Le « burn out », un syndrome multifactoriel contredisant la création d’un nouveau tableau de maladie professionnelle
28 mars 2018
L’absence de définition médicale et juridique du « burn-out » empêche qu’un tableau de maladie professionnelle lui soit consacré. Il peut toutefois être pris en charge au titre de la législation professionnelle dans le cadre d’un système complémentaire amélioré en 2015.
Tentative de définition
Le « burn out » apparaît depuis quelques années comme « le mal du siècle ».
La Cabinet TECHNOLOGIA a ainsi publié en janvier 2014 un rapport très alarmiste relevant que trois millions d’actifs auraient un risque élevé de « burn-out ».
L’OCDE, de son côté, prétend que 2 salariés sur 10 seraient menacés par ce syndrome d’épuisement professionnel.
Selon Pascale VENARA, psychologue du travail et thérapeute, présidente de l’Institut de prévention du burn out, le « burn-out » relève de trois facteurs :
- causes sociétales : intensification du travail dans une société globale où les nouvelles technologies amènent l’accélération du changement et l’imbrication croissante de la vie privée et professionnelle, émergence de nouvelles formes de précarité ;
- causes organisationnelles : impact des systèmes d’évaluation individuelle dans des contextes d’interdépendance croissante, charge de travail, baisse de la qualité du travail, manque de formation et de soutien des managers etc. ;
- causes individuelles : historique personnel, évènements dramatiques récents, sur-engagements dans un métier idéalisé, mentalité de « sauveur », perfectionnisme ou encore sens exacerbé de l’autocritique.
En clair, le « burn-out » est multifactoriel. Il serait alors faux de dire que le travail en est l’unique cause.
Le rejet d’un nouveau tableau de maladie professionnelle
Etablir une présomption d’imputabilité du « burn-out » à l’activité professionnelle, conséquence de la création d’un nouveau tableau, reviendrait en fait à « objectiver » un phénomène particulièrement subjectif.
Le 1er février 2018, la proposition de loi sur le « burn-out », portée par François Ruffin, député de la France Insoumise, visant à faire reconnaître comme maladies professionnelles les pathologies psychiques résultant de l’épuisement professionnel a définitivement été rejetée par l’Assemblée nationale.
Cette proposition visait notamment l’inscription dans un nouveau tableau de maladie professionnelle des pathologies psychiques relevant de l’épuisement professionnel telles que la dépression, l’anxiété généralisée et le stress post-traumatique.
Parmi la « liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie » apparaissaient des notions aussi imprécises que « des exigences liées au travail trop importantes », « des exigences émotionnelles importantes », « des mauvais rapports sociaux », « des conflits de valeur et travail empêché », « l’insécurité de la situation de travail » ou encore « l’engagement individuel poussé à l’extrême ».
Or, on sait que certaines conditions ou exigences de travail n’impacteront pas de la même façon deux salariés aux caractères, aux antécédents professionnels et histoires personnelles différents.
Pour rejeter la proposition de François Ruffin, la majorité à l’Assemblée nationale a d’ailleurs jugé le « burn-out » comme un « phénomène grave et complexe » empêchant d’imputer précisément les troubles psychiques aux conditions de travail.
La ministre du Travail, Muriel Pénicaud a, au surplus, pris position le 12 février 2018 confirmant la vision de l’hémicycle et refusant la qualification de maladie professionnelle au « burn-out », cette position étant déjà celle défendue par la ministre de la Santé Agnès BUZYN, elle-même médecin.
Une prise en charge au titre de la législation professionnelle toutefois possible via un système de reconnaissance complémentaire
En dehors des tableaux, il existe un système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles amélioré grâce à la loi dite Rebsamen du 17 août 2015 qui précise désormais, au dernier alinéa de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale que « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle ».
La législation a donc évolué pour prendre en compte, le cas échéant, le « burn-out » professionnel.
Dans le cadre de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle « hors tableau », le salarié devra démontrer que sa maladie est essentiellement et directement causée par son travail habituel et qu’elle entraîne un taux d’incapacité au moins égal à 25%.
Son dossier entier sera envoyé à un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) composé de 3 médecins tout en rappelant que depuis un décret du 7 juin 2016, le comité peut, le cas échéant recueillir l’avis d’un médecin spécialiste en psychiatrie, pour l’examen des demandes de prise en charge des affections psychiques.
Le CRRMP devra alors juger de l’existence ou non d’un lien entre l’affection déclarée et l’activité professionnelle en se fondant sur l’entier dossier remis par la Caisse primaire d’assurance maladie et sur l’ensemble des éléments que le salarié victime aura bien voulu rassembler pour appuyer sa demande.
L’avis de ce CRRMP s’imposera à la Caisse primaire d’assurance maladie mais également aux tribunaux des affaires de sécurité sociale en cas de contentieux. En conclusion, l’amélioration de la prise en charge des salariés s’estimant victimes de « burn-out » résultera certainement davantage de l’amélioration du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles et notamment de l’augmentation des moyens des CRRMP, que de la création d’un 99e tableau de maladie professionnelle.
Auteurs
Pierre Combes, associé, droit social, CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats
Pauline Pichon, avocat, droit social, CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats
Le « burn-out », un syndrome multifactoriel contredisant la création d’un nouveau tableau de maladie professionnelle – Article paru dans Les Echos Exécutives le 22 mars 2018.
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Lire également :
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