Le projet de licenciement d’un membre du CSE n’est pas soumis à la consultation de celui-ci dans les entreprises de moins de 50 salariés
16 mars 2022
Saisi d’une demande d’avis sur l’obligation de consulter le CSE sur le projet de licenciement concernant l’un de ses membres, le Conseil d’Etat a précisé que cette consultation préalable du CSE ne s’appliquait pas dans les entreprises dont l’effectif est inférieur à 50 salariés (CE, 29 déc. 2021, n° 453069).
La question posée au Conseil d’Etat :
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’avis du Conseil d’Etat, le tribunal administratif de Lyon, saisi d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir de la décision d’un inspecteur du travail autorisant le licenciement d’un membre élu du CSE et de la décision du ministre du travail ayant rejeté le recours hiérarchique du salarié, a décidé de soumettre la question au Conseil d’Etat.
Pour rappel, l’article L. 2421-3 du Code du travail est rédigé comme suit :
« Le licenciement envisagé par l’employeur d’un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d’un représentant syndical au comité social et économique ou d’un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III. »
Avec la réforme des institutions représentatives du personnel issue des ordonnances n°2017-1386 du 22 septembre 2017 et n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 qui a substitué aux instances existantes (CE, CHSCT, DP) une instance unique – le CSE – dont les attributions varient selon que l’effectif de l’entreprise est inférieur ou au moins égal à 50 salariés et la substitution du terme de CSE à celle de CE qui y figurait jusque-là, ce texte donnait lieu une difficulté d’interprétation.
En effet, il s’agissait de déterminer si la phrase selon laquelle le CSE donne un avis sur le projet de licenciement « dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III » – qui renvoie aux attributions du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés – devait s’analyser comme limitant l’obligation de consultation aux seules entreprise dotées d’un CSE ayant une compétence élargie ou si, au contraire, elle s’appliquait à toutes les entreprises qui ont un CSE, celui-ci devant alors rendre son avis dans les conditions prévues pour les CSE à compétences élargies.
Une solution conforme aux préconisations de l’administration du travail
Le Conseil d’Etat déduit de la lecture combinée des dispositions du Code du travail, notamment des articles L. 2311-2 et L. 2421-3 que, dans les entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés, le CSE n’a pas à être consulté sur le projet de licenciement d’un membre élu à la délégation du personnel au CSE titulaire ou suppléant ou d’un représentant syndical au CSE ou d’un représentant de proximité.
Ce principe supporte néanmoins une exception dans le cas où une telle consultation serait prévue par un usage ou un accord collectif instituant, ainsi que le prévoit l’article L. 2312-4 du Code du travail, des dispositions plus favorables en ce qui concerne les attributions du CSE.
Dans les entreprises dont l’effectif atteint au moins cinquante salariés, la consultation du CSE, lorsqu’il existe, est requise dans tous les cas. Lorsqu’il n’existe pas de CSE dans l’établissement, l’inspecteur du travail est saisi directement.
Cette solution est conforme aux préconisations de l’administration du travail.
En effet, dans son guide relatif aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés, mis à jour en décembre 2021, la Direction Générale du Travail avait déjà pris position en ce sens en retenant que « lorsque le mandat du salarié protégé le requiert, le comité social et économique disposant des attributions consultatives dans les entreprises de 50 salariés et plus doit être consulté pour tout licenciement quel qu’en soit le motif ».
La persistance des différences antérieures en fonction de l’effectif des entreprises ?
Sous une appellation identique, l’existence d’un CSE implique des conséquences différentes selon que l’effectif de l’entreprise atteint ou non 50 salariés.
Comme l’indique le rapporteur public dans ses conclusions relatives à la demande d’avis, « derrière la façade de la fusion des IRP et la création d’une unique institution dans toutes les entreprises d’au moins 11 salariés on entrevoit facilement la persistance de la summa divisio antérieure entre les entreprises de plus ou moins de 50 salariés. Les attributions du CSE dans les entreprises entre 11 et 49 salariés sont pour l’essentiel celles des anciens délégués du personnel ».
Ainsi la grille de lecture pour savoir si le CSE dispose d’une prérogative dans les entreprises de moins de 50 salariés impliquerait de rechercher s’il s’agit d’une prérogative susceptible d’être exercée ou non par les anciens délégués du personnel.
Cette grille de lecture, bien que peu explicite dans le rapport au président de la République présentant l’ordonnance n°2017-1386 opérant la fusion des instances représentatives du personnel, l’est davantage dans le rapport d’études de la Dares, établi à la demande du Comité d’évaluation des ordonnances et transmis au ministère du travail le 11 octobre 2019, intitulé « Appropriation et mise en œuvre des ordonnances du 22 septembre 2017 réformant le droit du travail ».
Il y est précisé expressément que « Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le CSE remplace les délégués du personnel dont les attributions sont partiellement maintenues » (p. 11).
Cette grille de lecture a ainsi permis au législateur d’apporter certaines corrections.
Par exemple, l’article L. 2312-5 du Code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1386, portant sur les attributions du CSE dans les entreprises d’au moins onze salariés et de moins de 50 salariés, ne prévoyait pas la possibilité d’exercice d’un droit d’alerte par cette instance.
Cette prérogative était uniquement accordée aux CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés, qu’il s’agisse du droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes (C. trav., art. L. 2312-59) ou encore du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent (C. trav., art. L. 2312-60).
Or, antérieurement à l’entrée en vigueur de cette ordonnance, les délégués du personnel disposaient d’un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes (C. trav., anc. art. L. 2312-2). S’était alors posée la question de la perte de cette ancienne prérogative par les représentants du personnel des petites entreprises de moins de 50 salariés.
Pour permettre aux petits CSE de conserver le droit d’alerte dévolu aux anciens DP, le législateur a, dans le cadre de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances, modifié l’article L. 2312-5 du Code du travail en précisant notamment que la délégation du personnel au comité social et économique exerce ce droit d’alerte dans les conditions applicables aux CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés.
De la même façon, il ne fait guère de doute que le CSE des entreprises de moins de 50 salariés a bien vocation à donner un avis sur les propositions de reclassement du salarié inapte dès lors que, sous l’empire des dispositions légales antérieures, l’avis des délégués du personnel devait être sollicité dans un tel cas.
Il en serait de même dans toutes les situations où une consultation des délégués du personnel était prévue à défaut de CSE.
Reste qu’en substituant le terme de CSE à celui de CE ou de CHSCT dans toutes les dispositions du Code du travail qui comportaient cette mention, la réforme opérée en 2017 peut créer des difficultés d’interprétation :
doit-on en effet considérer qu’ en dehors des attributions spécifiquement accordées au CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés (section III, chapitre 1, livre 3), la référence au CSE dans toutes les autres dispositions vise toutes les entreprises quel que soit leur effectif même si les dispositions antérieures ne renvoyaient pas cette compétence aux DP, en l’absence de CE, ou de CHSCT comme c’était le cas dans l’affaire en cause ?
Le Conseil d’Etat tranche dans le sens d’un statu quo avec les dispositions antérieures.
Nul doute que cette question se reposera à l’occasion de l’interprétation d’autres dispositions légales faisant antérieurement référence aux seuls CE et/ou CHSCT.
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