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Le nantissement de marques

Le nantissement de marques

En 2015, la valeur de la marque Google a été estimée à 173 milliards de dollars1. Cet exemple, quoique démesuré, illustre parfaitement la place qu’une marque peut prendre parmi les actifs d’une entreprise.

À cet égard, le nantissement d’une marque peut concourir à l’accès au crédit de l’entreprise qui en est titulaire, car elle constitue pour le créancier une solide garantie de paiement. Cette sûreté, qui peut être consentie au profit de plusieurs bénéficiaires, présente encore l’avantage de n’affecter ni l’exploitation de la marque, ni les revenus qu’elle génère puisque son titulaire n’en est pas dépossédé.

Cependant, si la valeur des marques n’est aujourd’hui plus contestable2, les formalités afférentes à leur nantissement, souvent méconnues, peuvent constituer un frein au choix de cette sûreté. Pareilles réserves nous semblent pouvoir être levées. En prenant comme hypothèse une entreprise française titulaire d’une marque française, communautaire et internationale, nous évoquerons brièvement les étapes clés d’un nantissement de marque que sont :

  • la constitution du nantissement, soit l’acte par lequel la marque est affectée en garantie par son titulaire ;
  • les formalités afférentes au nantissement, destinées à assurer par voie de publicité son opposabilité aux tiers.

Pour commencer, trois sortes de protection doivent être distinguées selon le type d’enregistrement de la marque nantie. D’abord, une marque française est protégée, à l’échelle nationale, par un dépôt effectué auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI). Ensuite, une marque communautaire, déposée auprès de l’Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur (OHMI), est protégée pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Enfin une marque internationale, déposée auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) est protégée dans un ou plusieurs pays, selon l’étendue de la demande3.

Une marque française (enregistrée auprès de l’INPI) peut être nantie conformément aux dispositions du Code civil, du Code de commerce et du Code de la propriété intellectuelle. Une distinction doit être opérée selon que le nantissement de la marque intervient dans le cadre d’un nantissement de fonds de commerce ou d’un nantissement portant exclusivement sur la marque.

Dans le cadre d’un nantissement de fonds de commerce, l’acte de nantissement doit être établi par acte authentique ou par acte sous seing privé, et être enregistré auprès du service des impôts. Une inscription auprès du greffe doit ensuite être effectuée dans les quinze jours suivant la signature de l’acte de nantissement, à peine de nullité. Lorsque seule la marque est nantie, les règles applicables sont par défaut celles du droit commun du gage sans dépossession, à savoir l’exigence d’un acte écrit.

La publicité du nantissement est assurée par une inscription au registre national des marques tenu par l’INPI, contre paiement d’une redevance fixe. Le titulaire de la marque, son mandataire ou le créancier, adressera à l’INPI un formulaire dûment complété, accompagné d’une copie de l’acte de nantissement et, dans le cadre d’un nantissement de fonds de commerce, du certificat destiné à l’INPI remis par le greffe du tribunal de commerce au titre de l’inscription du nantissement du fonds de commerce.

À l’issue de ces formalités, le nantissement fera l’objet d’une publication au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI).

Une marque communautaire (enregistrée auprès de l’OHMI) peut être nantie conformément aux dispositions du règlement (CE) n°207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire. Une marque communautaire dont le titulaire est une entreprise française peut être valablement nantie dans le cadre d’un nantissement de fonds de commerce ou d’un nantissement portant exclusivement sur la marque, sous réserve du respect des modalités de constitution préalablement énoncées.

La publicité du nantissement d’une marque communautaire est assurée par une inscription sur demande du titulaire de la marque ou du créancier, ou sur demande conjointe du titulaire et du créancier, effectuée auprès de l’OHMI contre paiement d’une taxe. Lorsque le demandeur est le titulaire de la marque, une preuve du nantissement n’est pas nécessaire. Lorsque le demandeur est le créancier, la demande doit être accompagnée (i) d’une déclaration, signée par le titulaire de la marque ou son représentant, donnant son accord à l’enregistrement du nantissement et de l’acte de nantissement, (ii) d’un extrait contenant le détail des parties à l’acte de nantissement, l’identification de la marque communautaire ainsi que les signatures des parties, ou (iii) d’une déclaration du nantissement non certifiée signée par le titulaire de la marque et le créancier. En cas de demande effectuée conjointement par le titulaire de la marque et le créancier, la signature des deux parties à la demande constitue la preuve du nantissement.

À l’issue de ces formalités, le nantissement est publié au Bulletin des marques communautaires et inscrit au Registre des marques communautaires.

Une marque internationale (enregistrée auprès de l’OMPI) peut être nantie conformément aux dispositions du Règlement d’exécution commun à l’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques et au Protocole relatif à cet Arrangement. Une marque internationale dont le titulaire est une entreprise française peut être valablement nantie dans le cadre d’un nantissement de fonds de commerce ou d’un nantissement portant exclusivement sur la marque, sous réserve du respect des modalités de constitution préalablement énoncées.

La publicité du nantissement d’une marque internationale est assurée par une inscription au registre international des marques tenu par l’OMPI. À cette fin, un formulaire complété par le titulaire de la marque ou son mandataire est adressé à l’OMPI, directement ou via l’INPI. Le passage par l’INPI, bien qu’il implique le paiement d’une redevance de 60 euros, nous semble une voie d’accès à l’OMPI préférable en ce qu’elle permet de revoir le formulaire préparé par les services de l’INPI.

À l’issue de ces formalités, le nantissement est publié dans la Gazette OMPI des marques internationales et dans la base de données sur les marques internationales (ROMARIN).

Notes

1 Selon l’étude menée par Brandz accessible ici.
2 Vernimmen 2014, Finance d’entreprise, Dalloz, n°35.35 p. 722.
3 Seuls sont concernés les 94 pays adhérents au système de Madrid.

 

Auteurs

Benjamin Guilleminot, avocat, responsable Financements Structurés

Benoît Fournier, avocat, financements structurés