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Le nouveau contrat type général de transport : le phœnix qui renaît de ses cendres

Le nouveau contrat type général de transport : le phœnix qui renaît de ses cendres

Le premier et le plus connu des contrats types de transport routier de marchandises, à savoir le contrat type général, vient de connaître un regain d’énergie.

En effet, le décret n°2017-461 du 31 mars 2017 a institué un nouveau contrat type général pour le transport terrestre de marchandises entré en vigueur le 1er mai 2017 et qui remplace celui issu du décret n° 99-269 du 6 avril 1999. Ce contrat type s’applique de plein droit à la relation entre un donneur d’ordre (tout expéditeur, commissionnaire de transport ou autre qui conclut le contrat de transport) et un transporteur ; il vise, sans distinction de poids, tous les envois à l’exception de ceux ressortissant à un contrat type spécifique.

Le secteur du transport routier dispose actuellement de dix contrats types :

  • un contrat type général ;
  • six contrats types spécifiques à certains transports (marchandises périssables, citerne, animaux vivants, objets indivisibles, fonds et valeurs et véhicules roulants) ;
  • un contrat type sous-traitance ;
  • un contrat type commission de transport ;
  • un contrat type location de véhicules avec chauffeur.

Le nouveau contrat type général traduit une volonté d’apporter des solutions équilibrées aux intérêts parfois contradictoires des parties au contrat de transport sur certains aspects de la relation qui posaient difficulté. Tout n’est pas tranché mais des avancées ont été réalisées.

Le contrat type général « nouvelle génération » apporte ainsi quelques changements importants en modifiant certains articles et en en créant de nouveaux. Il comporte vingt-six articles soit trois de plus que l’ancienne version. Avant de présenter les principales nouveautés de ce texte, nous procèderons à un rapide rappel de la notion de contrat type en droit des transports.

  • La notion de contrat type

Afin de fixer et de sécuriser les relations entre le transporteur et son client, le législateur a prévu que les clauses du contrat type s’appliquent de plein droit à chaque fois que les parties à ladite relation n’ont pas convenu de la règle applicable. Ainsi, lorsque les parties n’ont rien prévu, lorsque le contrat est incomplet ou lorsque la clause est inopposable au partenaire qui n’en a pas eu connaissance et n’a donc pu l’accepter, le contrat type a vocation à suppléer l’absence, l’insuffisance ou l’inopposabilité de la prévision.

Le contrat type contient toutes les dispositions nécessaires à l’encadrement et à l’exécution du transport (chargement, déchargement et régime de responsabilité associé, livraison, indemnisation pour perte, avarie et retard, etc.). Les parties trouvent dans ce contrat des règles toutes faites pour régir leurs relations de transport, auxquelles elles doivent se référer si elles ne les ont pas écartées.

  • Les principales nouveautés du contrat type général

Bien que régénéré, le nouveau contrat type ne rompt pas avec le passé. Certaines dispositions existantes ont été reprises en l’état. Il en va ainsi, pour les citer rapidement, des dispositions relatives aux conditionnement/emballage (article 6), rôles au chargement/déchargement (article 5), maintien du droit au prix sous réserve de payer l’indemnité afférente à l’avarie ou à la perte (article 19), modification du contrat (article 4), empêchement au transport/livraison (articles 16 et 17) et réduction du tiers de l’indemnité en cas d’ordre injustifié de destruction ou d’interdiction de sauvetage (article 22).

En revanche, nous nous arrêterons sur les principales nouveautés.

Des définitions nouvelles ou plus précises

Le nouveau contrat type ajoute quatre définitions, à savoir celles :

  • du destinataire à l’article 2.2 (notion sensible en matière d’action directe par exemple) ;
  • du point de proximité (article 7.1.b) qui prend en compte la multiplication des lieux de livraison pour la mise à disposition du colis et détermine le site de déchargement correspondant au seuil du magasin (important en cas de dommage) ;
  • de la souffrance de la marchandise (article 2.15), tout en prévoyant la procédure à suivre lorsque ni le destinataire, ni le donneur d’ordre ne souhaite récupérer la marchandise « en souffrance » (article 17.3) ;
  • de l’unité de transport intermodal (UTI) correspondant aux conteneurs maritimes, caisses mobiles, semi-remorques ou autres unités de chargement similaires utilisées en transport intermodal (article 2.16), pour ne pas les confondre avec un conteneur lambda visé dans la définition du colis.

