La réception du public incompatible avec l’usage exclusif de bureaux ?
On s’en doute : l’enjeu de savoir si les locaux loués relevaient du régime des locaux à usage exclusif de bureaux était celui de la fixation du loyer du bail de renouvellement. En effet, sauf cas particuliers justifiant un déplafonnement, le prix du bail de renouvellement est fixé par application de la variation indiciaire (la règle du plafonnement). Il en est cependant autrement pour le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux, lequel est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigé en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence (article L.145-11 du Code de commerce).
Au cas d’espèce, les locaux étaient loués à usage de « location de bureaux et de domiciliation d’entreprises, de salles de réunion de l’hôtel adjacent » et ils n’ont pas été qualifiés de locaux à usage exclusif de bureaux. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre la décision d’appel qui avait déduit que les locaux n’étaient pas à usage exclusif de bureaux après avoir relevé que la destination contractuelle permettait la réception de public dans la salle de réunion en vue d’activités diverses organisées par la société locataire pour ses clients et que l’usage de cette salle, non exclusivement limité à l’exercice d’activités intellectuelles, ne se concevait pas sans la présence de la clientèle, nécessaire à l’activité elle-même (Cass. 3e civ., 7 décembre 2017, n°16-14.969).
L’arrêt peut surprendre car, en l’absence de définition légale de la notion de « bureau », la Cour de cassation a jusque-là adopté une définition extensive de cette notion en mettant en avant le caractère intellectuel de l’activité exercée dans les locaux loués, assimilant ainsi à des locaux loués à usage exclusif de bureaux non seulement les locaux destinés à l’exercice d’activités administratives, mais également tous les locaux affectés à la réception de la clientèle dès lors qu’ils ne servaient ni au dépôt ni à la livraison de marchandises (en ce sens, Cass. 3e civ., 25 février 1976, n°75-10.613 ; Cass. 3e civ., 7 avril 1994, n°92-16.280).
C’est ainsi que les agences bancaires sont assimilées à des locaux à usage exclusif de bureaux en raison d’une activité bancaire, essentiellement d’ordre comptable, administratif ou juridique, sans que la réception de clients affecte cette qualification (Cass. 3e civ., 13 novembre 1986, n°84-11.778 ; Cass. 3e civ., 8 janvier 1997, n°94-21.384).
En l’occurrence, le pourvoi argumentait sur le caractère intellectuel de l’activité en soutenant, d’une part, que ce caractère intellectuel importait peu dès lors qu’il n’y avait ni dépôt ni livraison de marchandises et, d’autre part, que l’usage d’une salle de réunion est limité à l’exercice d’une activité intellectuelle à la différence d’une salle de réception ou d’une salle de jeux.
Ces arguments n’ont pas fait mouche. S’agit-il pour autant d’un revirement de jurisprudence ? Cela n’est pas certain. Outre que cette décision ne fera pas l’objet d’une publication au Bulletin, dans cette affaire, la Cour d’appel avait relevé que la réception de la clientèle était nécessaire à l’activité elle-même. Or, l’activité d’enseignement, pourtant de nature intellectuelle, n’est pas davantage considérée comme une destination à usage exclusif de bureaux dans la mesure où l’essentiel des locaux est affecté à la réception du public (en ce sens, Cass. 3e civ., 17 juillet 1987, n°86-11.688 ; TGI Paris, 29 avril 1997, n°96/15460). En d’autres termes, lorsque la réception du public est inhérente à l’activité elle-même, elle empêcherait de retenir la qualification de locaux à usage exclusif de bureaux, nonobstant l’exercice de prestations intellectuelles.
Auteur
Brigitte Gauclère, avocat counsel, droit commercial, droit de la distribution et immobilier