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Le passe (ou pass) sanitaire : mode d’emploi pour l’employeur

Le passe (ou pass) sanitaire : mode d’emploi pour l’employeur

Après une allocution présidentielle du 12 juillet 2021, des débats parlementaires animés et une conformité partielle par le Conseil constitutionnel, tentons d’apporter les éclairages nécessaires à sa mise en application progressive depuis le 9 août 2021.

 

Qu’est-ce que le passe sanitaire ?

Vaut passe sanitaire la présentation de l’un des trois documents suivants :

 

    • Le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas une contamination par la covid-19. C’est la preuve d’un test RT-PCR, soit d’un antigénique ou un autotest réalisé sous la supervision d’un professionnel de santé permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2, – de résultat négatif – et ce, datant de moins de 72 heures pour l’accès aux activités, établissements et services concernés.
    • Un justificatif de statut vaccinal « complet » concernant la covid-19. Ce justificatif est acquis 7 jours après la seconde dose pour les vaccins à double injection ou après l’administration d’une dose pour les personnes ayant été infectées par la covid-19. Concernant le vaccin Johnson & Johnson à une seule injection, la vaccination est complète 28 jours après l’administration.
    • Un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19. Cela s’illustre par un test positif RT-PCR ou antigénique de plus de 11 jours et moins de 6 moins. Notons à cet égard que cette règle est rappelée sur le site du gouvernement alors que sur l’application « TousAntiCovid » et ce depuis le 28 juillet 2021 il est mentionné clairement et de façon très surprenante qu’en cas de résultat positif par test antigénique, une RT-PCR doit nécessairement être réalisée en sus.

 

A produire dans quelles hypothèses ?

Les précisions apportées par les nouveaux textes qui peuvent concerner toutes les entreprises sont celles relatives notamment à la présentation du passe sanitaire pour :

 

    • Les foires et salons professionnels ainsi que, lorsqu’ils rassemblent plus de cinquante personnes, les séminaires professionnels organisés en dehors des établissements d’exercice de l’activité habituelle. Force est de constater qu’il n’y a pas de définition du séminaire professionnel. Lors de la présentation de l’amendement à l’Assemblée Nationale, il a simplement été mentionné « en tant que réunions professionnelles concernant un nombre important de personnes de la même entreprise et/ou exerçant la même profession, même si ils ne sont pas ouverts au public, les séminaires doivent aussi faire l’objet de mesures sanitaires strictes » ;
    • Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux en France sauf en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis. Cela concerne les services de transport public aérien, les services nationaux de transport ferroviaire à réservation obligatoire et les services collectifs réguliers non conventionnés de transport routier (cars interrégionaux). A contrario, les Train Express Régional (TER) et les services de transports urbains ne sont pas concernés ;

 

Par ailleurs, il est essentiel de relever que les activités de restauration commerciale ou de de débit de boissons (mais pas les cantines d’entreprise : cf Q/R publié sur le site du Ministère du Travail le 9 août 2021) ainsi que les magasins de vente et centres commerciaux dont la surface utile cumulée calculée est supérieure ou égale à 20 000 m2 sur décision motivée du représentant de l’Etat dans le département, doivent désormais aussi vérifier le passe (sous réserve d’un accès aux biens de première nécessité dans le bassin de vie). Il en va de même d’une part, sauf urgence ou décision contraire du chef de service dans les hôpitaux et d’autre part, dans les services et établissements de santé, sociaux et médico sociaux pour les visiteurs.

 

Qui est concerné par le Passe sanitaire et quand?

 

    • Depuis le 21 juillet 2021, l’accès aux lieux prévus pour des activités culturelles, sportives et de loisirs (recevant jusqu’au 9 août au moins 50 personnes) était déjà subordonné à la présentation du passe sanitaire. Il s’agit notamment des salles de concerts, des cinémas, des salles de conférences, de réunions et des musées ;
    • A compter du lundi 9 août 2021, le public, c’est-à-dire les participants, visiteurs, spectateurs ou, clients uniquement des lieux, établissements, services ou événements où sont exercées les activités précédemment énumérées, est concerné sans application de la « jauge » de 50 qui est supprimée (sauf pour les séminaires). Le Conseil constitutionnel a précisé le 5 août 2021 que les activités politiques, syndicales ou cultuelles ne sont pas des activités de loisirs.
    • A compter du 30 août 2021 (et non du 15 septembre 2021 comme souhaité par le Sénat), cela s’imposera aux personnes qui « interviennent » dans ces lieux, établissements, services ou événements. En l’absence de précisions, nous comprenons qu’il s’agit notamment des salariés et dirigeants de ces lieux. Il peut aussi s’agir des prestataires intervenant dans ces lieux, sauf livraisons ou interventions urgentes.
    • A compter du 30 septembre 2021, les mineurs de plus de 12 ans seront également concernés.

