La réalisation d’une prestation de services de la société mère en faveur de sa filiale n’est pas suffisante pour caractériser une situation de co-emploi
1 août 2017
Des contrats de prestations de services portant sur les activités « support » ou « transverse » (telles que la gestion des ressources humaines, la comptabilité, le conseil juridique, l’informatique) sont fréquemment conclus au sein des groupes de sociétés en vue de centraliser et d’harmoniser ces services. Ces contrats interviennent le plus souvent entre la société mère et les filiales et prévoient la nature des services ainsi que la contrepartie financière que la filiale doit verser pour en bénéficier. Dans certains cas, ces services sont proposés à l’ensemble des sociétés du groupe par une filiale dédiée.
Exploitant la nature de ces prestations, certains salariés ont tenté d’invoquer l’existence d’une telle convention, notamment à l’occasion de leur licenciement au sein de la filiale prestataire, pour caractériser l’implication importante de la société mère au sein de la filiale et, par voie de conséquence, l’existence d’une situation de co-emploi. Cette démarche visait à obtenir la condamnation solidaire de la société mère, plus solvable par définition. Cette argumentation a été rejetée par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 mars 2017. Avec pragmatisme, la Haute juridiction a confirmé que la qualification du co-emploi au sein d’un groupe doit être limitée à des situations exceptionnelles (Cass. soc., 7 mars 2017, n°15-16.865).
La Cour de cassation confirme son appréciation restrictive de la notion de co-emploi
Conformément à sa jurisprudence constante depuis l’arrêt de principe du 2 juillet 2014, pour la Cour de cassation, hors le cas de la subordination, la situation de co-emploi au sein d’un groupe suppose de caractériser « une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière » (Cass. soc., 2 juillet 2014, n°13-15.208 et autres).
Selon la Cour de cassation, la seule existence d’une convention de prestation de services entre sociétés d’un même groupe n’est pas de nature à établir l’existence d’une situation de co-emploi dès lors qu’elle participe à la mise en œuvre d’une politique de groupe et à la coordination des activités économiques des sociétés qui le constituent.
Néanmoins, le respect de certaines précautions s’impose en cas de recours aux conventions de prestations de services au sein d’un groupe
Au plan général, il convient d’être vigilant quant à la rédaction de la convention afin d’éviter la requalification du contrat de prestation de services en un contrat de prêt de main d’œuvre illicite : la prestation ne doit pas se limiter dans les faits à mettre à disposition du personnel laquelle ne doit demeurer qu’une modalité de son exécution.
S’agissant plus particulièrement des contrats conclus au sein d’un groupe, compte tenu de l’analyse globale des rapports entre la société mère et sa filiale, par l’étendue des services qu’il prévoit, le contrat de prestation de services ne doit pas avoir pour effet de priver la filiale de son pouvoir de décision. Dans une affaire précédente (Cass. soc., 6 juillet 2016, n°15-15.481, dit arrêt « 3 Suisses »), la Cour de cassation a en effet considéré qu’une prestation de services qui avait pour effet de priver la filiale de son pouvoir de recrutement, d’entraîner la prise en charge par la société mère de tout problème de nature contractuelle, administrative ou financière, y compris les démarches auprès du Parquet, caractérisait l’existence d’une immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale emportant la qualification d’une situation de co-emploi.
Malgré la généralisation des contrats de prestations de services au sein des groupes de sociétés en pratique, les conditions de mise en œuvre de ces opérations doivent être strictement contrôlées pour limiter les risques juridiques associés.
Auteur
Maïté Ollivier, avocat en droit social
A lire également
L’exécution loyale du contrat de franchise... 25 juillet 2017 | CMS FL
Protection renforcée pour les lanceurs d’alerte... 11 avril 2017 | CMS FL
Droit social : quand la RSE devient source d’obligations et d’opportunités ... 21 juin 2021 | Pascaline Neymond
Rupture des relations commerciales établies : efficacité de la clause compromi... 24 juillet 2017 | CMS FL
Les risques sociaux dans les opérations atypiques : les enjeux liés aux nouvel... 28 octobre 2022 | Pascaline Neymond
La raison d’être, une source de contraintes dans les opérations de fusion-ac... 23 décembre 2021 | Pascaline Neymond
Quid de la validité des « contrats cadres d’achat » ou des « conditions... 3 août 2017 | CMS FL
Le traitement social des réductions tarifaires accordées aux salariés... 7 janvier 2016 | CMS FL
Articles récents
- Titres-Restaurant : prolongation de la dérogation jusqu’au 31 décembre 2026
- Présomption de démission : attention à la rédaction du courrier de mise en demeure !
- Obligation de loyauté de la négociation collective : bonnes pratiques et points de vigilance
- Hamon : stop ou encore ?
- Apprentissage : le Gouvernement va reconduire l’aide pour les employeurs embauchant des apprentis
- La clause dite de conscience : outil de sécurisation des dirigeants d’entreprises familiales
- La convention d’assurance chômage est agréée
- Sécurité sociale : quelles perspectives pour 2025 ?
- L’intérêt à agir exclut la possibilité pour un syndicat professionnel de demander la régularisation de situations individuelles de salariés
- Présomption de démission en cas d’abandon de poste : les précisions du Conseil d’Etat sur le contenu de la mise en demeure