Le réajustement du loyer en cours de bail constitue une cause de déplafonnement
Il est désormais constant que la modification conventionnelle du loyer dans des conditions étrangères tant à la loi qu’au bail initial s’analyse en une modification notable des obligations des parties justifiant, à elle seule, le déplafonnement du loyer à l’occasion du renouvellement (Cass. 3e civ., 4 avril 2001, n°99-18.899 ; Cass. 3e civ., 24 mars 2004, n°02-16.933). La Cour de cassation a récemment apporté, non pas une modification, mais une précision notable à cette règle (Cass. 3e civ., 15 février 2018, n°17-11.866 et 17-11.867).
Dans l’affaire qui lui était soumise, deux baux commerciaux portant sur des locaux contigus avaient été conclus au cours de l’année 2003. Le 17 janvier 2012, la bailleresse a engagé une procédure en fixation des loyers révisés sur le fondement de l’article L. 145-39 du Code de commerce. La locataire a quant à elle initié, le 21 février 2013, une procédure en renouvellement des deux baux à compter du 1er avril 2013. Par deux avenants du 7 mars 2014, les parties ont mis fin aux procédures de révision et réajusté les loyers à compter du 1er janvier 2012 jusqu’au 31 mars 2013. Elles ont ainsi convenu d’une majoration de 75 % du montant des loyers. Consécutivement, la bailleresse a demandé la fixation à la valeur locative des loyers des baux renouvelés à compter du 1er avril 2013.
Cette demande ayant été accueillie par la cour d’appel de Paris (CA Paris, 2 décembre 2016, n°14/22066 et 14/22066), la locataire s’est pourvue en cassation. Elle soutenait que la fixation consensuelle du loyer résultant d’un avenant de révision du loyer destiné à mettre fin à une procédure de révision judiciaire, et dans lequel le déplafonnement a été accepté par les deux parties, ne constituait pas une modification notable des obligations des parties justifiant le déplafonnement du loyer.
Son pourvoi est rejeté, la Cour de cassation approuvant les juges du fond d’avoir décidé que « la fixation conventionnelle du loyer librement intervenue entre les parties emportait renonciation à la procédure de révision judiciaire du loyer et constituait une modification notable des obligations respectives des parties intervenue en cours de bail dans des conditions étrangères à la loi et justifiant, à elle seule, le déplafonnement ».
L’intérêt de la solution rapportée se trouve très certainement dans l’appréciation de la date à laquelle la modification doit intervenir pour entraîner le déplafonnement. La jurisprudence exige qu’elle intervienne au cours du bail à renouveler (Cass. 3e civ., 19 novembre 1975, n°74-13.168). Or en l’espèce, les avenants à l’origine de la modification du loyer des baux échus avaient été conclus postérieurement à la date d’effet du renouvellement. A proprement parler, cette modification n’est donc pas intervenue au cours des baux à renouveler (Cass. 3e civ., 18 janvier 2011, n°09-68.298) elle a seulement pris effet rétroactivement à cette période. Les bailleurs, pour qui le mécanisme du déplafonnement a perdu une grande partie de son intérêt depuis l’instauration du lissage par la loi du 18 juin 2014 (article L.145-34 al. 4 du Code de commerce), se voient ainsi bénéficier d’une interprétation prétorienne extensive de la condition temporelle susmentionnée. Les locataires sont avertis !