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Le licencié dispensé par la CJUE d’inscrire sa licence avant d’agir en contrefaçon

CJUE/ G. Fessy

En droit français, il est fortement recommandé aux licenciés de marques françaises de procéder à l’inscription de leur licence auprès de l’Institut national pour la propriété industrielle (INPI). Cette simple formalité administrative conditionne en effet la possibilité pour les intéressés d’agir sur le fondement de la contrefaçon de marque. A défaut d’une telle inscription, ils sont tributaires de l’action – ou le cas échéant, de l’inaction – du titulaire de la marque ou réduits à agir sur le fondement de la concurrence déloyale.

En droit de l’Union européenne, la question n’était pas aussi tranchée. Interrogée sur l’interprétation à donner de l’article 23 §1 du règlement 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire1, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) adopte une solution favorable au licencié négligent (CJUE, 4 février 2016, C-163/15, Youssef Hassan contre Breiding Vertriebsgesellschaft mbH).

En l’espèce, la société Breiding bénéficiait d’une licence de marque communautaire2 dont les termes l’autorisaient à agir directement à l’encontre d’éventuels contrefacteurs. Elle avait donc exercé ce droit à l’encontre de M. Youssef Hassan auquel elle faisait grief de commercialiser des articles de literie en violation de son droit de marque. Cette licence n’étant toutefois pas inscrite auprès du registre des marques communautaires (EUIPO), le tribunal régional supérieur de Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la Cour en ces termes « l’article 23 §1 […] empêche-t-il le licencié qui n’est pas inscrit au registre d’agir en contrefaçon d’une marque communautaire ? ».

Interprétant la disposition au regard de son contexte et des objectifs poursuivis par le règlement, la CJUE répond par la négative en indiquant que cette disposition n’interdit pas au licencié d’agir en contrefaçon en dépit du défaut d’inscription de la licence au registre. Au terme d’une analyse rigoureuse, la CJUE conclut que la non-opposabilité aux tiers des actes juridiques qui n’ont pas été inscrits au registre vise à protéger celui qui a, ou est susceptible d’avoir, des droits sur une marque communautaire en tant qu’objet de propriété et non le tiers contrefacteur.

Cohérente avec les finalités du règlement, qui vise notamment, rappelons-le, à lutter contre la contrefaçon, cette solution fera ainsi l’envie des licenciés de marques françaises, qui ne bénéficient pas d’une telle tolérance.

En tout état de cause, l’inscription de la licence de marque, qu’elle soit nationale ou relative à l’Union européenne, demeure utile aux fins d’opposabilité, notamment dans l’hypothèse d’une cession de la marque par son titulaire à un tiers. Il reste donc recommandé de procéder à cette formalité.

Notes

1 Cet article prévoit que « les actes juridiques (parmi lesquels la licence) […] concernant la marque communautaire ne sont opposables aux tiers dans tous les Etats membres qu’après leur inscription au registre« .
2 Depuis l’entrée en vigueur du règlement 2015/2424 du 16 décembre 2015, les marques « communautaires » sont devenues « marques de l’Union européenne« .

 

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Sabine Rigaud, avocat, droit de la propriété intellectuelle