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La mobilité intra-groupe aujourd’hui sécurisée

La mobilité intra-groupe aujourd’hui sécurisée

Les mutations de salariés sont fréquentes au sein des groupes de sociétés qui sont des espaces propices à la mobilité professionnelle. En pratique, ces mutations s’organisent souvent dans le cadre d’une convention conclue entre le salarié et ses deux employeurs successifs prévoyant la rupture du lien contractuel avec la société d’origine et la création d’un nouveau lien avec la société de destination. Dans un arrêt du 8 juin 2016 (n°15-17.555), la Cour de cassation est venue conforter cette pratique des conventions tripartites de transfert en écartant l’application du régime de la rupture conventionnelle.

L’inadéquation du régime de la rupture conventionnelle aux mutations intra-groupe

En posant pour principe que la rupture conventionnelle est, sauf exceptions prévues par la loi, exclusive de tout autre mode de rupture d’un commun accord du contrat de travail, la Cour de cassation avait, dans un arrêt du 15 octobre 2014 (n°11-22.251), rapidement suscité de nombreuses interrogations en matière de mutation intra-groupe.

En effet, dès lors que la convention tripartite de transfert fait apparaître la rupture d’un commun accord du contrat de travail initial, il pouvait être considéré, au regard de la décision de la Cour de cassation, que l’application des règles relatives à la rupture conventionnelle s’imposait.

Pour rappel, la rupture conventionnelle nécessite le respect d’un formalisme particulier incluant la tenue d’un entretien, un droit de rétractation de 15 jours et l’homologation de la convention de rupture par l’administration. Celle-ci ouvre par ailleurs droit pour le salarié au versement d’une indemnité de rupture au moins équivalente à l’indemnité de licenciement.

Les dispositions relatives à la rupture conventionnelle apparaissaient ainsi totalement inadaptées à la situation des mutations intra-groupe qui ont pour objectif principal de permettre au salarié de poursuivre son activité.

En pratique de nombreuses sociétés ont continué, malgré cette décision, à encadrer les mobilités intra-groupe de leurs salariés par des conventions tripartites, sans respecter le formalisme de la rupture conventionnelle. Afin d’éviter l’application de la jurisprudence de la Cour de cassation, il était recommandé d’éviter les termes de «rupture» de contrat et de privilégier la notion de «transfert», sans qu’un fondement juridique satisfaisant ait été identifié pour qualifier cette pratique1.

Le régime de la rupture conventionnelle n’est pas applicable en cas de mutation intra-groupe

C’est dans ce contexte que la question de la validité des conventions tripartites de transfert a fini par se présenter devant la Cour de cassation.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 juin 2016, une convention tripartite avait été signée afin de transférer le contrat travail d’une responsable administrative au sein d’une autre société d’un même groupe. Cette convention prévoyait notamment une reprise d’ancienneté et une absence de période d’essai. Après son licenciement, la salariée a contesté la validité de la rupture amiable du contrat initial, arguant que la rupture aurait dû respecter les dispositions légales relatives à la rupture conventionnelle.

La cour d’appel de Chambéry avait fait droit à cette demande en considérant que le premier contrat de travail aurait dû être rompu par le biais d’une rupture conventionnelle et qu’à défaut, la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision et souligne que les dispositions de l’article L.1237-11 du Code du travail relatives à la rupture conventionnelle ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail.

La note accompagnant la publication de cet arrêt sur le site de la Cour de cassation précise que cette décision n’est pas en contradiction avec l’arrêt susmentionné rendu le 15 octobre 2014 dans la mesure où il y a lieu de distinguer la convention organisant la rupture du contrat de travail et emportant la perte définitive de l’emploi de celle ayant pour objet de garantir la continuité de la relation de travail.

La rédaction de l’attendu de principe de la Cour de cassation laisse supposer que sa décision a vocation à s’appliquer aux mobilités intra-groupe, mais également aux transferts de salariés entre deux employeurs indépendants.

Les mutations intra-groupe demeurent à la recherche d’un régime juridique

Si la Cour de cassation a, par cet arrêt, incontestablement sécurisé la pratique des conventions tripartites de transfert, la question posée portait uniquement sur la nécessité ou non d’appliquer les règles relatives à la rupture conventionnelle. Ainsi, ni le contenu de la convention tripartite, ni sa qualification juridique n’ont été tranchés.

A cet égard, la reprise de l’ancienneté du salarié et l’absence de période d’essai en cas de similarité des fonctions sont, selon nous, des stipulations indispensables.

L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations pourrait, quant à elle, apporter un fondement juridique aux conventions tripartites de transfert. Elle introduit dans le Code civil la notion de cession de contrat en ces termes : «un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé (…) La cession doit être constatée par écrit à peine de nullité» (nouvel article 1216 du Code civil applicable à compter du 1er octobre 2016).

La cession de contrat pourrait constituer un instrument particulièrement intéressant dans le cadre des opérations de transfert de contrat de travail. L’avenir nous dira quel accueil la chambre sociale de la Cour de cassation lui réservera.

Note

1 Les notions de novation et délégation parfaite avaient notamment été évoquées, sans qu’elles apparaissent totalement adaptées.

Auteurs

Emilie Bourguignon, avocat en droit social.

Aurélie Parchet, avocat en matière de droit social

La mobilité intra-groupe aujourd’hui sécurisée – Article paru dans Les Echos Business le 23 juin 2016