La transaction rédigée en termes généraux fait obstacle à l’indemnisation du préjudice d’anxiété
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7 février 2025
Trois salariés ont signé, postérieurement à la rupture de leur contrat de travail, une transaction avec leur ancien employeur mettant un terme à l’ensemble des litiges portant tant sur l’exécution que sur la rupture de leur contrat de travail.
Par la suite, l’établissement dans lequel les salariés avaient travaillé est inscrit, pour une partie de leur période d’emploi, sur la liste de ceux ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA).
Les salariés ont alors saisi les juridictions afin d’obtenir l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété né postérieurement à la signature de leur transaction. Cette demande est rejetée par la Cour de cassation, qui saisit l’occasion de réaffirmer, par trois arrêts (1) dont l’un est publié au bulletin, le plein effet des transactions rédigées en termes généraux.
Réaffirmation de l’efficacité de la transaction rédigée en termes généraux
Instrument d’origine civiliste, la transaction s’illustre en droit du travail comme un moyen de pacification des différends. En mettant fin au litige, elle permet à l’employeur de se protéger d’un procès, et au salarié de percevoir rapidement une indemnité transactionnelle en évitant les aléas d’un contentieux.
En application des articles 2048 et suivants du Code civil, l’effet de la transaction est limité à son objet : elle ne règle que les différends qui s’y trouvent compris. Pourtant, dès 1997, l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation a retenu une interprétation extensive de l’objet de la transaction en reconnaissant qu’une formule générale visant la renonciation du salarié à « toutes réclamations de quelque nature qu’elles soient […] relatives tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat de travail » fait échec à toute autre demande en justice (2). Après quelques hésitations, la Chambre sociale a finalement rallié cette position en 2014 (3).
Les trois arrêts commentés s’inscrivent dans cette même lignée. Relevant que les transactions étaient « formulées en des termes généraux », les salariés ne pouvaient plus présenter, à l’encontre de leur ancien employeur, une demande d’indemnisation en réparation de leur préjudice d’anxiété.
Même lorsque le préjudice est né postérieurement à la signature de la transaction
En l’espèce, les salariés considéraient qu’ils n’avaient pas pu renoncer à un droit dont ils n’avaient pas connaissance et qui n’existait tout simplement pas à la date de signature de la transaction. Il est vrai que le préjudice d’anxiété, consacré par la jurisprudence de la Chambre sociale dans un arrêt du 11 mai 2010 (4), a pour particularité de naître à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l’arrêté ministériel d’inscription de l’établissement sur la liste dite « ACAATA » (5).
La Cour de cassation ne retient pas ces arguments. Pour débouter les salariés de leur demande d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété, elle relève non seulement que les transactions étaient formulées en des termes généraux, mais qu’aux termes de celles-ci, les salariés se déclaraient remplis de leurs droits et renonçaient, de façon irrévocable, à toute instance ou action née ou à naître au titre de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail. Une telle formulation ne laisse donc aucune place à l’indemnisation d’un quelconque préjudice supplémentaire, même né postérieurement à la signature de la transaction.
Cette solution n’est pas nouvelle puisqu’en 2017 (6), la Chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger qu’une transaction, forfaitaire et définitive, signée avant la publication de l’arrêté portant inscription de l’entreprise sur la liste dite « ACAATA », faisait obstacle à une demande d’indemnisation des salariés.
Comme l’a relevé l’Avocat Général, « l’extinction de toute possibilité de contentieux ultérieur est l’un des attraits de la transaction. Elle est fondée sur la force obligatoire qui est attachée à cette convention, qui, comme tout autre contrat, est la loi des parties et induit que celles-ci ne s’engagent pas à la légère ». Par ailleurs, le salarié n’est pas totalement démuni dans cette situation puisqu’il conserve la faculté d’invoquer la nullité de la transaction pour vice de consentement. Néanmoins, une telle action, si elle devait aboutir, impliquerait, pour le salarié, de restituer l’indemnité transactionnelle perçue.
Sous réserve que la transaction porte sur la rupture du contrat de travail
Précisons que la solution du litige aurait été différente dans l’hypothèse où la transaction aurait été conclue en cours d’exécution du contrat de travail.
En effet, en pareille hypothèse, et quand bien même la transaction serait rédigée dans des termes généraux, la renonciation du salarié ne fait pas obstacle à une demande portant sur des faits survenus postérieurement à la conclusion de la transaction. C’est ainsi que la Cour de cassation a fait droit à une demande d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété, quand bien même une transaction portant sur l’exécution du contrat de travail avait été conclue (7).
Aux termes de l’avis de l’Avocat Général rendu à propos des arrêts ici commentés, cette solution s’explique par le fait que le contrat de travail s’était poursuivi, et souligne à l’inverse que « lorsque la transaction est conclue en parallèle de la rupture du contrat de travail, les parties s’engagent nécessairement, sauf stipulations contraires, à solder définitivement leurs comptes ».
En conclusion, l’on ne peut que recommander de rédiger les transactions portant sur l’exécution et la rupture du contrat de travail en des termes généraux, le travers résultant dans l’établissement d’une liste des droits auxquels le salarié renonce s’avérant périlleux dès lors qu’elle ne saurait être exhaustive. En tout état de cause, le soin apporté dans la rédaction du protocole transactionnel permettra d’éviter les écueils ultérieurs qui pourraient résulter d’une demande d’indemnisation d’un préjudice supplémentaire.
AUTEURS
Emilie Bourguignon, Avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
Camille Mathelin, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
Paul Amblard, Elève-avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
(1) Cass. soc., 6 novembre 2024, n°23-17.699 (publié au bulletin) à 23-17.701
(2) Cass. Ass. Plén., 4 juillet 1997, n°93-43.375
(3) Cass. soc., 5 novembre 2014, n°13-18.984
(4) Cass. soc., 11 mai 2010, n°09-42.241
(5) Notamment, Cass. soc., 22 novembre 2017, n°16-20.666
(6) Cass. soc., 6 octobre 2017, n°16-23.896 ; Cass. soc., 21 février 2017, n°15-28.720
(7) Cass. soc., 17 novembre 2021, n°20-17.989
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