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La règlementation protectrice du statut d’agent commercial est-elle une loi de police ?

La règlementation protectrice du statut d’agent commercial est-elle une loi de police ?

Le 5 janvier 2016, la Chambre commerciale de la Cour de Cassation a rendu, en matière d’agence commerciale, un arrêt important sur la qualification de loi de police.

En l’espèce, un contrat d’agence commerciale avait été conclu entre un agent personne physique et une société mandante française (ArcelorMittal Revigny). L’agent bénéficiait d’un mandat de représentation et de commercialisation exclusif sur le territoire allemand. La société mandante résilia le contrat d’agence et l’agent l’assigna en paiement de diverses sommes dont l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 134-12 du Code de commerce.

La Cour d’appel suivit l’argumentaire de la société mandante et jugea que la loi allemande, loi d’autonomie choisie par les parties, était la loi applicable au litige. L’agent forma un pourvoi devant la Cour de cassation en soutenant que la loi du 25 juin 1991 (transposant la directive 86/653 du 18 décembre 1986 relative à l’agence commerciale) était une loi protectrice d’ordre public interne qui devait s’appliquer.

La Cour de cassation rejette ce moyen en énonçant que « la loi du 25 juin 1995, codifiée aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, loi protectrice d’ordre public interne, [n’est] pas une loi de police applicable dans l’ordre international » (Cass. com., 5 janvier 2016, n°14-10.628).

De cette manière, la Haute juridiction revient à sa position antérieure (CJUE, 9 novembre 2000, C-381/98) et Unamar (CJUE, 17 octobre 2013, C-184/12), la CJUE caractérise le régime de l’indemnité de fin de contrat due à l’agent commercial de « loi de police communautaire » et permet au juge national saisi d’évincer la lex contractus au profit de son propre droit national si le test comparatif prescrit par la Cour l’y autorise.

Cependant, une analyse plus approfondie de ces solutions laisse entrevoir une certaine cohérence entre les décisions françaises et européennes. En l’espèce, les juges français étaient en présence d’un litige intra-communautaire et de deux droits qui transposent la même directive. Il est donc légitime de penser qu’ils ont appliqué le test comparatif prescrit par l’arrêt Unamar et considéré que la protection offerte par les articles L.134-1 et suivants du Code de commerce ne revêtait pas les caractéristiques propres à justifier l’éviction du droit allemand dans un litige où l’agent exerçait l’intégralité de ses activités en Allemagne.

En outre, tout en reconnaissant le statut de loi de police à la loi de transposition de la directive, l’arrêt Unamar ajoute que l’éviction de la lex contractus (ici la loi allemande) au profit de la lex fori (ici la loi française) suppose également que l’Etat membre du for en décide ainsi en érigeant cette loi en norme nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts publics.

Néanmoins, la position de la Cour de cassation peut sembler contestable dans la mesure où l’indemnité de fin de contrat allouée en vertu du droit français (qui est généralement de deux ans de commissions) est plus avantageuse pour l’agent commercial que celle octroyée par le droit allemand (qui est fixée à une année de commissions). A cet égard, l’absence de toute publication officielle de cette décision témoigne de ce que la Cour de cassation n’entend pas faire de cet arrêt un arrêt de principe.

Ce n’est donc pas cette décision inédite qui mettra fin aux questionnements relatifs au statut de loi de police des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce et il faudra attendre une nouvelle décision de notre Haute juridiction pour connaître son positionnement ferme et définitif sur cette question. S’agit-il d’une résistance de nos juridictions à la doctrine européenne ou d’une application approfondie et implicite de la jurisprudence Unamar ?

Une unification du régime communautaire et français en faveur de la reconnaissance du caractère de loi de police de la loi du 25 juin 1991 aurait le mérite de la clarté et de la prévisibilité. Cela éviterait également d’introduire une dichotomie de traitement entre les litiges intra-communautaires et extra-communautaires. Pour l’heure, la Cour de cassation ne paraît pas emprunter cette voie…

Auteurs

Stéphanie de Giovanni, avocat en droit commercial et contrats internationaux.

Aliénor Fèvre, avocat en droit commercial et contrats internationaux.