La réforme des impôts de production en fiscalité locale : les entreprises la rêvaient depuis si longtemps !
Alors que la crise créée par la Covid 19 commence à peser sur les résultats des entreprises, le Gouvernement a introduit dans la loi de finances pour 2021 plusieurs mesures réduisant drastiquement des impôts critiqués par les entreprises et dont elles sont redevables indépendamment de leur niveau d’activité.
La fiscalité locale a toujours cristallisé les critiques de la part des contribuables. Lourds et compliqués, ces impôts frappent les moyens de production indépendamment du niveau d’activité des entreprises de sorte qu’elle est considérée de tous temps comme freinant l’investissement et l’emploi.
De quoi-parlons-nous ? De la taxe foncière, de la cotisation foncière des entreprises (CFE), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de la TASCOM, des IFER, etc. La liste pourrait être longue. Face à ces impôts, les critiques n’ont jamais changé malgré les réformes engagées successivement.
A chaque fois, les reproches restent les mêmes puisque les impôts frappent toujours directement ou indirectement les facteurs de production, de sorte que les nouveaux impôts réformés finissent par subir les mêmes critiques.
Force est de constater que la patente, la taxe professionnelle et la CFE frappent les investissements immobiliers dont disposent les contribuables. Certes la réforme de 2010 a permis d’exclure les matériels comme la réforme de 1998 avait supprimé la masse salariale. Pour autant, et malgré les réformes évoquées ci-dessus, ces deux facteurs de production restent imposés.
En effet, la CVAE les frappe toujours, à défaut de pouvoir minorer la valeur ajoutée à raison des dotations aux amortissements constatant la dépréciation des immobilisations et des salaires chargés.
S’il est compliqué de réformer en France, cela est encore plus vrai lorsque l’on vise les impôts locaux. La raison en est très simple et tient au fait qu’ils constituent les ressources principales des collectivités locales. Toucher aux impôts locaux, c’est amputer le pouvoir des collectivités locales et leur autonomie financières.
Les annonces gouvernementales incluses dans le projet de loi de finances ont donc satisfait les entreprises tout en inquiétant les collectivités locales.
Si la suppression de la C3S avait été évoquée, le Gouvernement a choisi d’agir sur la fiscalité locale.
a) Une réduction de moitié de la CVAE
La part de la CVAE attribuée actuellement aux Régions serait purement et simplement supprimée, et cette réduction serait compensée par une part de la TVA. Il semble que les négociations entre le Gouvernement et les Régions aient satisfait ces dernières, rendant possible cette partie de la réforme.
Ainsi, le taux de CVAE actuellement fixé à 1,5 % serait réduit à 0,75 %. Pour les sociétés ou groupes dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 M€, ce taux est déjà réduit par l’application du mécanisme dit du « dégrèvement barémique ». Le projet de loi de finances conduit également à réduire de moitié les taux intermédiaires dans les mêmes proportions. Le dégrèvement appliqué d’office aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 2 M€ passe de 1.000 € à 500 € et la cotisation minimum forfaitaire de CVAE est également réduite de moitié. En revanche, la réforme ne devant pas impacter les Chambres de Commerces et d’Industries (CCI), le taux de la taxe additionnelle fixée actuellement à 1,73 % passera à 3,46 %. Enfin, le seuil de 500 K€ de chiffre d’affaires en dessous duquel une entreprise n’est pas assujettie à la CVAE est conservé.
Cette modification de la CVAE, applicable dès 2021, se traduira par une baisse de moitié des acomptes dus les 15 juin et 15 septembre 2021. Ces acomptes devant être calculés sur la base de la valeur ajoutée 2020, la baisse des résultats de cette année provoqués par la Covid 19 devrait également s’inviter au débat et se traduire par une réduction des sorties de trésorerie des entreprises lors des acomptes.
Contrairement aux craintes soulevées par certains, cette réforme ne s’accompagne pas d’une révision des mécanismes de détermination de la valeur ajoutée qui restent identiques.
