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Le « Black Friday » : quelques écueils à éviter

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Qu’est-ce que le « Black Friday« , littéralement le « vendredi noir », expression que l’on voit fleurir sur les sites de commerce en ligne en cette fin novembre ? Cette pratique promotionnelle, non encadrée en tant que telle, rencontre un succès de plus en plus grand en France ces dernières années et l’édition de novembre 2018 pourrait connaître une diffusion plus large encore auprès des commerçants, tant dans les points de vente physiques que sur les sites de e-commerce.

Originaire des États-Unis, le « Black Friday » s’y déroule le lendemain du repas de Thanksgiving et se traduit par des réductions de prix massives sur les biens de consommation. Cette journée de déstockage marque traditionnellement le coup d’envoi de la période des achats de Noël.

En pratique, cette opération promotionnelle ne se limite pas à un vendredi mais peut s’étaler sur plusieurs jours.

En France, l’intérêt du « Black Friday » en termes de réductions de prix est toutefois nécessairement plus limité du fait des règles de droit commercial et de droit de la consommation qui sont susceptibles de s’appliquer. Certains écueils devront ainsi être évités par les commerçants sous peine de sanctions pénales.

La règlementation des soldes

D’une part, il ne peut pas s’agir de soldes. Si les opérations promotionnelles de déstockage sont autorisées tout au long de l’année, les périodes de soldes sont en effet, quant à elles, strictement encadrées en France (deux périodes de six semaines en janvier/février et en juin/juillet). La possibilité d’organiser des soldes flottants à la discrétion des commerçants, qui avait été créée par la loi LME du 4 août 2008, a finalement été supprimée par la loi du 18 juin 2014. A noter également que le projet de « loi PACTE » prévoit en l’état de permettre une réduction de ces périodes officielles jusqu’à une durée minimale de trois semaines.

En dehors des périodes de soldes autorisées donc, l’utilisation du terme « soldes » ou de ses dérivés est interdite.

De nombreux professionnels ont toutefois employé ce terme de « soldes » dans le cadre de leur campagne de « Black Friday » en 2017 au risque de tomber sous le coup de l’article L. 310-5 du Code de commerce qui prévoit que « le fait d’utiliser le mot : solde (s) ou ses dérivés dans les cas où cette utilisation ne se rapporte pas à une opération de soldes définie au I de l’article L. 310-3 » est puni d’une amende de 15 000 euros. Cette amende pénale est portée à 75 000 euros pour les personnes morales (article L. 310-6 C. Com.).

L’interdiction de la revente à perte

D’autre part, le fait pour un commerçant de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif est, en principe, prohibé (article L. 442-2 C. com.).

La revente à perte, autorisée pendant les soldes, est interdite en dehors de ces périodes et donc pendant le « Black Friday ». Les rabais pratiqués par les distributeurs qui revendent des produits en l’état aux consommateurs sont ainsi nécessairement limités par le seuil de revente à perte.

Celui-ci est défini comme le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat, minoré du montant de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport.

Des sanctions sont prévues par l’article L. 442-2 du Code de Commerce : 75 000 euros d’amende pour les personnes physiques et 375 000 euros pour les personnes morales. Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu’en soit le support, fait état d’un prix inférieur au prix d’achat effectif.

On se souvient de l’opération promotionnelle menée en janvier 2018 au sein de magasins sous enseigne Intermarché, sur les pots de Nutella en particulier, qui avait engendré des scènes d’émeutes de consommateurs. La DGCCRF aurait saisi la justice de ces pratiques constitutives, selon elle, d’une violation de la règlementation de la revente à perte.

Relevons toutefois que la licéité du dispositif d’interdiction de la revente à perte à l’égard des consommateurs est questionnée et fait l’objet d’une actualité jurisprudentielle nourrie (cf. CJUE 19 octobre 2017, Europamur Alimentacion, aff. C-295/16; Cass. crim., 16 janvier 2018, n°16-83.457).

A noter également que la récente « loi Egalim » du 30 octobre 2018 habilite le Gouvernement à relever de 10 pour cent par ordonnance, sur une période de deux ans, le seuil de revente à perte pour les denrées alimentaires notamment revendues en l’état au consommateur.

La prohibition des pratiques commerciales trompeuses

Par ailleurs, une pratique commerciale est trompeuse, notamment, lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur et portant sur le prix ou le mode de calcul du prix mais aussi le caractère promotionnel du prix (article L. 121-2 C. cons.).

Bien que les usages montrent que ce type d’opérations promotionnelles dure plusieurs jours, le fait de prolonger une opération de « Black Friday » n’est pas sans risques. L’annonce de « Black Friday » semble en effet inciter les consommateurs à une prise de décision rapide.

Or, sont expressément réputées trompeuses les pratiques commerciales ayant pour objet « de déclarer faussement qu’un produit ou un service ne sera disponible que pendant une période très limitée ou qu’il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une période très limitée afin d’obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs d’une possibilité ou d’un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause« . Il est donc possible de s’interroger sur la licéité d’un « Black Friday » qui s’étalerait sur une longue période.

Les sanctions attachées à la mise en œuvre de pratiques commerciales trompeuses sont lourdes puisqu’elles sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros / 1,5 millions d’euros pour une personne morale, sachant que le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel ou à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit (article L. 132-2 C. cons.).

L’emploi obligatoire de la langue française

Enfin, l’emploi de la langue française dans les publicités est obligatoire. L’expression « Black Friday » semble donc devoir a minima être traduite en français dans les publicités dans la presse écrite, à la télévision ou à la radio.

Le défaut d’emploi de la langue française est puni d’une contravention de 750 euros ou 3 750 euros pour les personnes morales (article 1er du « décret Toubon » du 3 mars 1995).

 

Auteur

Amaury Le Bourdon, avocat, droit de la concurrence et droit de la distribution