Il précise également la notion de colis ou unité de chargement, qui inclut désormais de nouvelles formes de supports (cage, cantine, enveloppe, paquet sac) (article 2).

Informations à fournir au transporteur et documents de transport

Il faudra désormais mentionner « la nature très exacte de la marchandise » afin que le transporteur ait connaissance, le cas échéant, du caractère sensible des marchandises et de la composition exacte de l’envoi (article 3.1). Ces précisions peuvent avoir une incidence sur la responsabilité du transporteur.

Comme prévu par la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) du 19 mai 1956 qui a fait l’objet d’un protocole additionnel ratifié par un décret du 3 janvier 2017 relatif à la lettre de voiture électronique, le contrat type prévoit la possibilité d’établir le document de transport par écrit ou sur « tout support dématérialisé » (article 3.4).

L’article 3.6 précise à présent clairement que seuls les documents ayant trait au transport, à l’exclusion de ceux relatifs à la vente ou autre, sont opposables au transporteur, sauf s’ils ont été portés à sa connaissance sur « des pièces relatives au contrat de transport ». Il n’y aura plus de débat sur ce sujet.

Conditionnement, emballage, étiquetage et vérification de l’état de la marchandise

Le transporteur est parfois dans l’impossibilité de contrôler l’état de l’envoi (palette filmée, marchandises en conteneur). Or, à défaut de réserves, le transporteur supporte l’éventuel dommage subi par les marchandises constaté à la livraison en application de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui.

Désormais, le contrat type lui accorde, à l’instar de ce que l’article 8 de la CMR prévoit, la faculté d’émettre des réserves précises et motivées de « défiance » lorsqu’il n’a pas les moyens raisonnables de vérifier l’état apparent de la marchandise, son emballage et son étiquetage. Toutefois, comme en CMR, ces réserves n’engagent le donneur d’ordre que s’il les a expressément acceptées. Mais, à défaut d’acceptation de ces réserves, le transporteur est en droit de refuser la prise en charge (article 6).

Nouvelle prestation annexe ; rémunération du transporteur

La question de l’arrimage et du sanglage des marchandises est sensible depuis toujours (car les enjeux en terme de responsabilité et de coûts des matériaux ne sont pas neutres). Désormais, le sanglage devient une prestation annexe au transport au même titre que le calage, le chargement, l’arrimage et le déchargement (article 7).

La fourniture des sangles et des cales constitue, comme toutes les prestations annexes, une prestation de service et une fourniture à rémunérer (article 18.2).

Le nouvel article 18.4 fixe le principe selon lequel les prix initialement convenus dans le cadre de relations établies seront renégociés à la date anniversaire du contrat.

Vérifications et réserves

L’article 7.2.1 ajoute une nouvelle cause d’exonération du transporteur quand le donneur d’ordre a procédé au chargement et que le transporteur établit qu’il n’a pu procéder « aux vérifications d’usage en raison des contraintes imposées sur le site par l’expéditeur ». La preuve de ces « contraintes » (éloignement du chauffeur imposé par le donneur d’ordre pour des raisons de confidentialité par exemple) sera à rapporter par le transporteur.

Livraison de la marchandise

Pour mettre fin aux risques résultant de l’absence de preuve de livraison conforme que devaient assumer les transporteurs lorsque, ne pouvant attendre que le destinataire veuille bien leur remettre les documents de transport émargés, ils quittaient le lieu de livraison sans ces documents, une présomption simple de livraison conforme a été ajoutée. Toutefois, elle est subordonnée à la condition que le voiturier confirme, par courrier recommandé adressé le premier jour suivant (avant midi), que la remise est bien intervenue à telle date (article 9.3).

Retard ou défaillance du transporteur au chargement

Le transporteur doit désormais aviser le donneur d’ordre de tout retard. En cas de défaillance, la nouveauté tient à ce que la réparation du préjudice prouvé ne peut excéder le prix du transport convenu (article 14).

