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La société de libre partenariat : une fiscalité attractive

La société de libre partenariat : une fiscalité attractive

Inspiré du dispositif des sociétés en commandite spéciale (SCSp) luxembourgeoises l’introduction, par la récente loi Macron1 d’une nouvelle forme de fonds professionnels spécialisés désignée sous le vocable de « société de libre partenariat » (SLP), répond largement aux préoccupations des acteurs du capital-investissement.
La SLP offre une alternative efficace à certains véhicules d’investissement européens2 que les investisseurs, et en particulier les institutionnels étrangers, préféraient adopter notamment pour répondre à leur souci, légitime, d’être informés et consultés lors des différents stades de la vie du fonds.

L’objectif poursuivi ne pouvait être atteint sans que soit assurée une neutralité fiscale à l’interposition, entre les investisseurs et les actifs, de la structure SLP laquelle, revêtant obligatoirement la forme juridique d’une société en commandite simple, à défaut de disposition dérogatoire, eut été assujettie aux impôts du commerce sur la part de ses résultats revenant aux associés commanditaire (article 206-4 du CGI).

L’article 1655 sexies A nouveau du CGI remédie à cette situation en transposant à la SLP, et à ses associés, les règles fiscales applicables aux fonds professionnels de capital investissement constitués sous la forme de fonds commun de placement.

L’imposition des résultats de la SLP

La SLP échappe à toute imposition au titre du résultat bénéficiaire quelle que puisse être, par ailleurs, la composition de son actif (sous réserve néanmoins que les actifs détenus entrent dans les prévisions de l’article L 214-154 du Code monétaire et financier), et les distributions-répartitions opérées sont placées hors du champ de la contribution de 3% additionnelle à l’impôt sur les sociétés.

L’imposition des associés n’intervient qu’au moment de la mise en paiement des sommes réparties par la SLP, sous l’importante réserve du mécanisme de taxation, au taux plein, des écarts de valeur liquidative issu de l’article 209-0 A du CGI, applicable aux associés personnes morales (mécanisme auquel échappent les associés des SLP dont l’actif est représenté en valeur réelle à 90% au moins par des actions de sociétés européennes soumises à l’IS, ainsi que les entreprises exerçant majoritairement leur activité dans le secteur de l’assurance sur la vie ou de capitalisation).

Néanmoins, l’atteinte par la SLP du quota juridique de l’article L 214-28 du Code monétaire et financier et du « quota fiscal » prévu à l’article 163 quinquies B du CGI permet aux associés qui conserveraient leurs titres pendant 5 ans au moins d’échapper à cette taxation anticipée et leur octroie, en outre, les mêmes avantages que ceux qui s’attachent aux répartitions d’avoirs des FPCI (article 38-5-2° du CGI).

La faculté, ainsi offerte aux SLP (par l’insertion de l’article L 214-162-11 au Code monétaire et financier) d’opérer sous forme de répartition d’avoirs (opération qui doit être réalisée, en tout cas dans les cinq premières années, sans destruction des parts), plutôt que par distribution de dividendes (lesquels sont taxables dès le premier euro au taux normal de l’impôt sur les sociétés), conduit à rendre applicable le taux réduit de 15% sur les sommes excédant le prix de revient des parts reçues par l’investisseur personne morale plus de 2 ans après la dernière libération du capital social, voire à une exonération totale (sans aucune quote-part de frais et charges réintégrable) lorsque, après expiration du délai de 2 ans, la SLP prélève sa répartition sur le prix de cession de titres de participation (titres représentant 5% du capital social que la SLP a conservé 2 ans au moins).

L’imposition des plus-values sur les parts de SLP

Quant aux plus-values consécutives à la cession par les investisseurs de leurs titres ou au rachat suivi de leur annulation par la SLP, elles bénéficient également, à condition là encore d’avoir conservé les titres 5 ans au moins, du même mécanisme de transparence que les répartitions d’avoirs et sont par conséquent exonérées (taux 0%), en vertu de l’article 219 I a sexies 2 du CGI, à concurrence de la fraction du gain correspondant à la partie de l’actif (réel) de la SLP représentée par des « titres de participation« , la fraction excédentaire étant taxée à 15% conformément à l’article 219 l a ter du CGI (y compris pour la part de la plus-value trouvant son origine dans les dividendes et intérêts perçus par la SLP et non encore distribués).