Nous aurions aimé que cette réforme soit également l’occasion d’envisager le report en avant des valeurs ajoutées négatives comme cela existe de tout temps en matière d’impôt sur le résultat fiscal. Cette absence de mécanisme de report de la valeur ajoutée pouvait se comprendre lorsque cet agrégat servait uniquement à encadrer la taxe professionnelle (plafonnement à 3,5 % et cotisation minimale à 1,5 %). Cela semble plus discutable dès lors que la valeur ajoutée est devenue une véritable base d’imposition.
b) L’évaluation foncière des locaux industriels pour la TF et la CFE
Dans un premier temps, la suppression de la méthode comptable propre aux immeubles à usage industriel a été à l’étude. Cette méthode instaurée lors de la révision cadastrale de 1970 avait pour objet de limiter la charge fiscale des industriels. Mais avec le temps, cette méthode s’est avérée plus onéreuse que celle prévue pour les locaux non industriels.
L’évaluation comptable étant fonction du prix de revient des terrains et immeubles inscrits au bilan (valeur foncière égale à 8 % dudit prix de revient d’origine), tous les travaux engagés par les industriels ont pour effet de majorer leur valeur locative. Une telle méthode a conduit de nombreuses entreprises à s’interroger sur l’opportunité d’engager de travaux de maintien en l’état des immeubles ou de mise aux normes.
La requalification des entrepôts de logistique en immeubles industriels a exacerbé les tensions causées par l’application de cette méthode. Cette fois, une action positive et claire est proposée aux industriels.
Le taux d’intérêt actuel de 8 % passera à 4 %, de sorte que mécaniquement la valeur foncière sera réduite de moitié. Il faut reconnaître que figer un taux à 8 % alors qu’il devrait représenter globalement le taux des placements immobiliers est quelque peu élevé de nos jours. Il faut également noter que l’abattement de 30 % applicable en CFE est conservé.
Les entreprises n’auront rien à faire et ce sont les services fiscaux qui devront recalculer les nouvelles valeurs foncières. Il existe de nombreuses difficultés d’application tenant aux différences de taux entre les immeubles acquis avant ou après 1976, ceux ayant subis des opérations de restructurations (fusions, apports, scissions, cessions d’établissement), ceux acquis à l’expiration d’une opération de crédit-bail, etc.
Dans ces cas complexes, il sera important d’apporter une attention toute particulière aux nouvelles bases figurant sur les avis de taxe foncière et de CFE 2021.
Pour ceux exploitant des immeubles concernés par cette réforme, l’impact sera visible dès le paiement des acomptes de CFE 2021 au 15 juin prochain. Ce dernier fixé à 50% de la CFE 2020 passera à 25 %.
Bien évidemment, une telle réforme ne peut être envisagée qu’au prix d’une compensation des collectivités locales à raison de la taxe foncière ou de la CFE que les entreprises cesseront d’acquitter à compter de l’année prochaine. Le projet prévoit ainsi une compensation quasi intégrale.
La compensation allouée aux collectivités locales est très large puisque même les taxes grevant les constructions nouvelles édifiées postérieurement à la réforme seront également compensées.
Nous nous interrogeons sur la pertinence de la procédure d’actualisation des valeurs foncières contenue dans le projet. Ainsi, les locaux industriels seront actualisés en fonction d’indices très éloignés du marché des locaux industriels. On peut regretter ce point.
c) Pour accompagner ces baisses de CVAE et de CFE, le mécanisme du plafonnement de la CET particulièrement applicable aux industriels est revu
Pour éviter que les réductions d’impôts visées ci-dessus ne s’évaporent dans la perte du dégrèvement plafonnement, le taux actuel de 3 % sera réduit à 2 %.
Ainsi, à compter de 2021, un dégrèvement pourra être demandé si la somme de la CVAE et de la CFE, hors taxe additionnelle au profit des CCI, excède 2 % de la valeur ajoutée.
d) Création d’une nouvelle exonération de CFE pour création ou extension d’établissements
Enfin, le projet de loi de finances offre la possibilité aux collectivités locales de développer le maillage économique de leur territoire.
Il s’agit d’une exonération de trois ans, sous réserve de l’adoption d’une délibération des collectivités locales bénéficiaires de la CFE. L’intérêt de ce mécanisme est sa portée générale, sans limitation en fonction de la nature de l’activité exercée ou de critères chiffrés à respecter (investissements, emplois).
Il s’agit donc d’un outil puissant permettant aux collectivités d’attirer des entreprises et d’encourager leur implantation en réduisant leur charge fiscale des trois premières années.
Il a fallu 10 ans de CET pour aborder une nouvelle étape de la fiscalité locale. Il ne faut pas bouder sa joie de constater une véritable baisse des impôts de production en cette période où la crise engendrée par la Covid 19 va sans doute être terrible.
Auteurs
Laurent Chatel, Avocat associé en droit fiscal
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