La formation : au-delà des obligations, un levier d’efficacité pour l’entreprise
23 avril 2021
Le Code du travail impose aux employeurs d’assurer la formation de leurs salariés. Le non-respect de cette obligation est susceptible d’entraîner différents types de sanctions, directes ou indirectes.
Toutefois, il serait très restrictif et inapproprié d’appréhender la formation comme une contrainte pesant sur les entreprises, tant elle est également un vecteur de développement des compétences au service de la promotion de sa compétitivité.
Il s’agit donc d’un enjeu majeur sur lequel les employeurs doivent porter toute leur attention pour que le respect de leurs obligations légales aille de pair avec l’accroissement de l’efficacité de l’entreprise.
La mise en place d’une politique interne de formation
Selon l’article L.6321-1 du Code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Ainsi, quelle que soit la taille de l’entreprise, il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Une telle obligation découle également de celle d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.
Ainsi, l’obligation générale de formation de l’employeur existe quand bien même le salarié ne solliciterait aucune formation.
Pour permettre à l’employeur de respecter son obligation, il peut être élaboré un plan de développement des compétences (ex plan de formation). Si l’établissement d’un tel plan n’est pas une obligation pour l’entreprise, il permet cependant de prévoir les actions de formation à mettre en œuvre et de réfléchir à une politique interne adaptée aux spécificités des postes de travail et ce, pour chaque catégorie professionnelle.
Sa mise en place est donc fortement recommandée.
En outre, dans les entreprises et groupes d’au moins 300 salariés, et dans certaines entreprises de dimension communautaire, une négociation collective sur le thème de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) doit être engagée tous les trois ans (à défaut d’accord collectif prévoyant une autre périodicité). Ceci permet d’anticiper les évolutions des emplois et des métiers, des compétences et des qualifications, liées aux mutations économiques, démographiques et technologiques.
Les entreprises non assujetties à cette obligation de négociation peuvent les engager volontairement pour disposer de cet outil de gestion des ressources humaines.
Il est rappelé également qu’à l’occasion de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, le Comité social et économique doit être consulté sur la GPEC et les orientations de la formation professionnelle.
Il est donc essentiel de réfléchir à une politique interne de formation et à la mettre en place de manière effective.
Pour identifier les besoins en formation professionnelle des salariés, l’entretien professionnel, qui a en principe lieu tous les deux ans (sauf accord collectif sur ce point modifiant la périodicité), et l’entretien de bilan qui a lieu au bout de la sixième année sont également des outils fort utiles. Il convient donc de préparer avec attention les supports de ces entretiens afin de s’assurer de leur efficacité. Il est à souligner que ces entretiens permettent aussi de vérifier que le salarié a reçu une formation professionnelle non obligatoire.
Enfin, en plus de l’obligation générale de formation, il existe des obligations de formation plus ciblées, ponctuelles, telle que celle liée à l’obligation de reclassement dans le cadre d’un licenciement économique ou d’un licenciement pour inaptitude physique.
Les risques liés à l’absence de politique interne
L’employeur qui ne forme pas ou peu ses salariés s’expose, en cas de contentieux, à devoir verser au salarié concerné des dommages et intérêts, en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de l’éventuelle rupture de son contrat de travail.
Par ailleurs, l’absence de formation peut conduire au défaut de cause réelle et sérieuse d’un licenciement, notamment pour insuffisance professionnelle et elle peut également entraîner la responsabilité de l’employeur pour violation de l’obligation de sécurité, si un salarié victime d’un accident du travail n’a pas été correctement formé aux règles de sécurité.
L’absence de formation est également réprimée à travers des sanctions administratives (exemple : abondement du compte personnel de formation s’il est constaté, au cours des six dernières années, que le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation non obligatoire) et elle peut faire encourir certains risques pénaux (par exemple en cas d’accident provoqué par un salarié non formé).
Les atouts d’une politique de formation efficace
Une « bonne » politique de formation peut être de nature à limiter l’absentéisme et à accroître le bien-être au travail des salariés en leur permettant de réaliser leurs missions dans de bonnes conditions, ce qui limite de fait leur stress en milieu professionnel.
En outre, le premier confinement a accéléré la digitalisation des métiers avec un recours massif au télétravail. Or, il est important de donner aux salariés les clefs, via la formation, pour faire face à cette digitalisation accrue. Ils n’en seront que plus performants sur leurs diverses tâches et en mesure de s’adapter à l’évolution de leur poste de travail. L’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail prévoit à cet égard que « Les salariés en télétravail de manière régulière reçoivent une formation appropriée, ciblée sur les équipements techniques à leur disposition et sur les caractéristiques de cette forme d’organisation du travail ».
De plus, la formation permet aussi d’attirer en interne des profils intéressants et de favoriser les transmissions de compétences et de connaissances via des dispositifs tels que l’alternance.
Toutefois, certaines formations peuvent représenter un coût financier important pour l’entreprise. Celle-ci a donc tout intérêt à s’assurer que le salarié restera dans l’entreprise pour mettre au profit de cette dernière ses nouvelles compétences.
Afin de limiter cette fuite des compétences vers une autre société, l’employeur pourra utilement envisager l’insertion d’une clause contractuelle de dédit formation.
Cette clause entérine l’engagement du salarié de rester au service de l’entreprise pendant une certaine durée sous peine de devoir rembourser à son employeur les frais engagés pour sa formation.
Au-delà des risques encourus, l’entreprise a tout intérêt à s’engager dans la mise en œuvre d’une politique de formation, en ce qu’elle permet d’adapter sa force de travail aux transformations de son entreprise, et plus largement, à celles de son secteur d’activité. A ce titre, elle constitue donc un levier d’efficacité qui ne doit pas être négligé.
Article paru dans Les Echos le 23/04/2021
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