La négociation et les accords de groupe après la loi travail : une ère nouvelle

5 octobre 2016
La loi du 8 août 2016 refonde le régime des accords de groupe : négociation, représentativité, valeurs et portée des accords.
Des perspectives réellement nouvelles s’ouvrent aux entreprises pour le dialogue social et l’évolution du droit conventionnel dans le groupe.
Essor des accords de groupe
440 accords de groupe ont été conclus en 2010, 781 en 2014. En outre, la négociation de groupe apparaît beaucoup plus qualitative que la négociation d’entreprise.
La créativité ou l’innovation sociale se révèle dans la négociation de groupe : on le mesure aux accords conclus sur l’emploi, la mobilité, l’égalité hommes-femmes, la diversité, le dialogue social ou la responsabilité sociale des entreprises, etc.
Faiblesse juridique du régime des accords de groupe
Pourtant, la reconnaissance de la négociation au niveau du groupe a été tardive et a relevé de la jurisprudence (cass. soc. 30 avril 2003) qui l’admettait en précisant toutefois qu’elle «ne se substitue pas à la négociation d’entreprise». Le législateur n’a pour sa part reconnu qu’assez récemment (loi du 4 mai 2004) la convention et l’accord de groupe.
Mais la loi a fait du niveau du groupe un niveau dégradé, tant en ce qui concerne le régime de la négociation collective que l’articulation entre l’accord de groupe et les accords conclus à d’autres niveaux.
Maturité progressive de la négociation de groupe
Pourtant le législateur a esquissé une évolution en donnant une place à la négociation au niveau du groupe : prévention de la pénibilité, contrats de génération, consultation relative aux orientations stratégiques.
Nécessité de promouvoir la négociation de groupe
Dix millions de salariés sont occupés dans des entreprises relevant de groupes de sociétés, de toute taille, qu’ils soient français ou étrangers. Le niveau du groupe est très souvent le lieu réel de la gouvernance, celui du partage du résultat économique et de la redistribution, celui de la mise en Å“uvre des politiques de l’emploi, de la protection sociale. Il est celui qui rassemble les négociateurs les plus avisés, donc les plus aptes à produire une norme conventionnelle innovante. La négociation à ce niveau méritait donc d’être favorisée.
La loi du 8 août 2016 et les accords de groupe
Une ère nouvelle devait s’ouvrir pour favoriser la négociation de groupe : la loi travail l’annonce.
Représentativité des organisations syndicales dans le groupe
La loi complète les dispositions relatives à l’appréciation de l’audience des organisations syndicales.
Pour renforcer la légitimité des accords et apprécier la représentativité dans le champ le plus adapté, la loi distingue désormais selon que le périmètre des entreprises ou établissements est ou non le même que celui de l’accord conclu au cours du cycle électoral précédant l’engagement des négociations.
Quand le périmètre n’est pas équivalent, la représentativité est appréciée par addition de l’ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections organisées dans les entreprises ou établissements compris dans le périmètre où l’accord a vocation à s’appliquer. La mesure de la représentativité s’opère donc en prenant en considération l’évolution du périmètre du groupe (cessions intervenues, etc.).
Information des organisations syndicales sur la négociation au niveau du groupe
Les organisations syndicales représentatives dans chacune des entreprises ou chacun des établissements compris dans le périmètre de l’accord de groupe doivent être informées préalablement de l’ouverture d’une négociation dans ce périmètre.
Désignation des coordinateurs syndicaux
La possibilité donnée aux organisations syndicales représentatives de désigner un ou plusieurs coordinateurs syndicaux de groupe choisis parmi les délégués syndicaux au sein du groupe est réservée aux organisations syndicales représentatives à l’échelle de l’ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de l’accord de groupe.
Négociation obligatoire au niveau du groupe
Toutes les négociations prévues au niveau de l’entreprise par la loi peuvent par principe être engagées, sous réserve de certaines adaptations, au niveau du groupe.
Un accord de méthode conclu au niveau du groupe peut disposer qu’une ou plusieurs des négociations obligatoires d’entreprises sont engagées au niveau du groupe, les obligations de négocier des entreprises en relevant étant présumées remplies sur les thèmes couverts par celui-ci. Les entreprises sont alors dispensées d’engager elles-mêmes des négociations sur ces thèmes.
Les entreprises sont également dispensées d’engager une négociation obligatoire lorsqu’un accord portant sur le même thème a été conclu au niveau du groupe.
Valeur juridique des accords de groupe
Leur validité sera soumise comme celle des accords d’entreprise à la règle majoritaire, les taux de majorité étant appréciés à l’échelle de l’ensemble des entreprises ou établissements compris dans le périmètre de l’accord.
Accords de groupe et dérogation aux accords conclus à d’autres niveaux
L’accord de groupe peut déroger à l’accord de branche sans que celui-ci le prévoie expressément. Il peut également se substituer aux accords d’entreprise ou d’établissement.
Lorsqu’un accord conclu dans tout ou partie d’un groupe le prévoit expressément, ses stipulations peuvent prévaloir sur celles ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord. Un accord de groupe, même s’il est moins favorable aux salariés, pourra donc primer sur les accords d’entreprise ou d’établissement.
Le nouveau régime permet en pratique de promouvoir, lorsque certains thèmes le justifient, la mise en œuvre d’un statut collectif commun à l’ensemble du personnel d’un groupe.
Auteur
Laurent Marquet de Vasselot, avocat associé en droit social et Professeur des Universités associé à Paris II.
La négociation et les accords de groupe après la loi travail : une ère nouvelle – Article paru dans Les Echos Business le 5 octobre 2016
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