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Le projet « d’ajustement ciblé » de la protection des médicaments innovants

Le projet « d’ajustement ciblé » de la protection des médicaments innovants

Introduit en 1992, le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (CCP) permet aux laboratoires innovants de jouir d’une période de protection supplémentaire allant jusqu’à cinq ans afin de « compenser » la durée de la procédure d’obtention d’autorisation de mise sur le marché. Un CCP permet donc de prolonger le monopole conféré par un brevet portant sur un médicament innovant.
Le 28 mai 2018, la Commission européenne a publié une proposition de règlement modifiant le cadre juridique du CCP (le règlement 469/2009).

Ce projet de réforme est essentiellement motivé par le fait que les producteurs de médicaments génériques et biosimilaires établis en Europe seraient dans une position défavorable par rapport à des entreprises établies dans des pays tiers. A ce propos, l’exposé des motifs précise les pays concernés qui ne disposent d’aucune protection par CCP (par exemple la Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie) ou d’une protection moindre (le Canada et Israël).g

En l’état actuel des choses, les laboratoires titulaires de CCP, comme les titulaires de brevets, peuvent interdire tout acte de fabrication réalisé sans autorisation sur le territoire de l’Union. Or, la Commission soutient que la protection par CCP aurait deux « conséquences inattendues » :

  • elle empêcherait de produire sur le sol européen des produits même s’ils sont à destination de pays tiers dans lesquels la protection par CCP n’existe pas ; et
  • elle désavantagerait l’entrée des produits d’origine européenne sur le marché dès le jour de la fin de la protection.

Il existerait ainsi un risque de délocalisation de l’activité de production de médicaments génériques ou biosimilaires hors de l’Union européenne.

Pour pallier cela, le projet de règlement prévoit qu’un CCP « ne confère pas de protection contre […] la fabrication à des fins exclusives d’exportation vers des pays tiers » (article 1er de la proposition de règlement). Il s’agit donc d’introduire une nouvelle exception au monopole accordé au titulaire d’un CCP. Certains parlent même de « recul » dans la mesure où il s’agit d’aligner partiellement la protection au niveau des pays qui ne disposent pas de la protection par CCP.

La Commission européenne veut ici faire preuve de pragmatisme en faveur des fabricants de génériques et de biosimilaires basés dans l’Union européenne au détriment des laboratoires innovants titulaires de droits. Si ce projet est adopté, les laboratoires titulaires de CCP risquent de rencontrer certaines difficultés pour faire respecter leurs droits : en effet, l’exploitant d’un site de production pourra se défendre en arguant que les produits sont destinés à un autre marché que le marché européen. On peut donc comprendre l’inquiétude des intéressés qui voient leur monopole « raboté », d’autant plus que les actes de fabrication sont évidemment les plus faciles à localiser et à contrôler, à la différence des actes de mise sur le marché ou d’importation/exportation.

Ce projet doit maintenant être examiné par le Parlement européen.

 

Auteur

Jean-Baptise Thiénot, avocat counsel, droit de la propriété intellectuelle, réglementation des produits de santé

 

Le projet « d’ajustement ciblé » de la protection des médicaments innovants – Article paru dans la Lettre Propriétés Intellectuelles de juillet 2018