 

Il convient de préciser que l’exigence du passe sanitaire n’est prévue à ce stade, que jusqu’au 15 novembre 2021 (au lieu du 31 décembre 2021 comme prévu initialement).

 

Quelles sont les obligations pesant sur les employeurs ?

 

1. Le contrôle du passe sanitaire

 

La loi prévoit que la présentation du passe sanitaire est réalisée sous une forme ne permettant d’en connaître la nature.

En pratique, il est présenté, soit en format numérique via la fonctionnalité de l’application TousAntiCovid, soit en format papier.

La personne contrôlant le passe sanitaire scanne le QR code via l’application TousAntiCovid Verif. Il est alors simplement indiqué « valide » en vert ou « non valide » en rouge.

Dans le second cas, il n’est pas donné de détails sur la raison de la non validité. En effet, l’employeur n’a pas le droit d’avoir accès aux données personnelles de santé de ses salariés.

Lors du scan du passe sanitaire via l’application TousAntiCovid Vérif, le nom, le prénom et la date de naissance de la personne titulaire du passe sanitaire s’affichent. Finalement, la présentation du passe sanitaire ne peut s’accompagner d’une présentation de documents officiels d’identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l’ordre.

En revanche, il est possible pour les personnes qui interviennent dans ces lieux et de façon volontaire, de présenter à leur employeur un justificatif de leur statut vaccinal complet. L’employeur est alors autorisé à titre exceptionnel à le conserver jusqu’au 15 novembre 2021 afin de permettre un contrôle simplifié.

Enfin, le décret prévoit que la personne autorisée à contrôler le passe sanitaire peut habiliter une ou plusieurs personnes pour exercer ce contrôle. Dans ce cas, elle tient un registre détaillant ces personnes ainsi habilitées, la date de leur habilitation, les jours et horaires des contrôles effectués.

 

2. La suspension du contrat de travail

 

Pour les salariés concernés par l’exigence du passe sanitaire, à partir de la date du 30 août 2021, en cas de non-présentation d’un passe valide, l’employeur devra notifier, par tout moyen, le jour-même, la suspension du contrat de travail du salarié. Le salarié ne touchera alors aucun revenu. Toutefois, le salarié gardera sa couverture santé, prévoyance et peut décider, mais en accord avec son employeur, de poser des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés.

Selon le Ministère du Travail, si un salarié intervient sur plusieurs lieux dont seulement certains sont soumis à l’obligation vaccinale ou de présentation du passe sanitaire, la suspension éventuelle du contrat de travail ne vaut « que pour les lieux pour lesquels ces justificatifs sont exigés, au prorata du temps de travail que le salarié aurait dû effectuer dans ces lieux » (Q/R précité).

La loi dispose que si cette situation se prolonge au-delà de trois jours travaillés, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment en recherchant les possibilités d’affectation, temporaires ou non, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.

L’Administration énonce dans son Q/R susvisé que « même s’il ne s’agit pas d’une obligation, tout doit être mis en œuvre pour régulariser la situation et, en cas de contentieux, la recherche d’affectation sera un des éléments que le juge pourra prendre en compte ».

Le gouvernement souhaitait introduire, au-delà d’une durée de deux mois, un motif spécial de licenciement pour le salarié ne présentant toujours pas de passe sanitaire, mais l’amendement concerné n’a pas été validé par les sénateurs. Il y a donc un « vide juridique » sachant qu’à défaut d’être éventuellement licencié, le salarié ne pourra pas prétendre aux allocations d’assurance chômage.

