont également stockés sur la blockchain, ce qui permet à leur détenteur d’y accéder à tout moment et tout temps (dès lors qu’ils ont un appareil connecté à internet) et ce même en cas de fermeture de l’école qui les a délivrés ou de perte physique de ceux-ci.

(2) Le règlement Européen eIDAS a institué deux différents types d’horodatage : un simple et un qualifié.

Le premier a pour objectif d’attester de l’existence d’une donnée à une certaine date alors que le second a pour objectif d’exclure toute possibilité de modification indétectable des données ayant fait l’objet de l’horodatage sous réserve du respect de plusieurs conditions.

(3) Article 42 du règlement eIDAS

 

Article publié dans les Echos Executives du 17/06/2020