Le rôle des représentants du personnel en cas de réorganisation juridique en Allemagne
24 décembre 2020
Interview de Carsten Domke, avocat associé en droit du travail de CMS Allemagne. Il conseille des entreprises allemandes et des multinationales sur des projets de restructuration et d’externalisation et négocie des conventions collectives, des accords de conciliations d’intérêts et des plans de licenciement collectifs par Caroline Froger-Michon, avocat associé en droit du travail et protection sociale. Elle conseille de grands groupes français et internationaux, notamment dans le cadre de problématiques relatives aux restructurations et aux aspects sociaux des opérations de fusion-acquisition.
Existe-t-il en Allemagne un organe de représentation des salariés semblable à notre comité économique et social français ?
Oui. En Allemagne, à partir de cinq salariés, un comité représentant les salariés peut être élu, mais ce n’est pas une obligation. Les grands groupes et les PME ont tous des comités d’entreprise (Betriebsrat – «comité») désignés à différents niveaux (site local – Betriebsrat, société – Gesamtbetriebsrat et, parfois, groupe – Konzernbetriebsrat).
Les compétences et le mode de consultation sont différents par rapport à la France : le comité local est impliqué pour chaque embauche et cessation de contrat de travail par exemple. En cas de réorganisation opérationnelle, le comité local ou bien celui désigné au niveau de la société a le droit de négocier avec l’employeur un accord préalable à la mise en place de la mesure. Cette négociation peut prendre plusieurs mois. À la différence de la France, le comité n’a pas de budget propre mais peut demander la prise en charge de certaines dépenses nécessaires à son fonctionnement.
Comme en France, le comité d’entreprise peut demander, aux frais de la société, l’assistance d’un expert-comptable. Cette faculté est souvent utilisée en cas de restructuration et d’établissement d’un plan social. Les œuvres sociales et culturelles sont en revanche relativement restreintes et il n’y pas de budget dédié.
L’organe de représentation des salariés doit-il être consulté préalablement à la réalisation d’une opération de cession de capital ? Ou d’acquisition d’une société ?
Le comité (en particulier le Gesamtbetriebsrat et son comité après économique Wirtschaftsausschuss) a relativement peu de compétences en matière de fusion-acquisition.
À l’origine, les compétences du comité étaient strictement limitées aux questions relatives à l’organisation opérationnelle du site.
Toutefois, en 2008 a été introduit l’obligation pour l’employeur d’informer le comité économique sur les opérations de changement de contrôle (share deal), § 106 (3) n° 9a BetrVG (loi allemande sur les comités d’entreprise et la codétermination – Betriebsverfassungsgesetz).
Cette information doit être faite le plus tôt possible lors d’une réunion spécifique donnant lieu à une présentation mais sans processus de consultation stricto sensu. De plus, tout projet de fusion-acquisition (relevant de la loi allemande sur les transformations des sociétés – Umwandlungsgesetz) doit être transmis au comité un mois avant la transmission au registre du commerce en Allemagne (Handelsregister) afin que le comité soit en mesure de prendre connaissance du contrat et ses effets.
Mais dans ce cas, que recouvre exactement votre concept de « codétermination » ?
En matière économique, le comité a des compétences étendues concernant les changements opérationnels : réduction d’effectif ou fermeture du site, déménagement, intégrations ou scissions opérationnelles (au niveau du site), changements fondamentaux dans l’organisation ou les méthodes du travail.
Dans ces cas, le comité a ce que nous appelons un droit de codétermination. Cela signifie que le comité a le droit de négocier un accord définissant ces changements (Interessenausgleich) et si un préjudice est à compenser, un plan social (Sozialplan) sera établi. Ces négociations ne sont pas encadrées dans le temps et peuvent durer plus que six mois s’il y a des difficultés – jusqu’à ce qu’un médiateur constate formellement l’échec des négociations. À la fin de ce processus de négociations, l’employeur peut mettre en œuvre la mesure (comme convenu dans l’accord collectif ou – en cas d’échec des négociations comme initialement prévu par l’employeur).
Souvent des opérations de fusion-acquisition entraînent des changements opérationnels et par conséquent vont impliquer un processus de codétermination. Ce sont ces changements opérationnels qui peuvent alors allonger le calendrier. Il faut donc veiller à prendre cela en compte lors de l’élaboration du calendrier des opérations.
Article paru dans La lettre des Fusions-Acquisitions de décembre 2020
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