L’absence d’avis du CHSCT peut également valoir avis négatif
20 juillet 2015
En cas de consultation conjointe du CHSCT et du comité d’entreprise, les délais de consultation du comité d’entreprise prévus par l’article L.2323-3 du Code du travail, imposent également au CHSCT d’émettre son avis dans un délai déterminé. A défaut, le CHSCT est réputé avoir rendu un avis négatif.
La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 et le décret du 27 décembre 2013 ont encadré les délais de consultation du comité d’entreprise. Désormais, dans la plupart des cas de consultation du comité d’entreprise, sauf dispositions législatives spéciales, le délai dont le comité dispose pour émettre un avis peut être fixé par accord entre l’employeur et la majorité des élus titulaires du comité d’entreprise.
En l’absence d’accord, le comité d’entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la communication des informations par l’employeur. Ce délai est porté à deux mois en cas d’intervention d’un expert, à trois mois en cas de consultation du CHSCT et à quatre mois si une instance de coordination des CHSCT est mise en place.
En cas de consultation conjointe du CHSCT et du comité d’entreprise, l’article R.2323-1-1 du Code du travail précise par ailleurs que l’avis du CHSCT est transmis au comité d’entreprise au plus tard sept jours avant l’expiration du délai de trois mois qui est octroyé au comité d’entreprise pour émettre un avis.
Aucune précision n’est toutefois fournie par le Code du travail dans l’hypothèse où le CHSCT n’émet pas d’avis au plus tard sept jours avant l’expiration du délai qui est imparti au comité d’entreprise…
La Direction Générale du Travail a tenté de combler ce vide législatif en précisant, dans sa Circulaire n°2014/1 du 18 mars 2014, s’agissant des consultations visées par l’article R.2323-1-1 du Code du travail: « Au cas où le ou les CHSCT ne se prononceraient pas, ils seraient également considérés comme ayant rendu un avis négatif« .
La doctrine attendait néanmoins avec impatience la position de la jurisprudence sur cette question.
C’est chose faite ! Cette position administrative vient en effet d’être confirmée, pour la première fois, par la cour d’appel de Versailles dans le cadre d’un arrêt rendu le 4 juin 2015 et l’on peut espérer qu’elle sera confirmée ultérieurement par la Cour de cassation.
En l’espèce, un projet de rapprochement entre deux sociétés de services informatiques avait été soumis à la double consultation de l’instance de coordination des CHSCT et du comité central d’entreprise. Or, malgré l’expiration du délai imparti au comité central d’entreprise pour émettre son avis, le CHSCT de l’un des établissements concernés par le projet, avait refusé d’émettre un avis et assigné l’employeur pour obtenir des informations complémentaires.
C’est dans ce contexte, que la cour d’appel de Versailles a précisé que :
« Si l’article L.2323-3 du Code du travail ne vise que le comité d’entreprise, il demeure que selon l’article R.2323-1-1 du Code du travail, le CHSCT doit transmettre son avis au comité d’entreprise au plus tard sept jours avant l’expiration du délai imparti au comité d’entreprise lui-même pour donner son avis, ce qui revient à imposer un délai au CHSCT pour donner son avis (….) Le CHSCT ne peut donc sérieusement prétendre que le processus d’information-consultation ne serait pas clos le concernant ».
Dans les domaines de consultation visés par l’article L.2323-3 du Code du travail, lorsque le projet nécessite une double consultation du CHSCT et du comité d’entreprise, le défaut d’avis du CHSCT au plus tard sept jours avant l’expiration du délai imparti au comité d’entreprise, vaut donc avis négatif du CHSCT.
Cette règle est conforme à l’esprit de la loi du 14 juin 2013, dont l’objectif était de sécuriser et d’encadrer les procédures de consultation des représentants du personnel.
Cette position correspond par ailleurs à la solution retenue par le législateur en matière de licenciement pour motif économique imposant l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi. En effet, dans ce domaine, qui relève de délais de consultations spécifiques, l’article L.4614-12-1 du Code du travail prévoit expressément que le CHSCT est réputé avoir été consulté à l’expiration du délai de consultation imparti au comité d’entreprise.
Le CHSCT pourrait-il solliciter en justice une prolongation du délai qui lui est imparti pour émettre un avis ?
S’agissant du comité d’entreprise, l’article L.2323-4 du Code du travail prévoit que pour les consultations visées par l’article L.2323-3, les membres du comité d’entreprise peuvent, s’ils estiment ne pas disposer d’informations suffisantes, saisir le président du Tribunal de Grande Instance statuant en la forme des référés afin qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. En cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation d’un avis motivé, le juge peut autoriser une prolongation du délai de consultation imparti au comité d’entreprise, sous réserve que le comité ait exercé cette action avant l’expiration du délai de consultation qui lui est imparti.
A priori, cette action ne serait pas directement ouverte au CHSCT. Néanmoins, avant l’entrée en vigueur de la loi de sécurisation de l’emploi, la Cour de cassation avait précisé que le comité d’entreprise était recevable à invoquer, dans le cadre de sa propre consultation, l’irrégularité de la procédure de consultation préalable du CHSCT (Cass. soc, 4 juillet 2012, n° 11-19.678).
Il appartiendra donc à la jurisprudence de déterminer si, en l’absence d’avis formulé par le CHSCT, le comité d’entreprise pourrait éventuellement soutenir qu’il n’est pas lui-même en mesure d’émettre un avis motivé et solliciter une éventuelle prolongation de son délai de consultation sur le fondement de l’article L.2323-4 du Code du travail, ce qui pourrait entraîner un allongement du délai de consultation octroyé au CHSCT.
Auteur
Céline Renault-Cossoul, avocat, intervient dans le conseil et la défense des entreprises en matière de droit du travail, droit de la sécurité sociale et de la protection sociale.
*L’absence d’avis du CHSCT peut également valoir avis négatif* – Article paru dans Les Echos Business le 20 juillet 2015
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