L’actualité fiscale mouvementée de l’assurance-vie
Bien que l’assurance-vie jouisse encore d’un traitement fiscal relativement privilégié, de nombreux indices permettent d’anticiper un durcissement du traitement des épargnants.
L’assurance-vie en débat
Le régime fiscal de l’assurance-vie est aujourd’hui favorable en comparaison de celui de placements alternatifs : les gains engrangés après 8 ans sont soumis à l’impôt sur le revenu au taux de 7,5% (hors prélèvements sociaux) ; les bénéficiaires au décès de l’assuré doivent s’acquitter d’un prélèvement de 20% ou 25% selon les cas. Cette fiscalité explique la faveur réservée par les ménages français à ce type de placement, mais connaît aujourd’hui de fortes turbulences.
Une note du Conseil d’analyse économique publiée en septembre 2013 recommande de limiter les avantages fiscaux de l’assurance-vie au cas de la sortie en rente pour n’encourager que l’épargne retraite. Un autre rapport, rendu par les députés Karine Berger et Dominique Lefebvre en avril 2013, souhaite au contraire encourager les épargnants à investir dans les entreprises, en rallongeant la durée de détention permettant d’accéder à une fiscalité favorable, et surtout en créant un nouveau contrat d’assurance-vie, baptisé « euro-croissance », ayant vocation à investir une part plus importante dans des supports risqués tels que le financement des PME. Le rapport Berger-Lefebvre préconise également de réserver le bénéfice du taux de 7,5% aux contrats dont l’en-cours ne dépasse pas 500 000 euros. Les contrats de plus de 500 000 euros ne bénéficieraient de l’avantage fiscal qu’à condition d’investir sur des supports en unités de compte ou dans les nouveaux fonds euro-croissance.
Ces préconisations ne sont pas reprises à ce stade par les projets de loi actuellement débattus, mais elles donnent un éclairage sur d’éventuelles réformes futures. En attendant, la tendance au durcissement de la fiscalité de l’assurance-vie est déjà entamée, comme en témoigne l’exposé des mesures suivantes.
Assurance-vie et plafonnement de l’ISF
L’article 885 V bis du Code général des impôts (CGI), dans sa version issue de la loi de finances pour 2013, prévoit que le total de l’impôt sur la fortune et de l’impôt sur le revenu ne doivent pas dépasser 75% des revenus du contribuable. L’administration considère dans sa doctrine publiée le 14 juin 2013 que les revenus des fonds euros des contrats d’assurance-vie sont pris en compte chaque année pour le calcul de ce plafonnement. La légalité de cette position peut apparaître discutable, car la loi nous semble viser les revenus, même exonérés, pour lesquels un fait générateur d’imposition est intervenu, ce qui n’est pas le cas des produits d’assurance-vie à la date de leur inscription en compte. Rappelons en outre que le projet de loi de finances pour 2013 avait prévu d’inclure dans le revenu pris en compte, la variation annuelle de la valeur de rachat du contrat. Or cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel lors de l’examen de la loi. C’est d’ailleurs ce qui permet de douter de la constitutionnalité de l’éventuelle validation par le Parlement de la position prise par l’administration dans le cadre de la loi de finances pour 2014.
Assurance-vie et prélèvements sociaux
Les produits générés par les contrats d’assurance-vie acquis depuis 1er janvier 1997 sont soumis aux prélèvements sociaux. Au fil des augmentations des taux de ces prélèvements, le législateur a évité toute application rétroactive en prévoyant à chaque fois que le nouveau taux ne s’appliquerait que pour la part du revenu acquise à compter de sa date d’entrée en vigueur. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 propose pourtant de mettre fin à ce régime des taux historiques : les prélèvements s’appliqueraient à leur taux en vigueur, soit 15,5%, sur une assiette unique constituée de l’intégralité des gains acquis depuis 1997. Les gains constitués antérieurement resteraient exonérés de prélèvements. Bien que le projet de loi mette en avant un objectif d’équité et de lisibilité, on peut s’interroger sur la conformité de cette mesure au principe constitutionnel de protection des situations légalement acquises.
Saisie des contrats d’assurance-vie
L’article 11 du projet de loi sur la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (qui devrait être définitivement adopté le 30 octobre prochain) prévoit la possibilité, pour l’administration uniquement, de réaliser des saisies simplifiées (avis à tiers détenteur) sur les sommes rachetables d’un contrat d’assurance-vie, qu’il s’agisse de contrats investis en euros ou en unités de compte. Cette possibilité était jusque-là écartée par la jurisprudence au motif que le souscripteur n’a pas la disposition des sommes placées en assurance-vie, mais selon le législateur cette insaisissabilité permettrait à certains contribuables d’organiser leur insolvabilité.
A propos des auteurs
Daniel Gutmann, avocat associé responsable de la doctrine fiscale. Ce département a pour fonctions principales d’analyser les évolutions de la réglementation fiscale et de contribuer à l’élaboration des positions du cabinet sur les questions techniques les plus complexes. Il est en relation permanente avec l’administration fiscale, les autres autorités publiques françaises et européennes, les instances représentatives des entreprises et le milieu universitaire.
Eloïse Turot, avocat dans le service de la doctrine fiscale
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