Le régime contentieux du retrait d’un permis de construire obtenu par fraude
Dans ce contentieux, la Société Placi obtenait le 24 février 2014 un permis de construire en vue de la réhabilitation et de la surélévation d’un hôtel particulier avenue Foch à Paris. Par un recours gracieux du 3 août 2015, la SCI Cora en demandait le retrait au motif que le pétitionnaire se serait vu délivrer ledit permis à la suite de manœuvres frauduleuses (le document graphique d’insertion ne rendait pas fidèlement compte, selon elle, de la réalité du retrait du dernier étage du bâtiment projeté).
Par la suite, la décision implicite de rejet du Maire de Paris et le permis contesté étaient déférés à la censure du tribunal administratif de Paris, qui rejetait la requête pour tardiveté, par un jugement du 23 décembre 2016. Le juge administratif avait alors estimé que la demande de retrait, présentée plus d’un an après la délivrance de l’autorisation d’urbanisme, n’avait pas eu pour effet de prolonger le délai de recours.
Saisi d’un pourvoi par la SCI Cora, le Conseil d’Etat est venu rappeler les règles contentieuses applicables en matière de retrait d’un acte administratif unilatéral obtenu par fraude, ici un permis de construire.
Tout d’abord, la Haute juridiction confirme qu’en application des dispositions de l’article L.241-2 du Code des relations entre le public et l’administration la circonstance qu’un acte administratif ait été obtenu par fraude ne proroge pas le délai de recours (cf. notamment CE, 17 mai 1999, n°172918). En revanche, il prend soin de préciser qu’un tiers justifiant d’un intérêt à agir est « recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l’annulation de la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d’abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l’a saisie d’une demande à cette fin ».
Ensuite, le Conseil d’Etat détaille les étapes du raisonnement à suivre pour le juge administratif : il incombe au juge de l’excès de pouvoir saisi en ce sens, d’une part, de « vérifier la réalité de la fraude alléguée » et, d’autre part, de « contrôler que l’appréciation de l’administration sur l’opportunité de procéder ou non à l’abrogation ou au retrait n’est pas entachée d’erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l’acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait« .
Après avoir apporté ces précisions méthodologiques, le juge de cassation annule le jugement de première instance en tant qu’il avait rejeté les conclusions de la SCI Cora pour tardiveté, mais rejette ensuite au fond la requête de la SCI, estimant que « l’éventuelle imprécision du document graphique en cause ne saurait être regardée comme constitutive d’une fraude ». La demande de retrait pour fraude, hors délai de recours, n’était donc pas fondée.
CE, 5 février 2018, n°407149
Auteur
Martin Guérin, avocat, droit de la construction et de droit de l’urbanisme