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La suppression de la livraison à soi-même d’un immeuble neuf : un caillou en moins dans les chaussures des entreprises !

La suppression de la livraison à soi-même d’un immeuble neuf : un caillou en moins dans les chaussures des entreprises !

Bon nombre d’avocats fiscalistes ont eu l’occasion d’alerter de déclarer une livraison à soi-même au titre d’un immeuble neuf affecté à leur activité professionnelle. Ce dispositif, souvent obscur pour le chef d’entreprise ou les directions financières des groupes, vise l’opération par laquelle un assujetti à la TVA construit ou fait construire un immeuble neuf sur un terrain à bâtir ou sur un immeuble existant dont il dispose quelle que soit sa destination.

Il faut rappeler qu’un immeuble est considéré comme neuf lorsqu’il est achevé depuis moins de cinq ans qu’il résulte d’une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui l’ont rendu à l’état neuf1.

La loi de simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014 (loi n°2014-1545) publiée au Journal Officiel le 21 décembre 2014 est venue réformer ce dispositif concernant les assujettis déducteurs intégraux, c’est-à-dire les assujettis dont le coefficient de déduction est de 100%.

Jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, un assujetti déducteur intégral de la TVA devait, dans les deux ans suivant l’achèvement de l’immeuble neuf constater, une livraison à soi-même.

La base d’imposition de la livraison à soi-même était constituée par le prix de revient total de l’immeuble (coût du terrain, des travaux, frais financiers, taxes acquittées à raison de la construction de l’immeuble,…). Cet assujetti pouvait déduire l’intégralité de la TVA afférente à la livraison à soi-même de sorte que l’opération était totalement neutre. Des obligations déclaratives (souscription d’une déclaration spéciale d’achèvement et constatation de la livraison à soi-même dans la déclaration de chiffre d’affaires) devaient être respectées à défaut de quoi les Services vérificateurs étaient en mesure d’appliquer une amende spécifique de 5% de la TVA déductible2.

Cette amende n’était toutefois pas appliquée en cas de régularisation spontanée du contribuable avant toute action de l’administration fiscale3.

Sous l’impulsion du droit communautaire, l’article 32 de la loi de simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014 supprime l’obligation de constater la livraison à soi-même d’un immeuble pour les assujettis déducteurs intégraux modifiant ainsi la rédaction de l’article 257 I du Code général des impôts.

Cette initiative du législateur est donc bienvenue puisqu’elle allège les entreprises d’obligations déclaratives relativement lourdes pour des opérations sans impact financier.

Cette suppression s’applique aux immeubles livrés depuis le 22 décembre 2014.

Il convient de remarquer que l’article 32 de la loi précitée modifie également l’article 257 II.2° du Code général des impôts qui vise les travaux immobilisés c’est-à-dire les travaux d’amélioration et d’aménagement ainsi que les agencements commerciaux. Ainsi, les assujettis déducteurs intégraux qui réalisent ce type de travaux n’auront plus à constater de livraison à soi-même.

Le dispositif de la livraison à soi-même d’un immeuble neuf ou de travaux immobilisés est en revanche maintenu pour les assujettis dont le droit à déduction de la TVA n’est que partiel tels que les établissements de santé, les EHPAD, les établissements bancaires et financiers, les compagnies d’assurance.

Ces derniers devront donc continuer à constater une livraison à soi-même en matière immobilière en suivant les règles brièvement rappelées ci-dessus étant précisé que l’exception qui concernait les immeubles neufs vendus dans un délai de deux ans après leur achèvement a été supprimée.

Le régime particulier de la livraison à soi-même des logements sociaux est également maintenu.

En pratique, les assujettis déducteurs intégraux devront rester attentifs puisque la constatation d’une livraison à soi-même présentait intérêt en cas de régularisations ultérieures4 (ex : cession de l’immeuble, changement d’affectation ou modification de la situation de l’assujetti au regard de la TVA). Elle permettait en effet d’identifier le point de départ des régularisations et de déterminer leur base de calcul.

Par exemple, sous le régime antérieur, en cas de vente d’un immeuble douze ans après son achèvement, l’assujetti déducteur intégral procédait à une régularisation de TVA de sept vingtièmes sur la base de la TVA afférente à la livraison à soi-même du terrain compris).

Désormais, l’éventuelle régularisation se fera dans la même proportion mais sur la base de la seule TVA grevant les travaux. En tant qu’avocats conseils, nous pouvons donc vivement inciter nos clients à constituer un dossier exhaustif lors de la construction d’un immeuble neuf permettant de suivre les éventuelles régularisations à opérer.

Ce dossier devra idéalement être conservé tout au long de la période de régularisation (20 ans). En cas de cession de l’immeuble à un autre assujetti, il pourra servir à justifier du transfert d’une partie de la TVA ayant grevé initialement l’immeuble au profit du cessionnaire à hauteur de la durée de régularisation restant à courir. Ce dernier pourra alors rembourser au cédant la somme correspondant au reversement de TVA opéré auprès du Trésor.

Une telle régularisation n’est cependant pas toujours facile à mettre en oeuvre et peut se révéler financièrement inadaptée. Elle pourra alors être évitée si le cédant décide d’opter dans l’acte de vente pour la taxation de la cession de l’immeuble à la TVA5.

Notes

1 Article 257 I-2-2° du Code général des impôts.
2 Article 1788 A 4 du Code général des impôts. L’assiette de l’amende étant toutefois réduite en proportion des coûts ou dépenses non grevés de TVA figurant dans la base d’imposition par rapport à la base totale.
3 BOI-CF-INF-20-20-20120912 n°100.
4 Article 207 de l’annexe II Code général des impôts.
5 Article 260 5° bis du Code général des impôts.

 

Auteurs

Yann Leclerc, avocat Counsel, en droit fiscal et Co-Président de la Commission Droit Fiscal de l’ACE

Jironi Harivel, avocat, Cabinet Fidal, et Coordinateur de la Commission Droit Fiscal de l’ACE

 

La suppression de la livraison à soi-même d’un immeuble neuf : un caillou en moins dans les chaussures des entreprises ! – Article paru dans la revue ACE n°131 – Avril 2015