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La loi relative au dialogue social : que faut-il en retenir ?

La loi relative au dialogue social : que faut-il en retenir ?

La loi relative au dialogue social est, comme toutes les lois récentes en droit du travail, d’un accès difficile pour les Directeurs des ressources humaines : 20 pages au Journal Officiel, l’article 18 relatif aux attributions du comité d’entreprise en remplit à lui seul 7 et comporte 20 paragraphes…

Elle traite de nombreux sujets très techniques : délégation unique du personnel (DUP); accords dérogatoires en matière d’institutions représentatives du personnel (IRP); représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les IRP; information-consultation du comité d’entreprise ; thèmes de négociation annuelle obligatoire (NAO) ; possibilité d’accords dérogatoires dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, etc.

Avant de prendre un cachet d’aspirine pour essayer de comprendre ce que cette loi peut apporter à leur entreprise, les DRH ont tout intérêt à essayer de trouver une grille de lecture, une clé leur permettant de se retrouver dans ce maquis législatif.

L’échec de la négociation interprofessionnelle

Pour y arriver, il faut partir de la négociation interprofessionnelle qui a échoué.

On sait que le Gouvernement avait adressé le 29 juillet 2014 aux partenaires sociaux un document d’orientation, dans le cadre de l’article L. 1 du Code du travail, les invitant à négocier à la fois une amélioration et une simplification des institutions représentatives du personnel. Après quatre mois de négociation, celle-ci s’est traduite par un échec le 22 janvier 2015.

Mais, comme l’avait déjà montré l’expérience du Protocole social européen, l’échec d’une négociation interprofessionnelle ne veut pas dire qu’elle n’a servi à rien.

La négociation, même si elle a échoué, a permis, d’une part, de se mettre d’accord sur un constat partagé :

  • le décalage entre l’architecture des instances représentatives du personnel et son effectivité : la moitié des salariés n’a pas de représentants du personnel, soit que l’entreprise ait moins de 11 salariés, soit qu’il y ait carence des IRP; la protection actuelle apparaît beaucoup plus comme une protection virtuelle que comme une protection effective ;
  • l’opportunité, dans un contexte économique difficile, de mettre l’amélioration du dialogue social au service de la performance économique.

La négociation interprofessionnelle a mis, d’autre part, en évidence deux logiques contradictoires qui se sont affrontées sans que la négociation réussisse à les concilier :

  • la logique patronale d’un « bing bang social » avec la création d’une instance unique, le Conseil d’entreprise, regroupant les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT, qui, dans les entreprises de moins de 50 salariés, aurait pu également négocier des accords d’entreprise – c’est-à-dire en somme le vieux projet du Conseil d’entreprise du CJD des années 80 – avec la possibilité de revenir, par accord, aux instances actuelles ;
  • la logique syndicale, exactement inverse, consistant à conserver les institutions actuelles, quitte à les adapter à la marge, en laissant la possibilité aux entreprises de créer, par un accord majoritaire, une instance unique adaptée à la spécificité de leur situation.

Or, ces deux logiques se retrouvent l’une et l’autre dans la loi :

  • dans les entreprises de moins de 300 salariés, l’employeur peut mettre en place, de façon unilatérale, la nouvelle délégation unique du personnel qui est étendue aux entreprises de moins de 300 salariés (au lieu de 200) et inclut désormais le CHSCT;
  • dans les entreprises d’au moins 300 salariés, l’employeur peut négocier avec les organisations syndicales un accord majoritaire regroupant les institutions représentatives du personnel (délégués du personnel, comité d’entreprise, CHSCT), selon les modalités qui lui paraissent les mieux adaptées à l’entreprise : on permet à la négociation de faire, dans chaque entreprise, du « sur-mesure ».

La philosophie de la loi

Comme l’a souligné le Directeur Général du Travail, Mr Yves Struillou, lors d’une conférence organisée le 22 septembre dernier par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, la philosophie de la loi est d’instaurer un dialogue social rénové qui soit à la fois plus effectif, plus efficient et plus stratégique.

Un dialogue social plus effectif et moins formel : c’est le sens du regroupement :

  • des obligations d’information et de consultation récurrentes du comité d’entreprise : aux 17 obligations actuelles qui figurent dans le Code du travail, sont substituées, à compter du 1er janvier 2016, trois consultations annuelles portant sur les orientations stratégiques de l’entreprise, la situation économique et financière de l’entreprise et la politique sociale, les conditions de travail et d’emploi;
  • des obligations de négociation : aux 12 thèmes de négociation obligatoire qui figurent actuellement dans le Code du travail, sont substituées trois négociations seulement :
    o deux négociations annuelles, quel que soit l’effectif de l’entreprise : la négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée de l’entreprise (article L. 2242-5) et la négociation sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et la qualité de vie au travail (article L. 2242-8) ;
    o une négociation triennale sur la gestion des emplois et les parcours professionnels dans les entreprises d’au moins 300 salariés.

Un dialogue plus efficient :

  • en menant la consultation au niveau pertinent : c’est le sens des nouvelles dispositions sur l’articulation entre les compétences du comité central d’entreprise et du comité d’établissement (articles L. 2327-2 et L. 2327-15 du Code du travail).
    o Le comité central d’entreprise est seul consulté sur les projets décidés au niveau de l’entreprise qui ne comportent pas de mesures d’adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements ou lorsque les mesures de mise en œuvre des projets ne sont pas encore définies.
    o Les comités d’établissement, quant à eux, sont consultés sur les mesures d’adaptation des projets décidés au niveau de l’entreprise spécifiques à l’établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement. La chronologie des différents avis sera précisée par décret.

Le même travail de clarification des compétences est opéré entre le CHSCT et l’instance de coordination des CHSCT.

  • en s’efforçant d’éviter l’effet négatif d’une multiplication des consultations et les procédures judiciaires.

Un dialogue plus stratégique :

C’est ce qui explique que la consultation annuelle sur les orientations stratégiques portera également sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) et les orientations de la formation professionnelle.

Cette consultation, menée en principe au niveau de l’entreprise, pourra être menée au niveau du groupe.

Ainsi, la loi relative au dialogue social constitue une boîte à outils dans laquelle les entreprises pourront, selon leur taille, puiser à leur guise.

Elle ouvre des possibilités plus qu’elle n’impose des solutions : si les thèmes des négociations obligatoires actuelles sont regroupés, l’entreprise reste libre, selon les circonstances, de signer, sur chacun des blocs de négociation, un ou plusieurs accords. De même, si les consultations sont regroupées en trois blocs, le comité d’entreprise reste libre, s’il le souhaite, de se prononcer par un avis unique sur chacun de ces blocs ou de se prononcer, s’il préfère, par des avis distincts.

Cette loi ouvre, enfin, pour la première fois, la possibilité de négocier des accords dérogatoires en matière d’institutions représentatives du personnel, matière qui était considérée jusqu’ici comme faisant intégralement partie de l’ordre public social. De ce point de vue, la loi Rebsamen constitue une première application des préconisations du rapport Combrexelle.

 

Auteur

Olivier Dutheillet de Lamothe, avocat, Of Counsel, Département social.

 

La loi relative au dialogue social : que faut-il en retenir ? – Article paru dans Les Echos Business le 14 octobre 2015