La clause de break-up fees dans les accords préliminaires des opérations de M&A
La clause de break-up fees a pour objet de prévoir à l’avance le paiement d’une indemnité à la charge de la partie qui souhaiterait se désengager unilatéralement d’une transaction. Cette clause est fréquente dans les accords préliminaires qui ponctuent le processus de négociations (lettre d’intention ferme, protocole d’accord, promesse, etc.).
Elle permet aux parties d’encadrer à l’avance l’éventualité d’une rupture de leurs relations et d’en sécuriser au mieux les conséquences notamment financières. Elle s’apparente le plus souvent à une clause de dédit qui autorise le débiteur à sortir des négociations ou à rompre un engagement moyennant le paiement d’une indemnité (clause d’opt-out). Il ne s’agit alors ni plus ni moins que de la mise en oeuvre d’une disposition prévue par l’accord préliminaire. Si elle vise simplement à garantir l’exécution par les parties d’une obligation, alors elle sera qualifiée de clause pénale dans la mesure où le paiement de l’indemnité aura pour objet de sanctionner l’inexécution de ladite obligation.
Elle peut encore revêtir la forme d’une indemnité d’immobilisation ou d’une clause de remboursement de frais. Afin d’assurer la sécurité juridique de la clause, les parties auront tout intérêt à rendre cohérente sa qualification juridique avec la portée qu’elles ont souhaité lui donner.
Les applications de ce type de clause sont variées. Elle peut permettre de ménager une «porte de sortie» au vendeur afin d’engager des négociations avec un meilleur parti. Elle peut également sécuriser un acquéreur, lorsque la vente ne peut être immédiatement formée, en incitant le vendeur à exercer l’option de vente dont il bénéficie. Dans ces cas, l’indemnité est supportée par le vendeur (voire par l’acheteur ultime si son coût est réintégré dans le prix) ou, dans certaines circonstances, par la cible elle-même si cela est justifié à son niveau. A l’inverse, la clause de reverse break-up fees permettra symétriquement à l’acquéreur de se retirer d’un processus de négociation. Elle constitue alors souvent la contrepartie de l’exclusivité consentie par le vendeur. Enfin, les parties peuvent également prévoir la réciprocité de la clause.
Le principe ayant été fixé, le rédacteur devra prendre soin de définir les faits générateurs de sa mise en oeuvre et notamment l’exigence éventuelle de juste motif. Le montant de l’indemnité devra être soigneusement déterminé, allant du montant forfaitaire à un pourcentage de la valorisation retenue.
Pour le vendeur, il s’agira de fixer un montant suffisamment faible pour ne pas neutraliser l’effet positif d’une surenchère. L’acheteur cherchera à prévoir un montant couvrant au minimum les frais engagés dans le cadre des négociations. Dans tous les cas, les parties veilleront à éviter l’écueil d’un montant trop élevé assimilable à un prix de cession, qui pourrait faire encourir la requalification de l’accord en cession ferme. Enfin, les parties conserveront à l’esprit les conséquences attachées à la nature de la clause : la clause pénale manifestement excessive ou dérisoire demeure soumise au pouvoir de révision du juge, tandis que le montant du dédit échappe à ce contrôle.
L’indemnisation contractuelle ainsi fixée pourra aller en deçà ou au-delà de l’indemnisation qui aurait été accordée dans le cadre d’une responsabilité délictuelle en l’absence de clause. Toutefois, cette indemnité n’est pas exclusive d’une réparation judiciaire additionnelle fondée sur un motif non couvert par la clause (par exemple en cas de rupture abusive). A noter que le projet de réforme du droit des obligations prévoit un principe légal de responsabilité de la partie qui viendrait fautivement rompre des négociations. Néanmoins, cet ajout ne devrait pas à notre sens faire d’ombre aux clauses de break-up fees qui continueront de susciter l’intérêt des vendeurs et des acquéreurs.
Auteurs
Alexandre Delhaye, avocat associé en Corporate/Fusions & Acquisitions
Solenne Gilles, avocat en Corporate/Fusions & Acquisitions