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La France allonge la durée de protection des droits voisins dans le secteur de la musique

La France allonge la durée de protection des droits voisins dans le secteur de la musique

Par la loi n° 2015-195 en date du 20 février 2015, la France a transposé la directive du 27 septembre 2011 modifiant la directive 2006/116/CE relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins.

Le régime antérieur de protection des droits voisins1 – déjà complexe – prévoyait, en application des directives 93/98/CE et 2001/29/CE, une durée de protection de 50 ans à compter :

1- pour les artistes interprètes :

  • de l’interprétation ou,
  • le cas échéant, du 1er janvier de l’année civile suivant la première des deux dates entre la mise à disposition (c’est-à-dire la vente d’un exemplaire matériel) ou la communication au public d’une fixation de cette interprétation2 ;

2- pour les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes :

  • de la première fixation ou,
  • le cas échéant, du 1er janvier de l’année civile suivant la mise à disposition ou la première communication au public de cette fixation ;

3- pour les entreprises de communication audiovisuelle : de la première communication au public de ses programmes.

La loi nouvelle vient notamment modifier l’article L.211-4 du Code de la propriété intellectuelle3. Elle complexifie encore le régime applicable puisque cet article prévoit désormais une durée de protection de 50 ans, sauf en cas de mise à disposition ou communication au public d’un phonogramme, auquel cas l’artiste à l’origine de l’interprétation concernée et le producteur à l’origine de la fixation de cette dernière bénéficient d’une protection de 70 ans après le 1er janvier de l’année civile suivante.

Cette modification est justifiée par l’allongement de l’espérance de vie, en conséquence de laquelle les droits voisins des artistes interprètes viennent dorénavant à échéance du vivant de ces artistes, à une période où ils n’ont généralement plus d’activité professionnelle. L’étude d’impact du projet de loi en date du 21 octobre 2014 précise que « la Commission justifie également l’allongement de la durée de protection par la nécessité d’améliorer la rentabilisation des investissements économiques réalisés par les producteurs de phonogrammes« , en rappelant le contexte de lutte contre la contrefaçon en ligne et de mise en place d’un nouveau modèle économique adapté à la diffusion en ligne.

L’allongement de la durée des droits voisins implique l’allongement subséquent de l’autorisation d’exploitation de son interprétation, donnée dans la plupart des cas contractuellement par l’artiste-interprète au profit du producteur de la fixation, « pour la durée des droits« . La loi introduit en conséquence les articles L.212-3-1 à L.212-3-4 du Code de la propriété intellectuelle, lesquels sont présentés comme la contrepartie de l’allongement de la durée de cette autorisation. En particulier, l’artiste-interprète peut, à l’issue des 50 premières années de protection, notifier au producteur son intention de résilier l’autorisation donnée lorsque celui n’exploite pas de manière satisfaisante l’interprétation, cette résiliation prenant effet en l’absence de changement de cet état de fait dans un délai de 12 mois4. La Commission indique que « de cette façon l’artiste pourrait, soit trouver un autre producteur qui serait prêt à commercialiser sa musique, soit le faire lui-même (par le biais de l’internet, par exemple)« .

La loi transpose également la directive 2012/28/UE du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des Å“uvres orphelines, permettant notamment aux bibliothèques accessibles au public de numériser et de mettre à la disposition de leurs usagers des Å“uvres de leurs collections (livres, revues, journaux, magazines ou autres écrits, ainsi que les Å“uvres cinématographiques et audiovisuelles) dont les titulaires des droits n’ont pas pu être retrouvés. Enfin, la loi transpose la directive 2014/60/UE du 15 mai 2014 relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État.

Notes

1 Les droits voisins sont attribués aux personnes non créatrices de l’Å“uvre mais vivant dans le voisinage de l’Å“uvre du fait de leur interprétation (artistes interprètes c’est-à-dire musiciens, chanteurs, acteurs, danseurs, etc.) ou de leur investissement technique ou financier (producteurs sur leurs phonogrammes ou vidéogrammes et entreprises de communication audiovisuelle sur leurs programmes).
2 Sous réserve que cette mise à disposition ou communication soit intervenue dans un délai de 50 ans à compter de l’interprétation, la durée du monopole recommence à courir à compter de ce nouveau point de départ.
3 De manière intéressante, et compte tenu de la date limite de transposition de la directive du 27 septembre 2011, l’ensemble du titre 1 de la loi entre en vigueur rétroactivement à la date du 1er novembre 2013.
4 La notification comme la résiliation sont toutefois soumises à des conditions de forme très strictes, posées par le décret n°2015-506 du 6 mai 2015.

 

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Julie Tamba, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et droit commercial