Et en cas de licenciement, pourrait se poser la question de la cause réelle et sérieuse même si cette hypothèse restera peut-être théorique puisque ces dispositions sont applicables à compter du 30 août 2021 et la loi n’est, en l’état, applicable que jusqu’au 15 novembre 2021… Etant relevé que le Conseil constitutionnel a précisé qu’à son avis la loi exclut que le défaut de passe puisse constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

L’Administration vient de mentionner pour sa part qu’ « à l’issue et dans le cas d’une situation de blocage persistante, les procédures de droit commun concernant les contrats de travail peuvent s’appliquer » (Q/R précité).

En revanche, la loi prévoyait la possibilité de procéder à une rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat de mission pour les entreprises de travail temporaire, le salarié qui n’aurait pas en sa possession un passe sanitaire valide. Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 août 2021 a censuré cette disposition considérant qu’elle créait une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail sans lien avec l’objectif poursuivi.

 

3. L’information-consultation du CSE

 

Dans les entreprises et établissements d’au moins 50 salariés, l’employeur doit informer sans délai et par tout moyen le comité social et économique (CSE) des mesures de contrôle du passe sanitaire. Celui-ci peut ensuite rendre son avis après que l’employeur ait mis en œuvre ces mesures de contrôle, au plus tard dans un délai d’un mois à compter de son information.

 

La procédure vaccinale pour les salariés et les stagiaires

Ceux-ci bénéficient, quelle que soit l’activité de l’entreprise dans laquelle ils exercent leur activité, d’une autorisation d’absence pour se rendre aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations, sans diminution de rémunération. Ces absences sont assimilées à des temps de travail effectif pour la détermination des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels liés à l’ancienneté.

 

Quel est le champ d’application de la procédure vaccinale ?

Les Etablissements et professions concernés sont listés. Il est précisé que les salariés des entreprises extérieures intervenant ponctuellement ne sont pas visés : il s’agirait des salariés intervenant de manière non récurrente pour des tâches de très courte durée non liées à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Tel ne serait pas le cas, des salariés d’une entreprise de nettoyage du fait du caractère récurrent des interventions (Q/R précité).

 

Quelles sont les sanctions envisagées ?

 

Celles-ci ont évoluées pour partie et sont désormais les suivantes :

 

    • Le fait d’accéder aux lieux, établissements, services ou événement où sont exercées les activités précédemment énumérées sans passe sanitaire expose la personne à une amende de 135 euros ;
    • Le fait de présenter un passe sanitaire appartenant à autrui expose la personne à une amende de 135 euros ;
    • Le fait de proposer à un tiers de manière onéreuse ou non l’utilisation frauduleuse du passe sanitaire expose la personne à une amende de 135 euros ;
    • Le fait pour un exploitant de service de transport de ne pas contrôler la détention du passe sanitaire expose à 1.500 euros d’amende et 3.000 euros d’amende en cas de récidive. Si une telle infraction est verbalisée à plus de trois reprises au cours d’une période de 30 jours les peines sont portées à un an d’emprisonnement et à 9.000 euros d’amende ;
    • Le fait pour un exploitant de lieux, établissements, services ou événement où sont exercées les activités précédemment énumérées de ne pas contrôler la détention d’un passe sanitaire s’expose à une mise en demeure de se conformer dans un délai maximum de 24 heures à cette obligation, sauf urgence ou sauf évènement ponctuel. Si la mise en demeure est infructueuse, l’autorité administrative peut ordonner la fermeture du lieu ou de l’établissement pour une durée maximale de sept jours. Si le défaut de contrôle du passe sanitaire est constaté à plus de trois reprises dans les 45 jours, l’exploitant s’expose à une peine d’un an d’emprisonnement et à 9.000 euros d’amende. L’exploitant n’est donc pas exposé immédiatement à un risque financier et/ou à une sanction pénale.
    • En dehors des activités visées, le fait de subordonner l’accès à un Etablissement, lieu, évènement, service à la présentation d’un passe est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

 

Il n’en demeure pas moins, qu’en l’état des textes, l’employeur pourrait être confronté à de réelles difficultés pratiques, notamment si un salarié ne peut pas ou refuse de présenter un passe sanitaire alors, par exemple, qu’un déplacement professionnel ou un séminaire serait organisé.

 

Article publié dans Les Echos le 10/08/2021

 

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