La signification de la déclaration d’appel à une adresse erronée du salarié emporte-t-elle caducité de la déclaration d’appel ?
19 avril 2022
La signification de la déclaration d’appel à une adresse erronée du salarié emporte-t-elle caducité de la déclaration d’appel ?
C’est à cette question qu’a répondu le conseiller de la mise en état (CME) près la cour d’appel de Versailles, dans une décision rendue le 3 mars 2022 (n°21/03404), dans une affaire suivie par le Cabinet CMS Francis Lefebvre qui assurait la défense de l’employeur.
Les faits de l’espèce
Le 30 avril 2021, la société a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency aux fins de contester les conclusions écrites du médecin du travail concernant un salarié.
Aux termes d’une ordonnance en date du 8 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :
-
- dit n’y avoir lieu à référé et invité la société demanderesse à mieux se pourvoir devant le juge du fond,
-
- débouté la société demanderesse de ses chefs de demandes,
-
- débouté le salarié de sa demande reconventionnelle.
Le 16 novembre 2021, il a été interjeté appel de l’ordonnance ainsi rendue au nom et pour le compte de ladite société.
Le 22 novembre 2021, le greffe a transmis à l’avocat de la société un avis de fixation de l’affaire à bref délai.
Conformément aux dispositions de l’article 905-1 du Code de procédure civile, celui-ci a fait procéder à la signification de la déclaration d’appel au salarié, qui n’avait pas constitué avocat, par acte d’huissier de justice en date du 30 novembre 2021.
L’acte a été délivré selon les modalités prévues par l’article 659 du Code de procédure civile (applicable en cas d’adresse de domicile inconnue).
Conformément aux dispositions de l’article 905-2 du même Code, l’avocat de la société a remis ses conclusions d’appel au greffe le 19 décembre 2021.
Le salarié n’ayant toujours pas constitué avocat, les conclusions lui ont, conformément aux articles 905-2 et 911 du Code de procédure civile, été signifiées à la nouvelle adresse dont il avait informé la société.
L’acte de signification des conclusions, en date du 28 décembre 2021, a été remis au salarié.
Ce dernier a constitué avocat le 19 janvier 2022.
L’avocat du salarié a déposé des conclusions d’incident devant le conseiller de la mise en état aux fins de voir notamment :
-
- prononcer la caducité de la déclaration d’appel formée par la société,
-
- rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions de la société,
-
- condamner la société à la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Il a, le même jour, conclu au fond.
Au soutien de sa demande tendant à la caducité de la déclaration d’appel, l’avocat du salarié soutenait notamment, en se fondant sur les articles 905 et 905-1 du Code de procédure civile :
-
- que la société avait en réalité parfaitement connaissance de l’adresse du domicile du salarié lors de la signification intervenue le 30 novembre 2021 ;
-
- qu’en effet le salarié a avisé son employeur le 29 octobre 2021 de son changement d’adresse selon les procédures applicables au sein de l’entreprise et ainsi signalé sa nouvelle adresse sur le logiciel exploité ;
-
- que la société a d’ailleurs mentionné cette nouvelle adresse sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2021 établi le 24 novembre 2021 ;
-
- qu’ainsi, la signification sur la base de l’article 659 du Code de procédure civile au motif d’une adresse de domicile inconnue n’était pas régulière, ni justifiée ;
-
- que la société ne justifiait pas dès lors avoir procédé à la signification de la déclaration d’appel dans les délais requis ;
-
- qu’il y avait lieu en conséquence pour le CME de prononcer la caducité de la déclaration d’appel formée par la société.
Les avocats de la société ont soutenu pour leur part, notamment :
-
- que la caducité de la déclaration d’appel, faute de notification par l’appelant de ses conclusions à l’intimé dans le délai imparti par l’article 911 du Code de procédure civile, ne pouvait être encourue en raison d’une irrégularité de forme affectant cette notification qu’en cas d’annulation de cet acte sur la démonstration par le salarié du grief que lui a causé l’irrégularité (cf. notamment Cass. civ. 2ème 16 octobre 2014, n°13-17.999 ; Cass. civ. 2ème 4 novembre 2021, n° 20-13.568).
-
- et que dès lors que le salarié a été en mesure de conclure au fond dans le délai qui lui était imparti, il ne démontrait aucun grief s’agissant de la signification de la déclaration d’appel à son ancienne adresse.
La solution dégagée par le CME près la CA de Versailles
Le CME a rejeté les demandes du salarié.
Il a, pour ce faire, jugé notamment que :
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- la caducité de la déclaration d’appel ne peut être encourue, en raison d’une irrégularité de forme affectant sa notification, qu’en cas d’annulation de cet acte impliquant la démonstration, par celui qui l’invoque, du grief que lui a causé l’irrégularité,
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- si l’acte de signification du 30 novembre 2021 a été adressé au salarié à son ancienne adresse, il s’est déduit des pièces produites aux débats que le salarié a été destinataire de la copie de l’acte de signification de la déclaration d’appel qui lui a été transmise par voie postale conformément aux dispositions de l’article 659 du Code de procédure civile, alors qu’est produite la lettre qu’il a reçue de l’étude d’huissier de justice en date du 30 novembre 2021,
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- le salarié a ensuite été destinataire de l’acte de signification de conclusions et des conclusions de la société par exploit d’huissier du 28 décembre 2021, ledit acte ayant été délivré à personne à sa nouvelle adresse.
-
- le salarié a de ce fait été parfaitement informé de la procédure d’appel engagée par la société ainsi que du calendrier de procédure et des conclusions de ladite société, ce qui l’a d’ailleurs conduit à conclure en réponse dans le délai qui lui était imparti par l’article 905-2 du Code de procédure civile.
Le CME en a déduit qu’en l’absence de justification d’un grief, l’acte de signification du 30 novembre 2021 n’encourait pas l’annulation, ni a fortiori la caducité, de l’appel.
Le salarié n’a pas cru devoir déférer cette décision du CME devant la cour d’appel de Versailles.
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