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La convention multilatérale ou la « théorie des jeux » appliquée aux conventions fiscales

La convention multilatérale ou la « théorie des jeux » appliquée aux conventions fiscales

L’instrument multilatéral pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir le BEPS (« Base Erosion and Profit Shifting ») de l’OCDE et du G20 a été signé à Paris le 7 juin 2017. Cet outil permet d’actualiser les conventions fiscales existantes sans que les Etats aient besoin de les renégocier de manière bilatérale. Pour ce faire, les Etats signataires doivent ratifier l’instrument multilatéral et choisir les conventions qu’ils entendent réviser, puis notifier, parmi les 39 articles de l’instrument (correspondant à des modifications de rédaction des conventions), leur position : les options et réserves choisies par un Etat s’appliquent à l’ensemble de ses conventions fiscales visées.


Cinq Etat signataires ont ratifié l’instrument, permettant son entrée en vigueur au 1er juillet 2018 entre ces Etats.

En France, le 11 avril 2018, le rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi autorisant la ratification de l’instrument a été publié.

Il rappelle la flexibilité d’application laissée aux signataires de l’instrument et souligne la difficulté à évaluer la portée des changements avant que les positions définitives de chacun des Etats ne soient connues.

Si le rapport émet un avis favorable à la ratification (le Sénat a d’ailleurs voté en ce sens le 19 avril 2018), il appelle à la prudence et recommande que les options et réserves définitives de la France tiennent compte notamment des positions de ses partenaires.s

En effet, la France a retenu une conception initiale large du seuil de qualification d’un établissement stable. Or, certains partenaires (l’Irlande, le Royaume-Uni, le Luxembourg ou Singapour par exemple) ont émis des réserves qui bloquent l’introduction de cette nouvelle définition d’établissement stable dans leurs conventions bilatérales. Cette asymétrie pourrait créer, pour les sociétés françaises, un risque d’exposition accrue dans les pays ayant retenu cette nouvelle définition (par exemple en Inde ou Indonésie), tandis que la France ne pourrait pas imposer les bénéfices réalisés en France par les sociétés établies dans des Etats ayant émis des réserves.

En outre, la commission souligne que la mise en œuvre de l’instrument multilatéral impose une analyse des réserves et options des Etats signataires en complément des conventions bilatérales visées, ce qui affaiblit la lisibilité des règles applicables. Si le Gouvernement propose de mettre en ligne des versions consolidées des conventions bilatérales, le rapport du Sénat rappelle que ces dernières ne seront opposables ni aux Etats cosignataires ni à l’administration fiscale française. La sécurité juridique des acteurs économiques s’en trouverait ainsi diminuée.

 

Auteurs

Stéphane Gelin, avocat associé, spécialisé sur la planification fiscale, les prix de transfert et la fiscalité des fusions-acquisitions pour les multinationales françaises et étrangères.

Solène Richemont, fiscaliste et économiste,

 

La convention multilatérale ou la « théorie des jeux » appliquée aux conventions fiscales – L’actualité fiscale en bref parue dans Option Finance le 30 avril 2018