Annulation du transport

L’article 15 inspiré du contrat type « objets indivisibles » prévoit le cas de l’annulation du transport par l’une ou l’autre des parties au contrat. Annoncée moins de 24 heures avant le jour ou l’heure convenu(e), l’annulation entraîne la réparation du préjudice prouvé dans la limite du prix de transport.

Empêchement à la livraison

Le contrat type consacre un nouveau paragraphe au traitement des marchandises en souffrance (article 17). La procédure se réalise en trois étapes :

  • le transporteur envoie un avis de souffrance au donneur d’ordre dans les cinq jours ;
  • à défaut d’instruction, il met en demeure le donneur d’ordre de prendre possession de la marchandise ;
  • en l’absence de réponse dans les quinze jours, le contrat est résilié de plein droit et la marchandise est considérée comme abandonnée par l’expéditeur au transporteur qui en devient propriétaire.

Modalités de paiement

Tout retard de paiement sera sanctionné et entraînera de plein droit, le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture, l’exigibilité d’intérêts de retard d’un montant équivalent à cinq fois le taux d’intérêt légal, ainsi que d’une indemnité forfaitaire de recouvrement d’un montant minimal de 40 euros (article 19). La prévision de l’indemnité forfaitaire n’est qu’une mise à jour du contrat compte tenu de la réglementation prévue par le Code de commerce. Seule la fixation en cas de retard de paiement du taux à cinq fois le taux d’intérêt légal est une nouveauté.

Les limites d’indemnité en cas de perte ou d’avarie : une nouveauté importante

En cas de perte ou d’avarie de la marchandise (y compris celle transportée en UTI), les plafonds de limitation de la responsabilité du transporteur ont été revus à la hausse (article 22) :

  • pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes : la responsabilité du transporteur est limitée à 20 euros par kilogramme, dans la limite de 3 200 euros par tonne ;
  • pour les envois inférieurs à trois tonnes : la responsabilité du transporteur est limitée à 33 euros par kilogramme, dans la limite de 1 000 euros par colis.

En cas de perte ou avarie d’une UTI vide, la responsabilité du transporteur est limitée à 2 875 euros et quand elle est pleine s’ajoutent les indemnités prévues ci-dessus.

Dommages aux biens de l’expéditeur ou du destinataire

A côté de la responsabilité pour faute prouvée du donneur d’ordre en cas de dégâts au véhicule, il est à présent prévu le même système pour les dommages matériels directs que le transporteur occasionne aux biens de l’expéditeur ou du destinataire lors de l’exécution du contrat (article 23).

Prescription

L’article 25 intègre dans le contrat type la référence à la prescription annale de l’article L.133-6 du Code de commerce qui prévoit que toutes les actions fondées sur le contrat, y compris sur les prestations annexes, se prescrivent dans un délai d’une année à compter de la date de réception de la marchandise ou de la date prévue pour sa livraison en cas de perte totale.

L’instauration des délais de préavis

A l’instar des contrats type sous-traitance, commission et location de véhicule avec chauffeur, le contrat type général envisage désormais des durées de préavis en cas de rupture des relations contractuelles à durée indéterminée (article 26). La durée du préavis se décline comme suit :

  • un mois si la durée de la relation est inférieure ou égale à six mois
  • deux mois si la durée de la relation est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an ;
  • trois mois si la durée de la relation est supérieure à un an et inférieure ou égale à trois ans ;
  • quatre mois si la durée de la relation est supérieure à trois ans, auxquels s’ajoute une semaine par année complète de relations commerciales, sans pouvoir excéder une durée maximale de six mois.

Doubler le préavis pour les relations de plus de trois ans rompt l’uniformité entre les différents contrats types, notamment au détriment des commissionnaires. En effet, en application du contrat type commission, les commettants ne seront tenus d’accorder que trois mois de préavis à leur commissionnaire alors que le commissionnaire affréteur devra notifier un préavis de six mois au transporteur.

Cette dichotomie risque de susciter de nouvelles difficultés qui donneront lieu à débats dans les prétoires.

Il faut donc attendre et voir aussi comment la pratique va s’emparer de ce nouveau contrat type pour y déroger ou pas.

Auteur

Francine Van Doorne, avocat Counsel, droit commercial et droit de la distribution

 

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