L’abus de droit implicite en matière de contrôle URSSAF
7 juillet 2014
Le déclenchement de la procédure de répression des abus de droit s’impose aux URSSAF qui ne peuvent en faire l’économie lorsque les circonstances le justifient sous peine de risquer l’annulation de la procédure de contrôle.
Une procédure dérogatoire au droit commun du contrôle
L’article L 243-7-2 du Code de la Sécurité Sociale organise une procédure spécifique permettant de lutter contre les abus de droit, qui est calquée sur un dispositif existant de longue date en matière fiscale.
Le principe de la répression des abus de droit consiste à rendre inopposable aux URSSAF les actes juridiques fictifs ou les actes juridiques qui, bien que licites, n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales.
Dans le cadre de cette procédure dérogatoire, sont ainsi passibles d’un redressement de cotisations des actes pourtant licites ; l’abus de droit étant de surcroit sanctionné d’une pénalité de 20% des cotisations et contributions dues.
La loi a donc prévu un certain nombre de garanties pour le cotisant. Ainsi, en cas de désaccord sur les rectifications envisagées sur le fondement de l’abus de droit, le litige est soumis, à la demande du cotisant, à l’avis du comité des abus de droit devant lequel il pourra faire valoir ses observations.
A la suite de cette saisine, le comité des abus de droits rend un avis, lequel, sans avoir de portée contraignante, décidera sur qui de l’URSSAF ou du cotisant reposera la charge de la preuve.
Notons que la lettre d’observations doit mentionner la possibilité de saisir le comité des abus de droit et les délais pour ce faire. Par ailleurs, la décision d’invoquer l’abus de droit est prise par le directeur de l’URSSAF qui doit contresigner la lettre d’observations.
La tentation des URSSAF d’éluder cette procédure complexe
La procédure des abus de droit présente une certaine complexité qui conduit fréquemment les URSSAF à invoquer « implicitement » un abus de droit sans pour autant déclencher la procédure afférente.
Concrètement l’abus de droit « implicite » sera caractérisé à chaque fois que l’URSSAF soutiendra soit le caractère fictif de cet acte licite, soit le fait que ce mécanisme juridique a été mis en place dans le but de réaliser une économie de charges sociales.
Dans cette hypothèse, l’URSSAF ne dispose d’aucune marge de manœuvre lui permettant de décider de déclencher ou non la procédure des abus de droit selon qu’elle estime y avoir ou non un intérêt.
En présence d’un acte juridique qu’elle estime fictif ou inspiré par le seul objectif d’éluder ou de diminuer les cotisations sociales, l’URSSAF est tenue de déclencher la procédure des abus de droit.
Cette obligation qui pèse sur les URSSAF se justifie par les droits et garanties procédurales dont dispose le cotisant et dont il serait privé par la réticence des URSSAF à engager la procédure.
Les conséquences du recours par les URSSAF à l’abus de droit implicite
La réticence d’une URSSAF à déclencher la procédure de répression des abus de droit est lourde de conséquence pour le cotisant qui peut se voir redresser sur la base d’un mécanisme licite tout en étant privé des garanties attachées à cette procédure.
Compte tenu de la nouveauté de cette procédure en matière de cotisations sociales il n’existe pas encore de décision de la Cour de cassation relative aux conséquences du recours par l’URSSAF à l’abus de droit « implicite ».
Toutefois, le dispositif de répression des abus de droit en matière de cotisations sociales étant strictement calqué sur le dispositif de répression des abus de droit en matière fiscale, il est utile de se référer à la jurisprudence des juridictions administratives en la matière.
Or, les juridictions administratives ont sanctionné à de nombreuses reprises la technique du recours « implicite » à l’abus de droit en matière fiscale en annulant la procédure de redressement au motif que le contribuable n’a pas bénéficié des garanties attachées à la procédure de répression des abus de droit.
Les mêmes causes devant produire les mêmes effets, il est souhaitable que les juridictions de Sécurité Sociale sanctionnent de la même manière le recours à l’abus de droit « implicite » par les URSSAF
Auteur
Thierry Romand, avocat associé en droit social.
A lire également
Le temps de déplacement des salariés itinérants entre leur domicile et les cl... 29 octobre 2015 | CMS FL
START-UP : comment attirer (et fidéliser) les talents ?... 16 mai 2022 | Pascaline Neymond
Disparition du tribunal des affaires de sécurité sociale : ce qui a changé au... 15 janvier 2019 | CMS FL
La solidarité financière du donneur d’ordre : nouvel « incontournable » de... 16 novembre 2016 | CMS FL
Contrôle URSSAF : rétrospective jurisprudentielle de l’année 2023... 23 février 2024 | Pascaline Neymond
Actualité de la procédure d’appel à la suite d’un litige prud’homal : a... 12 mai 2023 | Pascaline Neymond
Stages à l’étranger : quelle protection ?... 29 mai 2015 | CMS FL
Qui peut convoquer une réunion extraordinaire du CSE dans les entreprises de pl... 5 mars 2019 | CMS FL
Articles récents
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?