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L’aube du crowdlending

L’aube du crowdlending

Une antienne résonne dans les milieux économiques, français notamment : un sévère credit crunch, rejeton de la crise financière, étranglerait les petites et moyennes entreprises (« PME« ), tout comme les entreprises de taille intermédiaire (« ETI« ), en les empêchant de trouver les financements dont elles ont besoin. Entendant répondre à cette préoccupation répandue plus qu’à un problème avéré, l’ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relatif au financement participatif (l' »Ordonnance« ) fait partie de l’arsenal législatif destiné à faire exploser ce plafond de verre préjudiciable à la croissance économique.


Technique de financement issue de l’économie 2.0, le financement participatif (ou crowdfunding) a pour principe de recueillir des fonds du public afin de financer un projet. Cette collecte se déroule via le site internet (aussi appelée plateforme) d’un intermédiaire, que l’Ordonnance, codifiée dans le Code monétaire et financier (« CMF« ), réglemente en le soumettant à des statuts nouveaux, dont celui d’intermédiaire en financement participatif (« IFP« ). Les IFP ont pour objet de « mettre en relation […] les porteurs d’un projet déterminé et les personnes finançant [le] projet« .

L’Ordonnance a consacré les trois avatars du crowdfunding : le financement par le don avec contrepartie, le financement par la souscription en capital (ou crowdequity) et le financement participatif sous forme de prêt (ou crowdlending). Ce dernier, qui attire tout particulièrement notre attention et est réservé aux IFP, constitue une exception nouvelle au monopole bancaire (article L. 511-6 7° du CMF). Cette dérogation est assortie de conditions strictes : elle ne bénéficie qu’à des prêts faits par des personnes physiques agissant à des fins non professionnelles ou commerciales à des personnes morales, à des personnes physiques agissant à des fins professionnelles ou souhaitant financer une formation et, si le prêt est stipulé sans intérêt, à des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Par ailleurs, conformément à l’article D. 548-1 du CMF, le prêt consenti par chaque crowdlender est plafonné quant à son montant (1.000 euros pour un prêt avec intérêt, ou 4.000 euros pour un prêt sans intérêt) et sa durée (sept ans). Son taux est nécessairement fixe et ne peut excéder celui de l’usure. Enfin, un porteur de projet ne peut emprunter, pour un même projet, plus d’un million d’euros.

Le corpus juridique issu de l’Ordonnance est un terreau favorable à la réflexion des praticiens. Ainsi, ne traitant pas la question de la représentation collective des multiples prêteurs, chacun partie à un contrat de prêt individuel, face à un unique porteur de projet, il fait en la matière de la voie contractuelle la voie royale. L’imagination des praticiens peut aussi s’exprimer dans la recherche de chemins de traverse, pouvant prendre la forme de titrisations ou d’émissions obligataires, destinés à s’accommoder des plafonds imposés par l’Ordonnance. Preuve, s’il en est besoin, que le crowdlending, quand bien même (et c’est sa force) il est simple et entend le demeurer, renferme encore des problématiques juridiques qu’il est nécessaire d’explorer.

Offre complémentaire, plus qu’alternative, au financement bancaire, le crowdlending semble promis à un bel avenir que dessine déjà sa remarquable croissance mondiale. Il participe ainsi à l’émergence d’une nouvelle désintermédiation financière au service d’acteurs désireux d’accéder plus rapidement au crédit tout en diversifiant leurs sources de financement.

 

Auteur

Alexandre Bordenave, avocat en matière de financements structurés.

 

L’aube du crowdlending – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 12 octobre 2015