Les associés personnes physiques qui prendraient l’engagement de conservation pendant 5 ans des parts souscrites seraient, toujours sous la condition d’atteinte du quota fiscal par la SLP, exonérés d’impôt sur le revenu aussi bien à raison des sommes reçues de la SLP (avec comme condition de l’exonération l’obligation de réinvestir les sommes reçues dans les 5 ans dans la société, le cas échéant par voie de compte courant bloqué) qu’au titre des plus-values consécutives à la cession des parts.

L’émission par les SLP de parts de « carried interest« 

Enfin, la SLP est autorisée, en vertu de l’article L. 214-162-8 Il du Code monétaire et financier, à émettre, au profit des personnes physiques (ou morales) en charge de la gestion des investissements, des parts dites de « carried interest » donnant lieu à des droits financiers différents de ceux des parts souscrites par les investisseurs financiers. Sous certaines conditions tenant, pour l’essentiel, à la durée de conservation (5 ans) des parts de « carried interest » souscrites ou acquises et à l’effort capitalistique à consentir par l’équipe de gestion lors de la souscription (en principe 1% minimum des souscriptions reçues par la SLP), les porteurs personnes physiques relèvent du régime fiscal de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux (article 150-0A 8 du CGI) sur les gains consécutifs aux distributions d’une fraction des actifs par la SLP ou sur les cessions/rachats de leurs parts, (avec application, en matière d’impôt sur le revenu des abattements pour une durée de détention -50% ou 65%- prévus à l’article 150-0 D 1 ter du CGI).

Observons à cet égard que la faculté offerte, par les dispositions de l’article R 214-32-40 du Code monétaire et financier applicables à l’ensemble des fonds professionnels spécialisés, à la SLP de recourir à l’endettement sans limitation de levier conduit à réduire à due concurrence l’effort capitalistique à consentir par les membres de l’équipe de gestion.
La fiscalité des investisseurs non-résidents

Les non-résidents, qu’il s’agisse d’associés personnes physiques ou personnes morales, ne sont susceptibles d’être imposés en France – en vertu de l’article 244 bis B du CGI (en principe au taux de 45%) – qu’en présence d’une répartition d’avoirs (la cession des parts à un tiers demeurant hors du champ d’application de la loi française) et sous réserve que l’investisseur détienne (ou ait détenu au cours des 5 années précédant l’opération) au travers des parts qu’il possède dans la SLP plus de 25% des droits aux bénéfices d’une participation figurant à l’actif de la société. En pareille occurrence, nombre de conventions bilatérales retirent à la France le droit d’imposer la plus-value réalisée, et ce avant tout examen de la portée des quelques conventions (Italie, Espagne par exemple) qui préservent le droit pour la France d’appliquer l’article 244 bis B en cas de cession de « participations substantielles« , les répartitions d’avoirs sans annulation des parts n’étant, a priori, pas susceptibles d’être regardées comme valant « aliénation » au sens conventionnel.

La transformation en SLP

Le législateur a souhaité, enfin, faciliter la transformation des fonds d’investissement alternatifs existants (FPCI, SICAV…) en SLP par l’introduction, dans le Code monétaire et financier, de l’article L 214-162-12 aux termes duquel « Les FIA… peuvent se transformer sans dissolution en société de libre partenariat dans les conditions définies par les statuts ou le règlement du FIA« .

L’objectif est bien d’assurer une neutralité parfaite de sorte que la transformation n’emporte aucune conséquence fiscale, non seulement à l’égard du véhicule transformé, mais également s’agissant de ses membres qui demeurent éligibles aux dispositifs fiscaux dérogatoires au droit commun sous lesquels ils s’étaient initialement placés (en particulier le délai de détention demeure décompté de la date à laquelle les titres initiaux étaient entrés dans leur patrimoine).

Notes

1 Article 145 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, voir également La lettre des fusions-acquisitions et du private equity, Option finance, Lundi 5 octobre 2015, p. 7.
2 La SCSp, le limited partnership anglais.

 

Auteur

Pierre Le Roux, avocat associé en matière de fiscalité directe.

 

La société de libre partenariat : une fiscalité attractive – Article paru dans le magazine Option Finance le 19 octobre 2015